Londres n’avait jamais été aussi inhospitalier, aussi sombre, aussi gris, aussi triste que ce jour-là. Christopher était debout, aux côtés de son demi-frère qui avait beaucoup de mal à retenir ses larmes, et qui se maintenait debout grâce à l’appui du grand brun. Ian était brisé. Il tremblait, il menaçait d’imploser. Et Lewis ne savait que faire pour le réconforter, lui-même assailli par ses sombres pensées. Ils étaient à un enterrement. Mieux, ils étaient à l’enterrement d’un garçon à l’aube de sa vie, un garçon qui était son neveu, son filleul, d’un garçon de dix-sept ans et d’un garçon qui était aujourd’hui mort. Mort, raide, froid, endormi, et plus jamais il n’y aurait de réveil pour lui. Un gamin de dix-sept ans. Qu’est-ce que dix-sept ans ? Qu’est-ce que la vie vécue par John, comparée à celle qu’il aurait pu vivre ? Rien, absolument rien, simplement rien. C’était révoltant. Jamais la mort n’avait semblé une chose aussi ridicule, aussi bête qu’au moment où le cercueil en bois clair s’était enfoncé dans la terre du caveau familiale de son demi-frère. Et lui ne retenait plus ses larmes, lui criait et gémissait, lui maudissait le destin, la vie, et tout ce qu’il connaissait. Le qui venait de rajouter le nom de son fils à celui de sa femme sur le marbre de caveau. C’était désolant, déchirant, navrant. Il fallut retenir Ian pour ne pas qu’il se jette sur le cercueil qui disparaissait. « Mon fils ! C’est mon fils Chris ! Comment réagirais-tu si c’était l’un de tes enfants qui allait croupir sous la terre, comme le mien ?! Ne me retiens pas ! Ne me retiens ! C’est mon fils, mon petit garçon, mon adorable petit garçon ! Comment ont-ils pu me le prendre ? Rendez-moi mon garçon ! Rendez-le-moi ! Comment avez-vous pu ? Ô chance ! Je te maudis ! Ô destin ! Je te maudis ! Ô mauvaise étoile ! Je te maudis ! Ils se sont tous liés contre moi ! Ils m’ont tout pris ! D’abord ma femme, et maintenant mon fils ! Je vous défie ! Je vous hais ! Rendez-moi mon petit garçon ! Il n’avait pas à mourir ! Prenez-moi à sa place, mais rendez-le moi ! Laissez-le vivre ! Christopher, lâche-moi ! Je t’en prie Chris, si tu as un minimum d’amitié pour moi, laisse-moi aller le rejoindre ! C’est mon fils ! C’est mon enfant ! Je ne veux pas aller plus loin sans lui ! C’est trop injuste ! Injuste ! Injuste ! »


« Un autre verre s’il vous plait. »
Les cris étouffés de son demi-frère résonnait encore dans sa tête. Il en était encore malade. Cela l’avait touché, profondément. Cette détresse, ce mal qui ronge. Il était marqué au fer rouge. Il avait imaginé l’un de ses propres enfants allongé dans ce dernier lit de bois, pourrissant sous la terre, et il avait ressenti une rage, un désespoir extrêmement puissant. Et ce n’était qu’une illusion. Il avait rapidement chassé cette idée macabre de son esprit. Parce que l’idée seule réussissait à créer en lui un sentiment beaucoup trop puissant à son gout. Il ne voulait même pas imaginer la douleur d’Ian. Perdre un enfant… Lui-même avait été détruit en trouvant le cadavre de John, en arrachant Crystal à ce corps inerte. Pauvre d’elle aussi. Elle était là à l’enterrement, plus pâle que jamais, maigre, détruite. Christopher n’était pas fait pour ce genre de vision. Il n’était pas fait pour les réunions de familles, pour cette tristesse solennelle. Il était la vie, la joie. Et c’était la seule chose qui importait. C’était avec cela qu’il se consolerait. Il avala son deuxième whisky Pure Feu d’une traite. D’abord, il avait des affaires à aller chercher au Ministère. C’était quelque chose qu’il remettait depuis trop longtemps, mais il n’avait pas voulu retourné dans ce Londres qui lui avait tant déplu. Mais à présent qu’il y était… Il paya, laissa un joli pourboire, et transplana.

Le ministère de la magie n’avait pas changé. Pour avoir passé deux ans à la tête du département des Sports, Christopher le connaissait bien, et se trouvait en droit de ne pas l’aimer. Il avait oublié des affaires personnelles. Des photos, une montre, un stylo avec son nom de gravé dessus. Des babioles, mais des babioles bien à lui. Il fit donc son grand retour. Son successeur ne parut pas très heureux de le voir. Que cela le rassure, Christopher n’était pas non plus ravi de retrouver ces hypocrites en puissance. Il récupéra ses affaires et quitta son ancien bureau, un sourire moqueur sur les lèvres. Pauvre imbécile ! Bah, il ne fallait plus qu’il y pense. Il avança dans les couloirs comme s’il était encore maître des lieux, souriant d’un air suffisant. Oh moins, cette sortie avait quelque chose d’amusant. Il s’avançait vers les ascenseurs d’un pas rêveur, oubliant le reste, ne prêtant aucune attention au monde alentour. Et percutant un tas de dossier. Pas une personne, un tas de dossier. « Excusez-moi… Mademoiselle… » Comme quoi ces dossier bruns étaient parfois le déguisement des fées. Christopher eut un sourire charmé en découvrant la minuscule jeune femme qui portait tous ces dossiers. Très jolie. Le destin tournait enfin. Il venait de trouver sa joie, sa vie. Celle de la nuit à venir au moins. « Laissez-moi vous aider. Si si, j’insiste. Je vais porter ces dossiers moi-même. Laissez. Christopher Lewis, pour vous servir. Où allons-nous ? » Christopher avait récupéré les dossiers de la jeune fille, et il lui souriait, refusant de lui rendre. « Je serais navré de gâcher votre précieux temps, mais pensez-vous que vous auriez un moment à m’accorder pour aller prendre un verre ? Mes manières sont à revoir, je vous l’accorde, on n’aborde plus les belles jeunes filles ainsi, néanmoins, ce serait pour moi un immense honneur, et un plaisir sans égal. »

ok by Dylan