Dans la vie, il y a souvent des hasards. Par exemple, nous nous trouvons dans une grande ville et nous rencontrons une vieille connaissance que nous n'avons pas vue depuis des années et des années et qui n'habite plus ici depuis longtemps. L'on reste un instant béat à la regarder de haut en bas et de bas en haut, à se demander si c'est vraiment la personne que l'on a à l'esprit ou si c'est quelqu'un de ressemblant. Il paraît qu'il existe des sosies dans ce monde...Alors, on peut très bien se tromper non? L'erreur est humaine, n'est-ce pas?
Cette situation de quasi-crise allait bientôt arriver à Gavin, alors qu'il ne s'y attendait pas du tout (ce qui est logique non? s'il s'y attendait ce ne serait pas le même effet). Le jeune homme était allé faire ses courses, tranquillement, comme il en avait l'habitude. Lorsqu'il avait 20 ans, c'est-à-dire déjà dix ans de cela, le professeur Selleck, qui n'était alors qu'un étudiant, habitait déjà dans le coin et se rendait à la même superette. C'est amusant, il n'avait jamais réellement changé ses habitudes, même si tout avait une saveur amère, si tout lui rappelait de mauvais souvenirs. Mais il y en avait aussi de bons, voire très bons qui remontaient un à un en surface...Comme par exemple le premier baiser échangé avec sa petite amie de l'époque, Naomie, dans une ruelle qui croisait l'une des rues principales. Naomie était une femme vraiment douce, attentionnée, il l'adorait. Ils avaient passé une année entière ensemble et c'était un an presque idyllique, chaque journée était emplie de joie. Malheureusment, il avait décidé de couper les ponts avec elle, du fait de son mal-être. D'abord, il était devenu distant puis de plus en plus froid, comme s'il ne savait plus sourire. A l'époque, il ne pouvait plus apprécier aucun bon moment. Il avait tout simplement choisi la date et l'heure exacts de sa mort et il ne voyait rien en dehors de cette optique.

Gavin se saisit d'un panier en repensant à tout cela et s'avança dans les rayons, presque vides. Lorsque l'on parle ou l'on pense au loup, on le trouve toujours...Et c'est à cet instant qu'une jeune femme, brune, l'interpella.

" Gavin ? Est-ce bien toi ? "
Une douce voix rudement familière venait de résonner parmi les salades. Une voix qu'il avait déjà entendu murmurer des mots d'amour à son oreille.
Il leva les yeux sur la femme se tenant face à lui....Etait-ce possible? il s'agissait là de Naomie Klein, la personne à qui il venait à peine de penser...C'en était quasi-surnaturel. Cette dernière le regardait l'air béat. Il ne sut quoi dire, quoi faire. D'autant plus qu'il savait pas qu'elle était la nouvelle secrétaire à l'Université...Ce serait sans doute un choc que de l'apprendre.
Gavin réfléchissait de toutes ses forces afin de trouver une issue de secours.
Oh tiens voilà une bonne parade! Faire comme s'il ne la reconnaissait pas...Comme si jamais rien ne s'était passé entre eux... Que ce soit il y a 10 ans ou même le jour-même où il se voyait tout deux dans cette superette.
Naomie, s'il te plait, ne me force pas à parler de tout cela, de cet acte stupide..j'avais voulu te mettre à l'écart pour que tu ne souffres pas trop...

<< On se connait? >> demanda-t-il simplement.

