Matthias & Marie-Blanche dans :
ENTRAÎNEMENT EN DUO OU COMPÉTITION AMICALE?

Marie-Blanche, ce matin, avait reçu un texto de son premier amour, celui qu'elle n'avait jamais oublié, et le premier, aussi, à avoir su pour sa maladie et à être resté près d'elle quand même. Oui, oui, on parle bien de Matthias, qu'elle a rencontré à neuf ans, quelques semaines avant l'annonce de sa maladie, et qu'elle n'a revu que des années plus tard, durant son adolescence, alors qu'elle combattait courageusement son cancer. Et voilà qu'ils se retrouvaient, des années après leur amour de vacances qui avait duré une longue et merveilleuse semaine. Bref, Matthias l'avait textée ce matin, pour savoir s'ils pouvaient se voir. Parce qu'elle ne voulait pas perdre ses bonnes habitudes mais qu'elle avait vraiment envie de voir Matthias, elle lui a proposé de venir s'entraîner avec elle au stade de l'université. Elle était en train de manger son petit déjeuner et ils s'étaient entendus sur une heure, huit heures, pour se rejoindre. Il était déjà 7h30 et elle était encore pyjama : mini short rose bonbon avec des cupcakes et camisole moulante, avec ses énormes pantoufles roses, en poils longs. Elle a donc dû se dépêcher, car le stade était assez loin de son petit appartement. Une fois changée, ayant troqué son pyjama pour une paire de short de basket noires qui lui arrivaient juste en bas du genoux mais qui était trop confortables et une camisole à petites bretelles avec soutient-gorge intégré, rien de plus agréable à porter, elle sortit de l'appartement, enfourcha son vélo et se mit à pédaler rapidement pour arriver à l'heure.

Même si elle était partie tard, Marie-Blanche se rendit compte qu'elle était arrivée en premier. Elle prit donc le temps de se reposer de sa route en vélo, en commençant à s'étirer. Elle sifflotait et, puisque ça ne demandait pas de sons de ses cordes vocales, son sifflement était doux et mélodieux. Elle se mit à siffler une chanson de P!nk, une de ses artistes, préférées, et s'essaya à la chanter, mais c'était vraiment horrible à cause de sa voix, alors elle se remit à la siffler. Dans sa tête, les paroles défilaient et ça la rendait un peu triste de ne pas pouvoir les chanter parce qu'elle ne supportait pas elle-même sa propre voix, déformée par la maladie qu'elle avait combattue, deux fois plutôt qu'une, et qui avait rendu ses cordes vocales éternellement rouillées, faisant de sa voix douce et féminine un ramassiés de sons rauques et gutturaux, et il fallait qu'elle se force beaucoup pour parler clairement. Marie releva la tête et vit une silhouette qui s'approchait. Espérant que c'était Matthias, elle se redressa,e t chassa la tristesse de son visage, affichant plutôt un grand sourire, trop heureuse de revoir son bon ami.

Comme de fait, c'était Matthias qui arrivait. Il était lui aussi en tenue de sport, mais c'était bien normal puisqu'elle l'avait invité à venir s'entraîner avec elle ce matin. Elle le regarda avancer vers elle et sentit son coeur battre plus fort, comme à chaque fois. C'est difficile de totalement faire abstraction de sa beauté, surtout quand on sait que Marie l'a connu dans un moment où elle avait le plus besoin d'amour et qu'il a été pas mal le seul à part sa famille à lui en donner. Et en le voyant arriver ainsi, ce n'était pas seulement son physique épatant qui faisait encore un peu chavirer son coeur, mais aussi l'énergie qu'il dégageait. Toute la joie de la voir qu'elle pouvait sentir émaner de lui de plus en plus fort à mesure qu'il approchait. Il est très difficile d'oublier totalement son premier amour, surtout quand on ne veut pas l'oublier. C'est pourquoi aujourd'hui, même si ses sentiments envers Matthias avaient changés et étaient passés d'amoureux à amicaux, elle ressentait encore une petite bouffée de chaleur en le sentant près d'elle et ses joues se coloraient toujours d'une légère teinte rosée. Cette fois-ci ne fit pas exception à la règle et quand il l'embrassa et lui demanda comment elle allait, en se décollant de lui, elle avait les pommettes empourprées. Elle lui répondit, prenant soin toutefois de s'éclaircir la gorge avant de parler, histoire que sa voix soit un peu plus claire vu qu'elle n'avait pas parlé depuis la veille :

« Ouais, je vais bien, je fais mon petit bonhomme de chemin! New York est immense, et j'ai peur de me perdre, alors je reste sur le campus! »

