Il est un peu plus de huit heures lorsque je me réveille et autant dire que j’ai la gueule en vrac… Il a encore fallu que je me rende à une soirée et comme à mon habitude, je n’ai eu aucun contrôle sur ma consommation abusive d’alcool ce qui fait que là, j’ai carrément la gueule de bois. Je me retourne plusieurs fois dans le lit, plonge ma tête sous un coussin, mais rien n’y fait : je sais que je ne vais pas retrouver le sommeil. Un soupire glisse entre mes lèvres tandis que j’ouvre les yeux et me met sur le dos. Je regarde le plafond quelques instants et je réalise bien vite que je ne suis pas chez moi. Je fronce les sourcils et me pose trente six milles questions avant de prendre conscience que je suis chez Damon puisque j’étais en soirée avec lui… Je suppose qu’il m’a ramené chez lui puisque je n’étais pas en état de reprendre la route pour retourner dans le Bronx. Ce qui fait que je me retrouve dans l’Upper East Side et ça me fait marrer. Le coin des riches. Le coin où je passe aisément pour un type bizarre et quand j’marche dans les rues, les petites vieilles serrent un peu plus leurs sacs à mains contre elles. Et accessoirement, c’est aussi dans ce coin où vit mon ex… Mais moins j’y pense, mieux je me porte.

Après plusieurs minutes à faire le légume, je me lève du lit et fonce jusqu’à la salle de bain. Je perds pas une seule seconde et je prends rapidement une douche avant de me sécher, enfiler un calbute ainsi que mon jean et je verrais pour piquer un haut à Damon un peu plus tard (entre potes, ça se fait). Mais pour le moment, mon ventre commence à crier famine donc je me grouille et je vais jusqu’à la cuisine pour préparer un petit déjeuner convenable et digne de ce nom. J’adore les cuisines. La sienne est juste trop parfaite. Je prépare également du café et au moment où je m’en prends une tasse, j’entends une voix féminine qui s’élève dans mon dos.

Hein ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Je me tourne vers elle et je crois que l’incompréhension se lit sur mon visage parce que je ne comprends absolument rien à ce qu’elle me raconte comme connerie. Madre de Dios ! Je crois que je commence à saisir toutes les informations… Elle croit que je suis… Ah ! Ah, mais non ! Et en plus, elle pense ensuite que je suis un gigolo… Je crois que je vais frôler le malaise. Non mais ça va pas bien chez certaines personnes.

« Premièrement : je ne suis pas une conquête de Damon. Deuxièmement : je ne suis pas non plus un gigolo parce que ma mère me tuerait rien qu’à cette idée, et on ne connaît pas les vraies crises des mères tant qu’on a pas vu la crise d’une mamà mexicaine… Et troisièmement : je savais pas qu’il avait une meilleure amie aussi accueillante… ! »

Non mais c’est vrai… Ils ont quoi ces gens dans ce coin à juger les autres de manière aussi hâtive ? À croire qu’ils ne savent faire que cela… Ils ne savent pas prendre le temps de connaître quelqu’un avant de dire des conneries ?

« P’tit dej’ ? »

Bah tant qu’à faire… Je ne suis pas du genre rancunier, moi.

Je crois vraiment que cette gonzesse a un gros problème ; premièrement, elle me balance des merdes à la gueule en pensant que je suis un gigolo ou que sais-je encore, et lorsque je lui assure que je n’en suis pas un parce que ma mère me tuerait réellement, elle s’approche de moi et me balance des menaces à la gueule. Hum. Elle s’est cru dans un film de la mafia ou… ? Non parce qu’au bout d’un moment, ce n’est pas avec ce genre de discours qu’on effraie les gens, à la limite, j’ai envie de rire comme un imbécile pendant une bonne dizaine de minutes histoire qu’elle comprenne mon amusement, mais je m’abstiens, on ne sait jamais… Elle a l’attitude typique des petites riches bourgeoises que je déteste parce qu’elles se croient toutes au dessus des autres alors qu’elles n’en valent même pas une qui vit dans le Bronx.

« Je rectifie : accueillante et charmante. »

Je ne peux pas faire autrement, il faut que je balance une connerie du genre avec toute l’ironie dont je sais faire preuve. Je pense qu’avant d’émettre des jugements sur les gens, il faut apprendre à les connaître et ne pas dire des merdes pareilles, mais cela ne semble pas être dans ses priorités.

« Excuse-moi, mais tu vis sur quelle planète exactement ? Parce que tu sais, quand on est ami avec quelqu’un, ce n’est pas pour ensuite raconter sa vie à qui veut bien l’entendre. Donc au bout d’un moment, tes menaces, hein... »

Sourire accroché aux lèvres, je retourne à la préparation du petit-déjeuner, ce n’est quand même pas une bourgeoise qui se prend pour la fille du parrain qui va me couper l’appétit quand même ! Et je ne suis pas rancunier, comme je le disais plus tôt… Puisque pour preuve, je prépare pour deux. La bonne bouffe ça réconcilie toujours les gens – ou pas.

« Juan Mendez. Et ouais, peut-être que je suis membre d’un cartel de la drogue vu que je suis mexicain, tout ça… Et si tu veux mettre tes menaces à exécution, sache que je vis dans le Bronx, mais fais gaffe, nous sommes nombreux ; je dis ça, je dis rien. »

Vas-y que j’en rajoute une couche parce que cela m’amuse profondément. Puis ça va, je dédramatise la situation, on a encore le droit de rire, non ? J’ai de l’humour et tant pis si elle n’en possède pas.

