→ Quelle belle nuit. Une léger vent balayait l'île, un vent froid, une caresse nocturne. La lune, décroissante, éclairait de sa douce lumière les malheureux rescapés de cet accident qui, depuis trois ans maintenant, resté gravé dans les mémoires. Et ces victimes voulaient l'oublier, cet accident. Il n'y avait qu'a les regarder, en contrebas; tout le mal qu'ils s'étaient donnés a réaliser cette soirée en l'honneur d'une fête, alors que leurs priorités étaient toutes autres que les loisirs. Et ça riait, et ça dansait, et ça s'embrassait; J'avais l'impression d'être une gamine un peu dérangée, observant avec un calme morbide une fourmilière, décidant qui sera victime de mon envie de jouer. Mais au fond, n'était-ce pas ce que j'étais? Ces humains, a vouloir renier qu'ils ne partiraient pas vivants d'ici, avaient des façons de faire plutôt déstabilisantes. Ces derniers temps, mes collègues, d'autres personnes hostiles a la présence de rescapés sur l'Île, se montraient plus virulents dans leur chasse a l'Homme. Et ma présence non loin de cette fête grotesque ne laissait rien présager de bon pour mes charmants petits jouets humains, en somme. Pensaient-ils sincèrement qu'organiser un bal masqué était une bonne idée, alors que nous étions a chaque instant en train de les guetter pour les décimer peu a peu? Un bal masqué, en somme. Quoi de plus élégant, quoi de plus terrifiant pour octroyer un salut a une âme un peu trop naïve?

J'avais décidé de me joindre a eux. Oh, non, pas pour m'amuser; en vérité, savoir tout ces gens répugnants près de moi, ça me donnait plutôt envie de les décimer a grand coup de Grenade au gaz. Mais le fait était là, je ne disposait pas d'une artillerie particulièrement jouissive a utiliser pour réduire la population de cette ile a une dizaine de personne. Les seules armes que je possédait étaient mon intelligence, mon sang-froid, et mon don particulièrement poussé pour mentir et manipuler les gens. Quelle belle soirée pour un meurtre, en somme. Une demoiselle en pleine peine d'amour, comme l'idée me semblait savoureuse. Frémissant d'impatience a l'idée de pouvoir approcher un peu plus de mon utopie, je mis dans un coin de ma tête cette phobie de l'humain qui me hantait. Il était temps de se joindre a la fête, et pourquoi pas, de passer a table.

Cette fête me remémorait mon enfance. En vérité, plutôt un passage, quand j'avais a peu près treize ou quatorze ans. Dalhia, ma sœur jumelle, s'était habillée en sorcière, avec un grand chapeau violet sombre mité artificiellement et une robe dans le même genre. Elle s'était tellement mis de noir autour des yeux qu'on aurait pu croire qu'elle eut fait une mauvaise rencontre violente, et avait mis également du noir sur ses lèvres. La fête s'était passée dans la partie avant du pavillon de notre voisin, alors j'avais pu tout voir depuis ma fenêtre. Ils buvaient, ils riaient, la musique résonnait fort, les couples sortaient parfois de la maison, se cachant maladroitement derrière un buisson ou un muret et s'embrassant langoureusement. Je me souviens que cette nuit là, je les avais tout particulièrement jalouse de Dalhia. Si j'y avais été, ça aurait été moi, la Reine de la soirée. C'aurait été moi que les garçons auraient courtisée, et non pas ces gamines fades et banales. Je secoua nerveusement la tête. Peut etre voulais-je réparer les erreurs du passé, au final. J'ai respiré doucement, profitant un dernier instant des plaisirs de la solitude, avant de descendre les hauteurs pour rejoindre les festivités.

J'avais pris le soin de me trouver un masque élégant. Un masque nacré aussi blanc que ma peau; orné de perles, auquel j'avais ajouté quelques plumes noires que j'avais trouvé dans la forêt dominant l'Île. Il m'était impossible d'envisager venir sans être aussi noble que je me devais de l'etre, et la noblesse incluait le fait de voler les affaires d'autrui. De toute manière, la jeune femme a qui il devait appartenir ne le méritait pas. J'avais décidé de porter la robe nacrée et corsetée, mettant particulièrement bien en valeur mes atouts féminins; le long drapé de la robe masauti mes chaussures habituelles, ces très hauts escarpins a talons comme ceux des ballerines. Au milieu de toutes ces sorcières de noir vêtu et ces fantômes aux costumes fades, je me sentais un peu comme ireelle. Divinement irréelle. Et puis je suis arrivée. Toute cette vie qui grouillait autour de moi, ça m'angoissait. Véritablement. Je me serai probablement sentie mal si je n'avais pas eu ce masque, cachant mon visage des regards insistants de certains et certaines; tels que celui de cet homme a la carrure impressionnante. Probablement un sportif. Je n'aimerai pas qu'il me foute une claque, celui là. Et pourtant, ce regard, ça m'amusait. Un sentiment d'être désirée, cela faisait des années que je n'avais pas connu cela. Cela devait faire un certain temps qu'il me cherchai du regard, car je remarquais qu'il essayait de me rejoindre de manière précipitée, nerveuse presque. Un gosse qui voudrait son Doudou?Un gosse d'1m93 taillé uniquement dans le muscle qui voudrait retrouver sa peluche d'1m60 toute frêle? Il y avait là une erreur, visiblement. Je me glissais entre les autres, testant la volontée de cet homme au physique contrastant avec celui de tout les autres gringalets de l'Île. Dommage qu'il abandonna si vite. Alors que je le cherchai du regard pour mieux l'esquiver, une main un peu trop baladeuse se permit de se poser sur mes courbes, un peu trop sous mon échine a mon goût. La réplique fut simple, rapide et silencieuse. L'homme poussa un gemissement, alors qu'un craquement sourd se laissa étouffer par le bruit des festivités. Celui la aurait du mal a utiliser sa main pendant un bon moment, sans doute, a en juger par son expression de douleur. Disparaissant dans la foule, je repris ma chasse a l'Homme. Je n'avais pas de temps pour casser d'autres poignets.

Mon regard finit par le retrouver, alors qu'il partait vers l'entrée du bâtiment. Il n'allait pas me chercher dehors alors que je n'y étais pas, il allait perdre son temps. Amusée, je pris sa direction; mais a peine fut-je sortie que je le vis sur le côté, dans l'embrasure de la porte. D'une grace féline, tirée de l'enseignement que nous avions reçu au Heaven's Night, je me plaça face a lui, alors qu'il faisait craquer ses cervicales de manière plutôt inquiétante. C'était le genre d'homme a ne pas affronter face-a-face; les jeunes filles en larmes ne seraient pas pour cette douce nuit.

- Je vous aurai cru plus persévérant.
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→ ok by Dylan