Il tient fort contre lui ce camion jaune qu’il affectionne tant. Presque par peur qu’on lui enlève de force, il y a trop de monde autour de lui et autour de sa mère. Il hait les gares. Les gares de train, les aéroports. Aucune expression est sur ses traits, habituellement, il aurait demandé avec sa petite voix suppliante à sa maman si elle pouvait lui acheté des nerds au wildcherry et watermelon, ou encore des m&m. Sauf qu’aujourd’hui, l’heure n’est pas à la plaisanterie. Il abandonne l’appartement en pas très bon état avec la douche qui grince trop quand il tourne la poignée, avec les trous dans le tapis gris, la chambre trop petite, où son lit est accoté sur les deux murs de largeur. Mais il l’aime son appartement. Il aime son cadre de porte où il y a des coches, signe qu’il a grandit. Il aime s’asseoir sur le tabouret qui tourne au comptoir en attendant que sa mère fasse griller sa strudel aux fraises, avant d’aller à l’école. Même s’il n’aime pas lorsqu’un homme sort de la chambre de sa maman en se servant seul. Sa maman lui a toujours demandé les choses qu’il veut lorsqu’il va chez ses amis, comme lorsqu’il va chez Benjamin. Pourquoi est-ce que lui il va directement dans le frigo ? Pourquoi est-ce qu’il boit le lait à même le sac ? Sa maman déteste quand lui-même le fait. Alors, pourquoi est-ce qu’un homme sortant de sa chambre dont il ne connaît pas encore le nom à le droit ? Déjà, il a un peu de difficulté à comprendre sa mère. Bientôt les femmes en général. Mais c’est normal. Sa maman traîne le tout, ils n’ont pas grand-chose, ils vivaient dans un meublés. Ça tient dans quelques boîtes, quelques valises. Son oncle est là. Londres. Proposition. Il ne comprend pas réellement qu’est-ce qu’elle va faire là-bas, parce que sa maman c’était une serveuse dans un restaurant un petit dont le gérant lui faisait peur. Pas à sa maman, à lui. Bien sûr, il sait qu’elle va à l’école, elle aussi. Mais elle n’apprend pas à écrire, elle, elle apprend des chiffres et à les calculer. C’est un peu plus difficile que lui par contre.

Il n’a pas lâché son camion tout le trajet du train. Il y a les enfants pour qui les oursons sont une sorte de protection, de rassurement qu’il ne trouve ailleurs que dans ce toutou. Lui, c’était dans un camion en plastique jaune serein vieux comme le monde à qui on avait fait la vie dure. Brisé à quelques endroits, le camion avançait encore et il avancerait pendant très longtemps encore, pour lui c’était une forme de révolution. Si le camion brisé avait pu survivre, lui aussi survivrait. C’était une loi pas très compliquée à comprendre, n’est-ce pas ? Bien sûr, fallait pas s’attendre à grand-chose, la gare de Londres est dix fois pire que celle de Dublin. Terreur au visage, une main délaissa son camion, prit celle de sa maman, la serra fort-fort-fort. Levant les yeux, de temps en temps, comme pour s’assurer qu’elle était toujours là, en vie. Sa maman qu’il avait tant de difficulté à partager. Cail était là, les accompagnants en aidant la mère et le fils à se rendre à destination, dans la jungle d’une gare de train. « M’man tu crois que la fée des dents va m’trouver quand même quand j’vais perdre ma dent, même si on déménage. Parce qu’elle branle beaucoup. J’pense qu’elle va tomber ce soir, même. Peut-être qu’elle va aller à l’appart, hen ! Cail, tu pourras aller voir la fée des dents ne s’est pas trompée d’adresse ? » Ce qu’il était mignon, c’est ce que disait sa maman qui serra la main de son garçon, lui faisant une réponse comme de quoi qu’elle allait le trouver la fée des dents. S’il avait adopté l’appartement en mauvais état à Dublin, il eut un petit choc en comprenant que ça n’allait pas changer tant que ça à Londres. Il se voyait mal du haut de ses huit ans chigner et chialer sur ce fait, alors il laisse tomber.

