Plic... Plic... Plic... L'air était frais de si bon matin. La rosée perlait lentement d'une mèche de cheveux foncés luisante à la lueur des premiers rayons de Soleil. Petite goutte d'eau s'évadait de sa prison capillaire pour venir rejoindre une bande de ses amies s'étant regroupée aux pieds de cette silhouette féminine afin de former une petite flaque. Éloïse avait dormi dehors ce jour là. Un déluge avait commencé la vieille jusqu'au petit matin. Elle était debout sur le quai de la gare, le regard perdu vers l'horizon, fixant les rails. Sa main droite était crispée, non par le froid mais par la colère, ses doigts chiffonnaient un ticket de train. Son fiancé était parti sans elle, il l'avait abandonné.

Mouillée de la tête aux pieds, elle s’avançait lentement vers un banc du quai numéro six, elle le fixait un instant comme s’il s’apprêtait lui aussi à disparaitre. Après s’être assisse, elle regardait le monde autour d’elle, il y avait un sans abri contre une barrière, une grand-mère qui attendait le prochain train et un couple d’amoureux sur le quai voisin en train de s’embrasser. Éloïse regardait les paumes de ses mains avant d’y cacher son visage et de pleurer jusqu’à épuisement.

Le temps s’écoulait, les secondes devenaient des minutes, les minutes des heures et des heures, des jours. Toujours le cœur blessé, l’âme en peine, Éloïse poussait la porte d’une clinique privée. Cet homme en qui elle avait donné toute sa confiance, tout son amour, l’avait lâchement abandonné. Que pouvait-elle faire d’autre ? Elle ne pouvait pas élever seule un enfant à tout juste dix-sept ans et en discuter avec ses parents étaient la carte joker à éviter. Son choix était fait et elle assumerait les conséquences.

Le ciel était bleu malgré la pollution de New York et le soleil réchauffait son visage. Elle posa sa main sur son ventre, ferma un moment les paupières, puis, résignée, combattante, elle traversa la route. Une fois arrivée sur le trottoir en face, elle effacerait ce passage de sa vie, comme si rien n’avait eu lieu, même si ce mauvais souvenir l’enterrait très certainement encore longtemps. Il deviendrait un secret scellé dans sa poitrine.

Sur le trajet, elle s’arrêta dans un café et elle regardait les passants derrière la vitre en appréciant la chaleur de son cacao et la douceur de sa viennoiserie. Mais ses pensées étaient tout autre part, prévoyant, calculant son avenir, ses désirs, ses rêves.

Éloïse – Juin 1993.