Aurore ne prêtait plus attention à ce qui l’entourait. Elle avait l’impression d’être un peu hors du temps à ce moment-précis. Son esprit restait juste fixait sur trois sensations : le soleil qui caressait se joues, la brise qui faisait voletait ses cheveux et l’eau contre ses pieds. Elle ne se souvenait plus vraiment ce qui l’avait amené ici en fait, mais ça lui était égal, elle était bien et tranquille. Enfin aussi tranquille qu’on pouvait l’être quand on était au milieu d’une place pleine de monde. Elle profitait de chaque seconde de tranquillité qui lui était accordé. Si, on comptait, en tout et pour tout, Aurore avait vingt minutes de tranquillité soit mille deux cent secondes. En effet, un klaxon de taxi la ramena bientôt à la réalité et elle cligna des yeux un peu hébétée. Elle prit alors conscience des gens qui passaient autour d’elle et qui pour la plupart la regardait bizarre. Elle soupira en se redressant, oui d’accord elle avait enlevé ses chaussures et mit ses pieds dans la fontaine mais ce n’était pas une raison pour la regarder ainsi. Les filles qui marchaient dans la rue, habillées à un point où on ne savait même plus dire si elles étaient réellement habillées ou non, on les regardait moins étrangement qu’elle. Mais elle avait compris que ce qui paraissait bizarre ou anormal pour elle l’était rarement pour les autres. Elle n’avait vraiment pas l’impression de partager la même planète qu’eux, son esprit n’était pas en adéquation avec les leurs. Elle regarda ses chaussures posées sur le rebord près d’elle et les prit dans sa main en secouant la tête. Maintenant, ils auraient une raison de plus de la regarder comme si elle était un alien venu d’une planète fort lointaine. Elle n’avait pas l’intention de remettre ses pieds mouillés dans ses bensimons. Elle reprit alors sa route comme si elle ne s’était jamais arrêtée ici.

Il ne lui avait pas fallu pour se rappeler qu’avant de s’arrêter ici par une soudaine envie, elle était en route pour rejoindre Pablo. Elle devait être en retard, sûrement. Elle ne savait pas, elle avait bien son portable dans son sac pour voir mais elle n’avait pas envie de le sortir. C’est dans ces moments-là qu’elle regrettait de ne pas avoir de montre. Enfin, si, elle en avait une, mais pas à temps complet. Et aujourd’hui, c’est Pablo qui portait la montre, parce qu’il l’avait gagné. Aurore soupira, si elle avait su bien des années plus tôt ce qu’il adviendrait quand elle lui offrirait al montre, peut-être ce serait-elle abstenue. Ou peut-être pas, si elle s’était abstenue, cette montre n’aurait plus aucune valeur et Aurore n’aurait jamais eu a hésité pendant plus d’une heure devant une devanture de magasin pour savoir si oui ou non elle pouvait s’acheter une nouvelle montre, tout ça pour repartir sans parce qu’elle aurait trop eu une impression d’y être infidèle. Autant d’histoire pour une montre. C’était assez hallucinant. Surtout que celle-ci n’avait pas grande valeur, c’était une flikflak verte, qu’Aurore avait eu très jeune. Elle l’adorait et ne la quittait jamais et puis un jour, elle l’avait offerte à Pablo et c’est là que tout avait commencé. A ce moment-là, elle était persuadée que Pablo était son prince. Oui parce qu’aurore était persuadée qu’il existait sur terre un prince pour chaque personne et le sien, c’était Pablo, c’était comme ça, aussi imparfait que celui-ci pouvait être. Ce qui pouvait paraître à peu près normal pour une gamine de neuf ans l’était un peu moins pour la jeune femme de dix-neuf ans qu’elle était maintenant. Parce qu’Aurore y croyait encore à cette chose, et rien de ce qu’on pouvait lui dire, aucunes moqueries, aucuns sarcasmes ne pouvaient mettre en doute cette certitude.

Elle était arrivée. Là, au parc, où elle avait dit à Pablo qu’elle le retrouverait. Et il était là. Effectivement, elle devait bien être en retard si Pablo était déjà là alors qu’il savait à peine lire l’heure. Il aurait du apprendre depuis le temps. Elle le salua et il ne fallut pas longtemps à ce dernier pour lui faire remarquer. Lui faire remarquer quoi. Son retard bien évidemment. Elle eut un petit sourire et lui répondit naturellement. « Tu sais Pablo, mon monde ne tourne pas qu’autour de toi. J’avais à faire. » Elle doutait peu du fait qu’il aurait été d’accord pour dire que ce qu’elle avait fait justement était plus important que lui mais tant pis. Il la nargua alors en lui montrant miu. Miu, c’était la montre. Certes, il l’avait, pour le moment… « Mais en repartant, c’est moi qui l’aurais. » dit-elle d’un ton qui ne laissait pas place à la discussion.