L’appartement était lui aussi meublé, bien qu’en bien meilleur état que celui de Dublin. La fée des dents le retrouva malgré tout, une petite moue à son visage apparue. Oh, il aurait bien aimé, lui, que ce ne soit pas le cas. Ça aurait été amusant, ils auraient dû retourner à Dublin pour aller chercher la monnaie que la fée lui aurait glissé en-dessous de l’oreiller qui n’était pas là. Il revêtit son lit qui était comparable à celui qui était prit encastré dans un mur avec une couverture où des Buzz Lightyear avec des étoiles. Et le pire c’était que lui il aimait bien mieux Woody avec Bo Beep et il délaissa un peu son camion, bien qu’il soit toujours à porté de vue, on n’était jamais trop prudent. Sa maman commença à travailler dans une boîte d’organisation, il ne connaissait pas grand-chose et les enfants avaient la fâcheuse manie de rire un peu de lui pour n’importe quelles raisons. Parce qu’il roulait trop ses r, parce qu’il s’enfargeait dans ses mots en répondant. Bref, c’était la galère. Mais au moins, il y avait toujours Nicholas, un garçon de sa classe qui était assez sympathique pour lui donner un bout de son oreo à l’heure du midi, un mardi, très précisément. Évidemment, les deux garçons devinrent comme les deux doigts de la main. L’un n’allait pas sans l’autre. Il voyait souvent les collègues de sa mère, parfois les familles, aussi. Bien que son activité préférée quant à lui était de se percher sur les genoux de sa maman et d’observer ces gens, en se questionnant.

Comme à Noël, où il eut ce souper où sa mère fut invitée. Elle n’avait pas trouvée de gardienne ce jour-là, bien que lui l’obstinant qu’il pouvait PARFAITEMENT se garder tout seul. Elle n’en cru pas un seul mot et elle l’emmena avec lui. Évidemment, il n’était pas content. Il aurait voulu qu’elle le laisse chez lui, il aurait regardé la tv avec du pop-corn et il n’aurait pas passé sa soirée avec des gens qu’il connaissait seulement de vue. En fait, la seule chose qui l’empêcha de ne pas chialer encore à sa mère fut tout simplement sa rencontre avec Lucy. Lucy-Jill, mais lui il trouvait ça définitivement trop long. Timide un peu, s’amusant avec les boutons de la chemise que sa mère l’avait fait mettre usant de la force, tout en souriant un peu. Ils jouaient ensemble et c’était parfait, ça passait le temps et il la trouvait très gentille. En fait, on aurait presque pu parler d’amourette. Vous savez lorsque le garçon achète un Ring Pop au dépanneur du coin en promettant qu’il va l’épouser ? Eh bien ça aurait pu être un peu ce genre-là, entre lui et Lucy-Jill, si évidemment, il n’aurait pas été timide. Parce que même aujourd’hui, il n’a jamais avoué une seule fois que ça pouvait être considéré comme une amourette, ça servait un peu trop à rien. De toute évidence, elle prit fin assez rapidement.

Les années s’écoulaient, ils faisaient de nouvelles rencontres, il eut sa première petite amie, bien qu’on ne puisse pas réellement jugé de petite amie, puisqu’ils étaient gênés de se tenir la main. Toujours ami avec Nicholas, ils eurent bientôt un cercle d’amis autour de leur amitié construite sur un oreo. Bien sûr, à chaque année, il y avait ce souper à la fête de Noël, où il revoyait Lucy-Jill Samuel. Ça semblait plus la corvée de l’année où il devait mettre une chemise, bien qu’elle semblait toujours un peu comme cette fille à qui il aurait eut envie de donner un Ring pop à la fraise. Se mettant en plein nez dans ses études, voyant toujours défilé des hommes dans cet appartement de Londres, rangeant le camion jaune, prenant confiance en lui. Il avait l’envie puissante de se sortir de cette vie, de ne plus vivre dans un appartement trop petit. Il était et est intelligent et il était déterminé, donc il étudia. Et décrocha une bourse afin d’aller dans un lycée plus prestigieux.