Naomie n'avait pas changé, elle n'avait même pas pris vraiment de rides! Elle gardait sa jeunesse si pure et ses yeux possédaient le même éclat que celui qui y brillait une dizaine d'années plus tôt. Elle gardait le même air, les mêmes gestes, les mêmes manies, comme celle lorsqu'elle fourrait quelque chose dans son panier. Et, visiblement, elle avait gardé la même marque de parfum. Son odeur était la même: un mélange de douceur. Qui eut donc cru que le jeune professeur allait bientôt la revoir, 10 ans après leur aventure, 10 ans après qu'il l'ait laissée tomber sans raison apparente! Elle l'avait reconnu, il en était certain.
" J'ai du vous confondre avec quelqu'un d'autre. " dit-elle, affirmative, affichant un visage neutre, sans expression mis-à-part une légère moue que le jeune homme reconnut. Il savait qu'elle ne le pensait pas, il sentait qu'elle était persuadée ne pas s'être trompée. La jeune femme avait bien raison d'ailleurs, car il mentait honteusement.
Dura alors un moment de silence, un long instant durant lequel aucun des jeunes gens présents ne dit mot. Naomie pesait ses fruits et Gavin choisissait les siens. Il pensa qu'il pourrait quitter ce rayon et tranquillement quitter la jeune femme sans qu'elle ne le rejoigne, mais il ne le fit pas car elle venait de recommencer à parler. Le professeur Selleck hocha simplement la tête, de manière affirmative. En effet, les rayons étaient vides et c'étati bien el problème. il suffirait qu'il y ait quatre ou cinq bonnes vieilles dames qui viennent faire leurs courses pour que les lieux se remplissent et qu'il puisse se détendre. En effet, ce qui le dérangeait le plus c'était cette nouvelle proximité et le fait qu'elle puisse, si elle le souhaitait, lui poser la question fatale. Ce que la femme brune ne manqua pas de faire, mais de manière un peu cachée. " Tenez une de mes amies a son passé qui la suit comme un boulet. Je lui ai dit alors qu'il fallait tourner la page. "
Gavin sut alors qu'il avait raison: elle ne l'avait pas cru lorsqu'il avait dit ne aps la connaître, ou plutôt ne pas la reconnaître. Ses intentions étaient précises. Au son de sa voix, prononçant doucement cette phrase, comme si de rien n'était, le jeune homme comprit qu'il ne pourrait éviter une discution. Ils venaient de se retrouver par hasard, après 10 longues années et il était bien temps de donner des explications. Il fallait assumer. Le jeune homme fit tomber, car intrigué et inquiet, la pomme qu'il avait dans la main.
Non, s'il te plait, laisse-moi, va-t-en. Ne m'oblige pas à te le dire en face. Comment s'extirper de cette situation si périlleuse?

<< Naomie... ah oui, maintenant je te reconnais. >> dit-il d'une voix neutre, se baissant afin de ramasser la pomme qui avait doucement roulé sur quelques centimètres du sol. Il n'avait pas l'air enthousiaste.
<< Comment se fait-il que tu sois ici? >> demanda-t-il ensuite d'un ton plutôt déplaisant. Il gardait tout de même une certaine curiosité. C'est vrai, ce hasard était-il si hasardeux?

Pourquoi agissait-il de la sorte? Il voulait simplement que son interlocutrice pense qu'il étati quelqu'un de potentiellement mauvais, en présentant pas grande émotion, alros que pourtant son coeur battait très rapidement dans sa poitrine. Peut-être qu'ainsi, elle laisserait tomber? Gavin n'avait pas envie de lui raconter toute cette histoire...Il ne savait pas vraiment quelle était la raison de sa réticence, mais il ne voulait pas parler.

Gavin n'avait aucunement l'intention d'être tout gentillet comme il l'était par nature. D'ailleurs ce qu'il allait faire et répondre serait plutôt odieux, au contraire de ce que l'on pourrait penser de lui. Il avait toujours été angélique, mais il voulait que Naomie ne le pense pas, qu'elle ne voit plus en lui ce petit jeune homme angélique.
Ainsi, le demoiselle avait un petit-ami? Pas étonnant avec sa gentillesse et sa beauté! Gavin s'était souvent demandé comment elle avait pu s'enticher de lui... Il n'avait jamais eu grande estime de lui-même. En fourrant sa pomme dans son panier, il offrit un sourire quelque peu sarcastique à son ex et répondit, sur un ton déplacé et provoquant:

<< Oh c'est mignon tout plein. Evite de l'empoisonner.>>

Puis, il ajouta, cette fois-ci avec un ton plus simple et plus reposé, mais gardant tout de même une lueur de défi dans l'œil:

<< Moi, je suis venu acheter de quoi vomir...euh...je veux dire, de quoi manger.>>
Il ne s'était même pas rendu compte de son lapsus si révélateur de son état d'esprit et de santé! Mais cela rendait plutôt bien lui donnant un air très critique et peu doux envers son interlocutrice. Il croyait qu'elle allait enfin lui lâcher les basques, mais elle revînt à l'attaque, et pas par quatre chemins! D'une voix sévère, elle lui posa une simple question: "pourquoi". La question qu'il redoutait et à laquelle il ne pouvait s'empêcher de penser. Des années s'étaient écoulées, alors pourquoi s'obstinait-elle? Elle aurait pu l'ignorer, comme si elle ne l'avait jamais connu ni vu de sa vie, mais non, elle voulait des réponses. Mais des réponses à quoi?
Gavin ne savait pas qu'elle était au courant pour sa tentative de suicide, et, du fait, pour qu'elle s'en aille, il cracha:

<< Pourquoi quoi? pourquoi je t'ai laissé tomber? >>

Ainsi, la demoiselle souhaitait des réponses rapides? Claires nettes, incisives? Et bien elle serait servie! Même si cela n'était pas vraiment la vérité...Mais elle n'a jamais dit vouloir la vérité!

