« Comme vous le savez tous très bien, l'art abstrait est aussi complexe que nébuleux pourtant, quand nous arrivons à lire entre les lignes, nous pouvons déceler une explosion de sentiments. Je vous demanderais donc de tenter de retranscrire vos sentiments sur papier à l'aide de pinceaux. Ce travail sera votre seule cote du trimestre alors faites ça sérieusement. N'est-ce pas Monsieur Dawson? »

Sous sa grosse moustache de pervers, se dessinait un sourire sadique sur le visage de notre cher et adoré professeur d'Art et Dessin. Pourquoi j'avais pris cette option déjà? Ah oui! Ça me revient! Pour mater les bombes sexuelles qui défileraient sur l'estrade pendant les séances de nu. Au lieu de ça, ce vieux grincheux avait choisi une grand-mère ménopausée depuis au moins 20 ans comme modèle. Quand elle avait quitté son tablier, Josiane, mon visage a du se décomposer. Je ne savais pas, avant ce jour-là, qu'on pouvait réunir autant de plis sur une même personne.

Alors, forcément, quand il a fallu remettre ça sur papier, j'ai dessiné une limace. Une énorme limace ridée avec des lunettes et un chignon bizarre entre ses deux antennes visqueuses. Forcément, le prof n'a pas apprécié ma caricature. D'après lui, ça ne rentrait pas dans le domaine de l'art. Quand je lui ai dit que, forcément, quand le modèle choisi rappelle plus un Sharpei qu'un paysage de Monet, j'avais du mal à trouver l'inspiration, il m'a collé un zéro. Et encore une fois, Rebecca m'avait fait sa mine désolée qui voulait dire: tu pouvais pas t'abstenir pour une fois?

Cette fille, Rebecca, je la trouvais... comment dire? Étrange. Elle semblait adorer le cours d'Art et Dessin et elle s'appliquait à chaque œuvre. Elle créait des trucs époustouflants et presque tous ses dessins me mettaient sur le cul. Je dis "presque" parce que je ne les ai pas tous vu. Et heureusement! Il doit y en avoir une centaine! Enfin, je dis ça mais dans le fond, je la connais pas plus que ça. Je suis juste son voisin, la pauvre tache qui partage son banc, rien de plus et c'est peut être mieux comme ça.

Dès que j'approche une fille, le lendemain, des rumeurs courent sur ma prétendue infidélité et ça fait chier. Alors j'évite les nouvelles rencontres même si je passe à coté de quelqu'un de génial. J'ai toujours du mal à ne pas lui parler à Rebecca. Je suis pas très bavard mais je suis quelqu'un de sociable et elle a l'air sympa alors à chaque heure de cours, je me torture pour ne pas lui adresser la parole. Pourtant, je suis certain que ce qu'elle a à raconter est bien plus intéressant que tout le blabla du prof.

Aujourd'hui, ça va faire une semaine qu'elle n'est plus venue en cours et je dois dire que supporter les remarques du prof - ainsi que sa moustache frétillante - est bien plus difficile quand elle n'est pas là. En plus, quand je ne trouve pas l'inspiration, il m'arrive de lui demander conseil et là... on peut dire que ça déséquilibre. Quand la cloche a retentit, j'étais soulagé que la leçon se termine enfin. J'enfonçais mes feuilles de papier à grain et ma trousse dans mon sac à dos puis je quittais la classe à toute vitesse. Je sortais des couloirs et je me dirigeais vers un coin tranquille, à l'extérieur de l'université pour me retrouver un peu seul. J'ouvris à nouveau mon sac à dos et j'en sortis l'agenda de Rebecca. Elle l'avait oublié, il y a une semaine et je l'avais pris avec moi, pensant lui rendre le lendemain mais elle n'avait pas réapparut. Je me sentais mal de feuilleter un objet aussi personnel.

C'était avant tout un cahier pour noter les devoirs à faire, les travaux à rendre mais peut être qu'elle y inscrivait des choses plus personnelles. Je voulais juste avoir son adresse, moi. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas. J'ouvrais le journal et je tournais la première page. Par chance, toutes ses coordonnées y figuraient. Elle n'habite pas loin alors je décidais de me mettre en route jusqu'à son appartement. Au bout de 10 minutes, j'arrivais devant un grand immeuble et je dus monter pas mal d'escaliers avant d'arriver sur le palier de Rebecca. Je m'arrêtais devant sa porte, essoufflé et je frappais.

« Rebecca? C'est Dawson. Ouvre-moi la porte pour me prouver que t'es pas morte et que j'aurais pas à payer tes funérails. »

OK by Macky