Lorsque Lexie s'emballait et se mettait à parler de la sorte, une part de moi-même aimait ça. J'adore l'entendre parler, parce que pour elle, c'est comme si elle faisait une gaffe alors qu'à mes oreilles, sa voix tremblante était comme une douce mélodie. Je pourrais boire ses paroles pendant des ans, si je le pouvais. Peut-être que c'est abusif, me direz vous, mais vraiment je n'ai jamais entendu une voix aussi belle que la sienne. Habituellement, je ne porte pas une attention particulière aux voix que j'entends : ce n'est pas là-dessus que je me basais pour savoir avec qui j'allais coucher après l'heure du lunch. —Et si ça avait été le cas, j'aurais été vraiment grossier d'agir ainsi.— D'une autre part de moi trouvait cela insoutenable. Vous savez, quand vous voyez ou entendez quelque chose et que vous n'arriver plus à vous contrôler ? Sa voix déclenchait en moi un genre de tremblement de terre et je sentais chaque partie de mon âme se crisper et se décrisper au rythme des battements de mon cœur. Je ne pense pas que ce soit très professionnel de ma part d'avoir un agissement de la sorte, surtout en ce moment, dans un bloc. Je devais de toute façon me rendre à l'évidence : j'étais maintenant amoureux fou de Lexie Grey et même si tout les Dieux se mettaient contre moi, —dieux qui en fait sont Meredith et Derek— je continuerai d'aimer cette jeune interne, si fragile et si innocente. Et j'aimerai toujours l'entendre parler comme cela, pour dire tout et n'importe quoi sans que ce soit réellement approprié.

GREY • Je préconiserais un alitement de deux semaines, en prenant en compte le fait qu’il ne devra cependant pas être totalement immobile. En effet, les nerfs doivent se remettre en marche, et sa peau retrouver sa souplesse naturelle. Un kiné devra venir plusieurs fois par semaines afin de l’aider à reprendre doucement des gestes anodins du quotidien. [...] La greffe de peau devra prendre facilement, je crois. Cette opération me rappelle un article que j’ai lu dans le numéro 118 de la revue médicale écrite par un chirurgien de renom. Il expliquait que greffer de la peau sur le dos, est quelque chose d’assez simple dans une certaine mesure, comparé à des parties du corps plus complexe. Au fond ce monsieur, a de la chance dans son malheur, il aura un dos tout neuf, et dans quelques temps, il aura l’impression de retrouver une seconde vie. [...] Je…j’ai une excellente mémoire photographique…je vais me taire, et observer, je crois que c’est mieux…

Lexie n'avait pas à s'excuser d'avoir tant parlé. Elle serait déjà pardonné d'avance pour toutes les erreurs qu'elle ferait dans mon bloc. J'admets que cette mentalité n'était pas la plus excellente, mais on s'entend que je saurais quand même juger de la situation... Si elle parle trop dans mon bloc, je ne peux pas lui en vouloir, mais si elle tu un de mes patients, ça, ce sera très différent et elle en subira les conséquences. Je ne laisserai pas mes sentiments gérer des erreurs aussi grave, mais lorsqu'il s'agit de petite chose anodine, je pense que je suis capable de bien gérer. Je pris une grande respiration, pendant que nous étions encore tous deux en train d'enlever les résidus de peau morte. À ce rythme-là, nous en avions encore pour au moins une ou deux heures. Ensuite, ce serait le tour des muscles, puis de la peau dorsale. La nouvelle peau. J'adorais ce métier parce qu'il me permettait de redonner forme à des choses complètement détruites. Honnêtement, dans ce bloc, on se sent comme un réel Dieu du bistouri. On pense à une intervention qui pourrait redonner une vie normal à un patient et puis on l'exécute, puis finalement ça s'avère avoir été un franc succès et on vient alors de sauver la vie d'un homme ou d'une femme qui voulait devenir quelqu'un de mieux. J'adorais la chirurgie esthétique, malgré qu'au plus profond de mon être, je trouvais cela un peu dégradant pour la personne qui se fait poser des implants mammaires ou celui qui se fait poser une pompe dans le pénis afin de pouvoir avoir une érection même à quatre-vingt ans. J'adore la chirurgie plastique non pas parce qu'elle peut libérer des gens de leurs complexes d'enfance, mais uniquement parce que ce sont des interventions minutieuses qui demande du temps, de la patience, de l'expérience et de la pratique. J'avais toutes les capacités pour être un virtuose de la plastique, mais je ne pouvais pas comprendre tous ces gens qui avaient une soif insupportable de devenir quelqu'un d'autre. Dans ma carrière, j'en avais vu des choses hallucinantes : greffe de cheveux parce que la fille se trouvait trop peu chevelu, greffe de sein parce que le marie en voulait plus à prendre, remodeling du nez parce que la vieille voulait enlever ses rides, mais en gardant ses yeux. Ah ! Les gens de nos jours étaient tellement peu motivé à être eux-mêmes. Sauf que, d'un point de vue, c'est un peu grâce à ce genre de personne que j'ai pu devenir un pro du domaine. Je tourna légèrement la tête vers Lexie et l'observa d'un œil malhabile.