<< Et bien, j'ai rompu avec toi parce que tu ne faisais plus partie de mes plans...Et d'ailleurs, je ne t'ai jamais aimée, t'as toujours été qu'une idiote! >>

Et paf, la réponse est servie! Attention, elle est brûlante! De la méchanceté gratuite en pleine poire! Il avait prononcé ces mots sur un ton vraiment affligeant, comme s'il était prêt à la tuer. Il voulait qu'elle s'en aille, qu'elle le laisse tranquille. Peu importe qu'elle le prenne pour un salaud, ce qu'il n'était pas. Peu importe. A l'époque, il y avait de cela dix ans, c'était la même chose, il avait rompu afin qu'elle se détache de lui...Afin qu'elle ne souffre pas trop lorsqu'il serait mort, qu'elle se soit séparée de lui, qu'il n'existe plus pour elle lorsque le jeune homme commetrait son acte irréparable.... C'est souvent ainsi avec les gens qui choisissent eux-mêmes la date et l'heure de leur mort, il s sont bornés! Même dix ans plus tard!

Gavin avait été sauvé, et pourtant, il ne voulait pas en parler avec la femme qu'il avait aimé, voire adoré. C'était à ne rien en comprendre !

Ils étaient tous les deux entrain d'entrer dans un jeu stupide duquel ils n'allaient pas sortir si facilement. Et voilà qu'elle lui retoruait sur le même ton que celui qu'il avait utilisé d'aller faire un régime s'il ne voulait pas vomir...Il ne répondit même pas, ignorant cette remarque: difficile de faire plus grand régime que le jeûne casi-complet qu'il faisait depuis le début de son traitement. En effet, il mangeait vraiment très peu et s'il mangeait c'était bien pour ne pas avoir à vomir sa bille digestive. Il n' y avait rien de plus désagréable que de vomir lorsque l'on avait le ventre vide.

Puis, la jeune femme continua en relevant son mensonge. C'était vrai, il n'avait jamais su mentir devant les gens qu'il appréciait. Et bien entenu, il appréciait Naomie, malgré les dix années de silence qui les avaient séparés. D'ailleurs, il se demandait comment il avait pu cacher si longtemps à sa mère l'affaire avec son père et son oncle. Cela était sans doute dû au fait qu'ila vait peur..Peur de ce que cela engendrerait dans l'esprit de sa mère. Il voulait qu'elle soit calme. L'ignorance était le meilleur moyen pour cela. Tout ignorer pour ne pas souffrir. Alors Naomie pourquoi t'obstines-tu? Pourquoi??? Tu veux souffrir, tu es maso ou quoi?

Et paf, elle lui jetait à son tour des mots d'une violence insoutenable qui lui transpercèrent le coeur...Il l'avait cherché d'un côté, mais si elle voulait lui faire de la peine, c'était gagné! le jeune homme se touran afin qu'elle ne voit pas la tristesse apparaître sur son visage. Aprsèa voir lâché un soupir, il répondit sur l'offensive:

<< Non, je ne sais pas aimer... Tu as raison...Et c'est bien pour cela que tu devrais me croire quand je te dis que je ne t'ai jamais aimé! J'ai juste joué avec toi car tu ne représentais rien à mes yeux! Mais je n'ai aucun problème de conscience, crois-moi! >>

Ces mots étaient prononcés sur un ton de splus belliqueux. Il se crampa sur ses pieds, comme enracinés et poursuivit:

<< Je te dégoute, ah oui? Et bien qu'est-ce que tu attends pour rejoindre ton amant et l'étouffer avec ta bouffe?! >>

Si elle marcahit, il allait avoir ce qu'il voulait: la paix. ne pas lui parler de sa douleur. Il avait décidé de rompre avec elle pour lui éviter de se prendre la tête avec ses soucis, et voilà qu'elle venait l'obliger à les partager...Ne comprends-tu pas Naomie? ne comprends-tu pas pourquoi je te fais tant de réprimandes, pourquoi je te chasse ainsi?
C'étati une jeune femme très intelligente, elle allait sans doute comprendre que ses mots n'avaient rien à voir avec les véritables pensées du jeune professeur...

Si elle voulait qu'il s'ouvre, il fallait qu'elle lui avoue être au couratn de son suicide avorté... Et encore, ce ne serait pas gagné.

