Apparence & Style: Grande et chétive, je flirte avec le mètre soixante-dix pour une petite cinquantaine de kilos. On me dit maigre, pourtant, mon corps est tout en nerfs et en muscles. Je dois au sport ainsi qu’à une hygiène alimentaire stricte cette silhouette longiligne particulière à laquelle le commun des mortels apparente plus aisément l’image d’un adolescent pas finit que celle d’une jeune adulte. Les traits de mon visage semblent avoir été dessinés au couteau, dépourvus de douceur et d’arrondis ils n’en demeurent pas moins distinctement féminins. Mes cheveux sont d’un naturel châtain, épais et raides, ils tombent sur ma nuque en pointes effilochées. Ne reste que les yeux, probablement ce que j'affectionne le plus dans mon apparence. D'un vert fade cerclé d'acier, la froideur qui en émane laisse bien souvent pantois quiconque prend le risque de s'y perdre.



Caractère: Passive, j'agace, l'inexistence émotionnelle que j'exhale sur mon passage n'est jamais apprécié. Je n'accorde d'importance qu'à une infime partie de la population, une personne sur un million. Je parle peu, observe un peu trop. Lorsqu'une personne attire mon attention, mon corps s'anime enfin, je deviens non pas sociable mais seulement exaspérante, arrogante et souvent insolente. Je n'ai pas ma langue dans ma poche et je ne passe pas non plus par quatre chemins lorsqu'il s'agit de lyncher ou critiquer quelqu'un ou quelque chose. Ils disent souvent, je les entends encore, que j'ai - soi-disant - une grande capacité à irriter mes proches et les parasites qui gravitent autour de « Mon Monde ». Je suis douce et autant violente, des choses futiles peuvent m'émouvoir. Plaisanter ? Personne ne parvient à discerner mon humour et leurs tentatives de plaisanterie - à eux - tombe toujours à l'eau. Je les contemple ces petits merdeux qui se croient drôles avec mes grands yeux inexpressifs et ils s'écrasent. Lorsque l'envie d'être agréable me parviens je peux être d'une politesse cérémonieuse et raffinée, mais cette politesse rime souvent avec « ironie ».

Mes parents se sont séparés dans fantasmagorique coup d’éclat. Je me souviens encore du sang qui gicle au sol, une quantité hallucinante que je n’aurais certainement pas redouté, une couleur sombre et un liquide visqueux, cela illustrait parfaitement « ma maternelle ». Mon père lui avait littéralement ravagé la gueule avec une indifférence qui lui donnait un aspect de monstre. Encore aujourd’hui, je ne me rappelle pas avoir jubilé d’une plus intense satisfaction. Ne me demandez pas la raison, ni le pourquoi du comment, n'abordons pas les sujets qui fâchent. C'est un secret, comme vous je sais les garder pour « Moi ».

Tous deux furent délester de leur droit de garde, l’une pour fuite du domicile conjugal, l’autre pour coups et blessures volontaires. Ma mère a tenté de refaire sa vie. Mon père, lui, mit fin à ses jours en taule. Les gardiens l’ont retrouvé pendu dans sa cellule. Paraitrait qu’il était arrivé au bout du rouleau, c’est vraiment dommage, il n’avait certes rien d’un idéal – gros poivrot, petit fumiste entre autre – mais je l’aimais suffisamment pour être touchée par sa perte. Parfois, lorsque je rentre dans une de mes nombreuses phases de déprime, je m’imagine son corps se balancer tristement au bout d’un vieux morceau de drap et je réalise que les visions que je me construis autour de sa mort – plus horribles et macabres les unes que les autres - ont quelque chose de stimulant. Elles agissent comme un cout de fouet, l’air de dire : Nan grosse, toi tu finiras pas comme ça. C’est trop con ! Bouge toi le cul et remonte en selle ! J’ai plus ou moins suivis cette idée jusqu’à aujourd’hui…

Au fond, ma vie, mon enfance, mon adolescence n’ont eu rien de normales : animées certainement, torturées également, mais surtout polluées par le malsain et le vice humain qui à présent n’ont plus de secret pour moi. Mes grands parents ont bien tentés de me faire passer à autre chose, c’était sans compter sur ma volonté de voir le monde sous son vrai jour. Au début, je l’ai rejeté si férocement que j’ai tenté de fuir dans les jeux vidéos, les petits plaisirs immédiats, la facilité. J'imagine que le gain de maturité a fait son œuvre.

J’ai longtemps vécu de petits boulots merdiques en tout genre, ca allait de la caissière de supermarché à la serveuse de fast food en passant par la livreuse de pizza. Un train de vie minable pour une existence tout aussi minable. Faute d’argent pour m'établir ailleurs, mes grands parents me laissèrent un semblant d’indépendance en aménageant leur cave en studio. Ce fut un peu comme la première pierre de l’édifice, pas à pas ma condition a commencé à évoluer. J’ai d’abord repris des cours, de coiffure cette fois. Je m’en sortais pas trop mal, ont m’a bien fait participer à quelques concours cependant ils n’eurent pas le succès escompté. Peut importe, les fanfreluches et les caprices de mannequins ca va bien deux minutes, après ça saoul. Suite à ma formation je suis partie en Europe, histoire de changer d’air. J’ai vu Paris, Berlin, Rome mais aussi Stockholm et Moscou, je comptais poursuivre mon voyage vers Tokyo avant de recevoir des nouvelles préoccupantes concernant l’état de santé de mon grand père. Pas plus tard qu'hier je me suis rendue à son chevet, ils ont tous les deux tellement vieillis... voilà huit ans que je les ai quitté, la vie passe si vite en fin de compte.

Je me suis réinstallée à la cave avec l'impression d'avoir fait un bond en arrière. Je pense rester le temps de remettre toutes mes affaires en ordre.
Au moins je suis parvenue à me dégotter un job « stable ». L’enseignement, ça doit pas être si terrible… en tout cas ca paie bien.