Elle s'étonnait encore de sa voix, quelque fois, quand elle l'entendait. Elle était si rauque, si grave! Si anormale pour une fille de son apparence! On aurait dit la voix d'un vieil homme enrhumé, en plus, avec son vilain accent français, ça n'améliorait pas du tout la compréhension! Heureusement, elle savait que Matthias l'avait déjà vue dans pires conditions et que sa voix, malgré tout ce qu'elle pensait, ne rebutait pas aussi souvent que ça les gens qui lui parlaient. Elle n'avait pas beaucoup d'amis, elle n'en avait pas du tout en fait, mais les gens n'étaient pas méchants avec elle et ils comprenaient, à l'entendre, qu'elle avait dû subir de grosses épreuves, car personne ne naît avec ce type de voix, il faut avoir eu soit un grave accident, soit une grave maladie qui a affecté les cordes vocales. Elle fit son plus beau sourire à Matthias, avant de lui demander, en lui envoyant une petite bourrade dans l'épaule :

« Et toi, toujours aussi charmant, et charmeur? »

Les souvenirs que Matthias évoquaient chez elle étaient ceux d'une période noire de sa vie, triste et douloureuse, mais, étrangement, quand elle se souvenait de lui, elle ne voyait plus rien de sa maladie, seulement les mots doux, la tendresse et le courage qu'il lui avait donnés tout au long de son séjour en France. Les yeux légèrement plissés à cause du soleil, Marie-Blanche observa sans se gêner Matthias. Il n'avait pas beaucoup changé, si ce n'est que ses traits avaient mûris, s'étaient raffinés et que sa voix s'était faite plus modulée, grave. Même s'il était de quelques années son cadet, Matthias avait toujours eu, avec Marie-Blanche, du moins, une maturité et une sagesse qui l'avait tantôt réconfortée, tantôt aidée à surmonter des épreuves. Mais le temps n'était pas à la nostalgie, car aujourd'hui, elle avait retrouvé son premier amour et s'en était fait un grand ami. Ainsi, elle n'avait plus peur de le perdre, même si sa crainte ridicule de le voir tomber réellement amoureux et de ne plus avoir envie de la voir restait ancrée en elle, elle la faisait taire en lui demandant, chaque fois qu'ils se voyaient, comment allait le charme. Ainsi, elle se rassurait inconsciemment, et pouvait rigoler un peu, parce qu'elle trouvait très amusant que Matthias ait décidé de ne plus s'importuner avec l'amour, mais d'en garder tous les plaisirs.

Elle répondit à sa question, lui disant qu'elle ne quittait pas le campus car New York lui faisait peur, et Matthias lui proposa de l'accompagner un de ses quatre, car il était vrai que de rester sur le campus à semaine longue devenait redondant. Au moins, elle avait du temps pour étudier! Elle sourit à son ami en hochant la tête, appuyant ses paroles, puis répondit avec un sourire amusé :

« Ça pourrait créer des rumeurs, si des gens nous voient ensemble à New York... tu n'as pas peur? »

Puis, elle éclata de rire et, heureusement, contrairement à sa voix, son rire était resté presque intact. Toujours aussi contagieux, quoique peut-être un peu grave, quand elle riait, comme elle le faisait maintenant, sa gorge se tendait, sa bouche s'ouvrait en un coeur rosé et ses yeux se fermaient tandis qu'un son mélodieux et rafraîchissant se catapultait de sa gorge. Elle cessa de rire après quelques secondes, mais garda son petit sourire moqueur, et demanda à Matthias comment il allait. Faisant un peu l'innocent, il lui dit qu'il ne voulait pas la contredire si c'était ce qu'elle pensait, ce qui lui arracha un autre rire, pas forcé du tout. Elle roula des yeux et lui répliqua, répondant en même temps à sa question :

« Tu es vraiment incorrigible Matthias Almeida! Une chance que c'est comme ça que je t'aime! Oui, plus prêt que moi tu meurs! »

Elle jaugea ensuite la piste autour du stade, fit bouger le bout de son nez en prenant son air pensif, puis se tourna vers Matthias et lui dit :

« Ok, on commence en douceur, je me suis déjà étirée, et toi? De toute façon, c'est pas grave. Alors, on part, deux tours de pistes au petit trot, tu reviens au banc, dix squats, cinq push-ups, et tu repars, et il faut accélérer jusqu'à soutenir un rythme de course. Ça te va? On fait ça quinze minutes, puis on prend une pause. »

Elle hocha la tête, comme pour montrer qu'elle était d'accord, et attendit le verdict de Matthias, s'étirant une dernière fois les jambes en prenant sa cheville dans une main et la ramenant vers sa fesse, puis elle fit l'autre de la même manière et commença à sautiller sur place, impatiente de commencer maintenant.