Gavin ne répondit tout d'abord rien aux remarques de son ex amante, bien que ses propos l'étonnaient au plus haut point. Ainsi, elle était au courant pour sa tentative de suicide? Eddy lui en avait parlé? Le jeune homme ne parvenait pas à en croire ses oreilles, il avait pourtant interdit formellement à son ami de souffler ne serait-ce qu'un mot de cela à Naomie! Il croyait bien faire à l'époque... Et peut-être après tout ce n'était pas une si grande erreur. Peut-être que le temps des explications était venu, aujourd'hui, ici, dans ce magasin, avec dix longues années de retard?
Le ton de son interlocutrice avait baissé, elle semblait apaisée. Elle aurait pu continuer sur sa lancée et l'abaisser jusqu'au bout au point où il en était, mais elle avait changé de ton et semblait prête à repartir sur une autre base.

Gavin s'approcha d'elle doucement et demanda:

<< Tu es au courant depuis tout ce temps pour ce que j'ai fais? >>

Le jeune homme baissa les yeux, jetant un oeil vide sur des pommes qui semblaient se moquer de lui.

<< Je suis désolé, Naomie. tout ce que je t'ai dit ces dernières minutes, je ne le pensais pas... Je t'aimais beaucoup, tu sais? Mais j'avais décidé, justement pour cela, que tu devrais t'écarter de moi... Je voulais à l'époque que tu finisses par me detester...plus tu serais loin de moi, moins tu souffrirais lorsque je serais mort... >>

Il soupira et continua, sur le même ton:

<< Lorsque je me suis réveillé à l'hôpital, j'en voulais au monde entier...Je n'avais qu'une idée, retenter mon coup dès que j'en aurais la possibilité... >>

Il ne lui sourit pas. Son air neutre s'était transformé en un air accablé de tristesse. La culpabilité était trop forte.

<< Par contre, si tu veux savoir pourquoi j'ai fait ça...Je ne peux pas te le dire, pas maintenant...Tu me fais trop mal. >>

Il se dirigea ensuite d'un pas rapide vers le rayon des boissons afin de prendre du lait, sans jeter un seul regard à la jeune femme.

Gavin s'était laissé emporter, lui qui d'habitude était si gentil, doux et avenant. Il avait été totalement injuste avec son interlocutrice. En effet, Naomie n'avait rien fait de mal et jamais elle ne devait avoir même pensé à lui faire du mal. Mais, que voulez-vous, quand on est dans le même état d'esprit que Gavin ce jour-là, on se sent comme perdu et on a peur, peur d'être rattrapé par son passé. Comme si le simple fait de l'évoquer le ramenait à la surface et nous blessait plus profondément encore qu'on l'avait été auparavant. Chaque mot sortant de la bouche de nos connaissances semblait brûlant, surtout que la jeune femme n'y était pas allée de main morte. Il faut dire qu'il l'avait cherché avec cette méchanceté gratuite qui lui était venue d'on ne savait où. Il soupira simplement, s'excusant une nouvelle fois.

<< Désolé. >> dit-il avec une voix calme.
Il n'y avait plus rien de belliqueux, ni dans sa posture, ni dans ces gestes, ni dans sa voix tremblante. Il paraissait même à un enfant que l'on aurait grondé trop fort ou qui aurait honte de son comportement.

A présent, Naomie lui demandait doucement ce qu'il allait manger le soir-même. Jetant un oeil dans son panier,, il comprit pourquoi elle lui posait une telle question. Il n'y avait dedans qu'une pomme, deux briques de lait et du pain de mie. D'ailleurs, il ne savait même pas pourquoi il avait pris du pain de mie...
Il lui sourit simpelment.

<< Non, c'est bon, tu es gentille, merci... Ce n'est pas que je n'ai pas le temps ni l'envie de faire à manger, c'est que je n'ai pas l'envie de manger, c'est tout. >>

Il ressentait rarement la sensation de faim ces temps-ci. Et la jeune femme l'embrassa sur la joue simpelment, lui demandant s'ils allaient faire la paix. Pourquoi pas? Un sourire aux coins des lèvres, il saisit la main qu'elle lui tendait.

<< D'accord, on fait la paix. Mais pour ce qui est de rester amis...Ca fait trop longtemps. On en se connait plus Naomie, il faudrait plutôt redevenir amis, réapprendre à se connaître. >>

En dix ans, les gens changent, surtout dans leur caractère. Voilà pourquoi gavin pensait qu'ils ne se connaissaient plus, qu'ils devaient donc se reconnaître en quelques sortes. On est plus les mêmes. Cela a dû vous arriver de rencontrer une personne quelques années plus tard totalement changée, non? En fait, c'est sans doute l'une des choses les plus fréquentes tenant du hasard.