Valentino est le directeur artistique de Louis Vuitton et a flashé sur un jeune homme sans lien avec le monde de la mode. Il veut le convaincre de devenir mannequin pour lui, et lui a donné rendez-vous dans un café.

Mon réveil sonna à 8h30 comme tous les matins. Habituellement, c'était le moment où je tâtonnais sur la table de chevet pour chercher mon iPhone et tuer cette magnifique chanson du Velvet Underground « European Son » qui me tirait de mon lit 210x180cm comme chaque matin. Oui, comme chaque matin, j'assassinais Lou Reed. Et généralement, ledit Lou Reed avait le temps de finir les 7 minutes et quelques que la chanson durait avant que je ne daigne bouger de sous ma couette. Mais ce matin là, à 8h30, j'étais déjà levé, et le Velvet Underground sonna dans le vide. J'éteignis nerveusement la sonnerie, avant de remettre mon iPhone dans ma poche de pantalon. Je ne vivais pas sur le campus de le SHS, mais dans un petit duplex avec vue sur Central Park. J'étais prêt donc, et j'observais la réserve naturelle sans grand intérêt, un grand café à la vanille sucré entre les mains.

J'avais, à 10h, rendez-vous avec ma prochaine – je l'espérais – nouvelle égérie de la collection underwear Automne-Hiver Vuitton. D'après les photos que j'avais durement glanées de ce jeune homme, j'avais pu constater un charisme qui m'avait fait comme l'effet d'une gifle. La photo m'avait dit « Tu es jeune Valentino, et tu ne dois pas te laisser dépérir en stagnant. Prend de l'avance et sois un pionnier. Un créateur. Choque le monde et fais-toi un nom. » Oui, une photo parle. Du moins, j'avais l'impression. En fait, c'était ma conscience qui me parlait ; et moi je laisse ma conscience faire quand elle a d'aussi bonnes idées. J'avais traduis ça par « Va voir ce putain de beau mec et engage-le. Lui il saura porter tes vêtements. » En général ce n'était pas moi qui m'occupait des recrutements. J'avais certes mon mot à dire, aucun nouveau mannequin ne pouvait entrer dans la boîte sans que j'aie donné mon affirmation. En général je regardais le book, et je disais oui ou non sans grande conviction. Je ne rencontrais que très peu de fois les mannequins pour un entretien avant embauche, des gens très bien diplômés et sensés étaient payés une fortune pour le faire à ma place, et ils le faisaient bien. Parfois, je disais « Je veux cette fille. Et ce garçon. » et je battais des pieds et des mains pour obtenir celle ou celui qui allait devenir mon mannequin fétiche de la saison. Mais RAREMENT, oh que rarement, je me mettais moi-même en quête de nouveaux modèles. Mais j'eus enfin le déclic. C'était comme ça que je devais procéder. Chercher moi-même dans tout ce peuple, tout ce fourmillement de gens anonymes, LE modèle idéal, la parfaite pointure, le nouveau caractère de ma collection, et le nouveau visage de la marque. Et j'avais trouvé la première pierre qui allait être la base de mon édifice. L'édifice Vuitton. Bien sûr que je voyais grand, j'étais payé pour. Stop la rêverie et le fantasme, je devais me préparer. J'étais excité comme un gosse qui va à Disneyland pour la première fois. Je filais à la salle de bain, et j'en sortais une demi-heure plus tard frais et pomponné. J'avais passé une chemise en soie violette, une cravate noire en soie également, très sobre, et un pantalon chiné gris clair. Chaussures en daim jaune pâle, presque beige, pas de quoi choquer une bonne sœur. La règle est : jamais plus de trois couleurs sur soi, sinon ça devient laid, et le blanc et le noir ne sont pas des couleurs dans ce cas. Je remis une énième fois une mèche de mes cheveux humides en arrière, avant de secouer la tête et de la relaisser tomber. Tant pis. Et puis, ça faisait moins coincé du cul.

« Bonjour... Je vais être franc avec vous, sachant que pour des hommes comme vous le temps c'est de l'argent. Je refuse net votre proposition ... » Oh, et puis quoi encore ? Le garçon que sur lequel j'avais fantasmé depuis une semaine au moins était là, en face de moi. Et beaucoup plus beau que sur de simples papiers. Il avait une sorte d'aura de mauvais garçon. Il venait de là, sans doute, de la rue, et son caractère ferme et peu enclin à la discussion me séduit tout de suite. J'avais craqué. Il serait parfait. Je le voulais. Et il se refusait à moi. Autant dire que j'allais tout faire pour l'obtenir. Il s'était assis, c'était déjà ça. Espérons qu'il ne reparte pas .. « Je vous offre un café ? J'ai du temps à perdre pour vous. » Je faisais tourner la boîte à idées très vite, car j'espérais trouver une réponse à son refus quasi-instantané. Mais je ne trouvais rien à dire. J'étais extrêmement triste, et malgré mon masque d'homme d'affaire sans sentiments j'étais encore un petit garçon émotif. On venait de me refuser le jouet que je voulais acheter. J'avais maintenant deux solutions : supplier ou criser. Je n'optai pour aucune de ses deux solutions, et changeai de sujet. « Que faites-vous dans la vie, Mr. Phadraig ? » Je connaissais bien évidemment la réponse, mais je voulais qu'il m'offre la réponse de lui-même, de sa propre bouche charnue et suave. Dans mes rêves éveillées, je la dévorai à pleines dents, affamé.

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