« Et tu es ? »

Je demande finalement en terminant le petit-déjeuner. Je dépose le tout dans deux assiettes que je pose sur la table ainsi que deux verres de jus d’oranges fraîchement pressées.

Elle est marrante cette petite blonde. Elle voudrait que j’aille dire à qui que Damon est homosexuel ? Je ne suis pas certain que ça intéressait mes potes ou les mecs avec qui je bosse au restaurant ; non seulement ils ne connaissent pas Damon, mais en plus, ils se fichent royalement de connaître l’orientation sexuelle des autres - je traîne avec des personnes tolérantes qui ne prennent pas la fuite dès qu’ils croisent un homosexuel ou qui ont ces envies de faire du mal à ces gens sous prétexte qu’ils ne couchent pas avec des femmes. Du coup, je ne sais pas pourquoi cela l’inquiète autant, mais je ne relève pas outre mesure ; je lui ai déjà clairement fait comprendre que ce n’était pas mon genre et je ne vais pas le dire durant des heures. Soit elle me croit, soit elle ne me croit pas, mais dans les deux cas, ce n’est pas mon problème.

Je m’occupe principalement du petit déjeuner parce que je crève vraiment la dalle et je n’ai pas l’intention de prendre la poudre d’escampette sous prétexte qu’une petite blonde m’a fait des menaces ou que sais-je encore. Je prends tout à la rigolade, parfois les gens apprécient, parfois pas du tout, mais là encore, je m’en fiche. La vie est vraiment trop courte pour qu’on s’emmerde à prendre les gens au sérieux ; et de toute façon, j’ai déjà connu l’enfer, donc merci mais non merci. Je préfère ne pas m’attarder là-dessus parce que je n’ai pas envie que mon humeur joyeuse disparaisse brusquement.

À la place, je raconte encore quelques conneries qui font rire la jeune femme - ce qui est un bon point - et je termine les préparations. Je dépose le tout sur la table et l’écoute en souriant largement... Ça va, je crois que l’atmosphère commence à se détendre et c’est tant mieux.

« Chut, il ne faut pas en dire davantage... N’allons pas nous mettre en concurrence direct ! »

Il faudrait sérieusement que j’arrête de dire des conneries. Bref, j’apprends qu’elle se prénomme Delilah Coulson et qu’elle a aussi des amis dans le Bronx - ce que je suis ravi d’apprendre, cela va de soi -.

« On se trouvait à une soirée et je crois que j’ai un peu forcé sur ma consommation d’alcool, du coup, je pense que Damon n’a pas voulu que je prenne le risque de rentrer chez moi en voiture ; il m’a donc conduit jusqu’à chez lui. Fin de l’histoire. »

Je ne peux pas en dire plus parce qu’il n’y a rien d’autre à dire. Du coup, je commence tranquillement à manger et limite j’ai envie de me féliciter à voix haute tellement je suis bon, mais je me retiens parce que je ne veux pas paraître trop prétentieux, évidemment.

« Alors comme ça, tu as des amis dans le Bronx ? Intéressant. »

Cette Delilah ne me semblait pas être le genre de personne qui aimait traîner avec des gens du Bronx (bien qu’ils ne soient pas tous des délinquants, des criminels ou autres, la preuve en est... les Mendez - aherm-).

Ouais, c’est clairement le genre de Damon de rendre service comme ça, il n’aurait pas prit le risque que je rentre chez moi complètement ivre et que je me prenne une voiture au premier virage. Et j’aurais fais la même chose dans le cas contraire ; lorsqu’on a des potes, on en prend soin et on est aussi là pour dire lorsqu’ils font des conneries ou qu’ils abusent un peu trop de certaines choses. Je sais que c’est mon cas et souvent, on me lance des regards qui veulent tout dire mais je fais comme si je ne voyais rien et je continue mon petit manège. Après tout, si l’alcool m’aide à vivre une bonne soirée, je vois pas pourquoi je m’en priverais sous prétexte que c’est mauvais pour la santé. Je pars du principe que si une merde doit m’arriver et bien elle m’arrivera.

Je m’installe et commence tranquillement à manger. Je hoche simplement la tête à son compliment et la jeune demoiselle me demande ensuite si je suis de la famille de Sandro et qu’elle est une amie à lui. Je n’étais pas au courant, mais en même temps, on se raconte pas tout dans les moindres détails. Nous avons chacun nos groupes d’amis et on n’est pas toujours collé les uns aux autres même si on est très proches.

« En effet, c’est mon cousin. »

Cousin, presque frère, c’est du pareil au même. C’est le cousin duquel je suis le plus proche et je le considère vraiment comme un frère ; et ce, depuis son hospitalisation où je passais mon temps libre dans sa chambre à lui faire la lecture et à raconter tout ce que je faisais comme conneries pendant les cours ou en dehors. Je voulais le faire rire. J’avais besoin de le voir sourire en fait.

« Tu le connais depuis longtemps ? »

Parce que je ne l’ai jamais vu avec alors je me demande. J’ai déjà aperçu quelques amis de Sandro, mais la petite blonde, jamais. Puis, comme je suis d’un naturel curieux, j’aime bien être au courant des histoires et des potins (à cause de ma cousine, évidemment).