Lexie n'aurait sans doute jamais besoin de chirurgie. Et même si un jour elle vient me voir en rampant pour que je lui refasse le nez, les yeux, les seins, les fesses, le ventre ou quoi que ce soit de son joli corps, je refuserais catégoriquement. Je sais que cette jeune femme ne m'appartient pas et que je ne peux pas lui dire quoi faire, mais je n'accepterai pour rien au monde qu'elle change ses beaux yeux brillants, son beau sourire remplis de bonheur, ses doux cheveux brun, sa poitrine parfaite ou le moindre centimètre de son corps. Grey était, à mes yeux, la plus parfaite des créatures. Même si c'est l'amour qui me faisait penser cela en ce moment, je sais que même si je ne l'aurais pas aimé, j'aurais eu la même mentalité face à elle. Je n'accepterai jamais, même si elle me torture. Même si elle veut me tuer. Même si elle me donne cent dix milles dollars. Je n'accepterai jamais. Vous voyez donc là à quel point je peux l'aimer, pas vrai ? La plupart des gens trouveraient mon agissement quelque peu déplacé ou encore hâtif, mais honnêtement, je pense que lorsqu'on trouve l'amour de notre vie —ou du moins pour une partie de notre vie— on le sait et on n'a pas besoin de se poser trente questions. Dès la première fois où Lexie avait parlé, j'avais tout de suite ressenti un petit pétillement dans le creux de mon estomac. Si c'est ça le coup de foudre, alors oui, je venais d'en avoir un. L'étudiante me donnait une raison de venir au bloc opérer ce monsieur : elle serait là à mes côtés. C'était une motivation, pour moi. J'appréhendais avec grande impatience le jour où je serais assez courageux pour lui dire en pleine face ce que je ressentais pour elle, mais il y avait toute sorte de facteur qui m'en empêchait. Bien sûr, on voyait ce genre de phénomène de plus en plus dans l'hôpital. Un résident et une interne, une infirmière avec un concierge... Et surtout, le classique : une interne avec un titulaire ou une résidente avec un titulaire. À croire que les femmes aimaient les hommes plus vieux ! —C'est un classique, je sais, mais honnêtement, est-ce que toutes les filles de cette génération sont comme cela, maintenant ?— Je pris une nouvelle respiration, tout en continuant la manœuvre. On remarquait à peine qu'en dessous de mon uniforme de travail, mon cœur battait si vite. Je regarda à nouveau Lexie et finit, après quelques minutes de silence, par reprendre la parole.

SLOAN • Très bien, Lexie. C'est vous qui s'occupera de son bilan post-opératoire et qui entrera en contact avec un kiné.

Dis-je, simplement. Je suis sûr qu'elle devait trouver que je lui en demandais trop en peu de temps. Je la harcelais presque, depuis deux semaines. Merde, Sloan ! Soit tu fais ça comme un grand et tu le caches bien ou soit tu avoues tout et tu arrêtes d'être un salaud. Bientôt, bientôt je devrai passer par dessus ma peur et m'efforcer de tout avouer. Si ça se trouve, je laissais passer quelque chose en ce moment même ? Eh puis, peut-être se peut-il que Lexie ne soit clairement pas intéressée par moi ? Plus j'attendrais et pire les doutes seront. Je devais agir, même si cela offensera Derek et Meredith, mais sur ce coup-là, j'étais vraiment sincère et je savais ce que je ressentais. Je voulais plus que du sexe avec Lexie. Je la voulais dans ma vie. Je la veux dans ma vie. Je la veux. Elle. Comme elle est et avec tout ce qu’elle pourra m'apporter. Je pris à nouveau une grande respiration et regarda l'infirmière qui était maintenant assise. Elle devait me trouver stupide de toujours prendre d'aussi grande respiration... C'est juste qu'elle ignorait ce qui se passait en moi, en ce moment...

SLOAN • Dit moi, Mini Grey. J'ai une salle réputation, à ce qui paraît !? J'espère que ça ne te pose pas de problème d'être si souvent en ma présence...

Merde. Merde de chez merde. Qu'est-ce que je venais de dire ? Oui, c'était une réplique typiquement Sloanienne, mais je ne voulais pas agir ainsi avec elle. Je ne voulais pas qu'elle me voit comme ce monstre de classe première ou comme ce joueur des dames. Je valais plus que cela et je devais lui montrer ma meilleure facette si je voulais avoir une chance. Mon cœur s'emballait de plus en plus, mais il se calma rapidement lorsque j'entendis ma partenaire d'intervention rire. Alors, j'avais marqué un point ? Si elle riait, c'était bon signe, non ? Après tout, peut-être qu'elle aimait quand je jouais ce genre d'innocent ? Je repris la chirurgie là où mes pensées l'avaient laissés et je poursuivis mon boulot, attentivement, guettant une réponse de la part de la jeune femme.