Puis, ce devint de plus en plus difficile pour sa mère de le traîner à ces soirées de Noël, bien qu’il acceptait encore, sachant bien sûr qu’il allait tout simplement s’emmerder. En fait, c’est dans cet esprit que sa mère le traîna à ce souper lorsqu’il avait seize ans. Évidemment, vous allez me dire, à seize on n’est pas obligé de suivre nos parents. On a indépendance écrit en grandes lettres rouge, taille 50, gras, dans le front. Sauf qu’il se souciait de sa mère et comme tout homme, il l’aimait. Alors, il lui faisait plaisir. En fait, tout aurait été comme d’habitude à ces soupers qu’il n’aimait particulièrement pas et trouvait franchement ennuyeux, s’il n’aurait pas remarqué Lucy-Jill, cette soirée-là. En un an, une jeune fille en pleine adolescence peut beaucoup changer lorsqu’on ne la voit qu’une fois par année. C’est ce qu’il expérimenta ce soir-là. À huit ans, il l’avait trouvé mignonne. Présentement ? Elle était belle. Changement de stade important. Le plus surprenant, c’est lorsqu’il décida sur un coup de tête d’aller s’asseoir à côté d’elle et sans gêne d’entamer une conversation. En fait, ils discutèrent toute la soirée. Et lui, habitué à ne la voir qu’à ce souper, pu aussi expérimenter la voir dans un autre décor, puisque le lendemain ils se virent encore et encore. Un lien, sans qu’il le vit arriver, commença à s’établir entre elle et lui.

Lui, qui avait eu un amour d’enfant de ring pop aux fraises du dépanneur du coin, ou encore avec une grosse slush rose trop liquide, se vit transformer en un amour d’adolescent qui n’était définitivement pas très habile pour faire des phrases en compagnie d’une fille. « Tu me plais énormément. » Pas de phrases à la Roméo et Juliette, ce fut ainsi qu’il lui dit sa flamme. En fait, ces mots malhabiles, entamèrent à eux seul une relation qui dura un an. Son premier amour pour être précise et ainsi que premières fois. En fait, malgré leurs engueulades qui n’avaient aucun sens, il l’aimait. Oh, on ne pouvait pas dire le contraire, bien qu’adorant sa petite amie, son caractère et sa tête de cochon ressortait un peu trop. Ce qui faisait qu’une simple remarque pouvait prendre assez d’ampleur pour avoir une dispute un peu trop forte. Finissant le lycée, il obtint une bourse afin d’aller à Harvard, ressortant majeur de sa promotion. En fait, évidemment, il décida de mettre ça sur le dos de son départ vers les États-Unis, sa fin de relation avec Lucy-Jill. Pas à cause de sa tête de cochon, de leurs disputes. Non, il avait un besoin irrationnel de mettre cela sur la faute à cette bourse. Qu’il accepta, bien sûr.

En fait, bien évidemment ce qui fut surprenant ce fut d’entendre la promesse de sa chère première petite amie le jour de son départ. Ça le troubla, un peu, mais dans son fort intérieur il avait fait un râlement positif. Comme si lui aussi, lui disait « ouais, moi aussi ». Mais il prit l’avion quand même. Au début, il pensait souvent à elle et bon nombre de fois, il prit le téléphone se disant au diable les interurbains. Son orgueil revint et il raccrocha le téléphone. Et ça passa, Nicholas était lui aussi resté à Londres et ils s’envoyèrent quelques mails, sans plus ni moins. À Harvard, il se concentra sur ses études, ayant toujours l’envie de se surpasser et d’avoir les meilleures notes qui soient possibles. Bien sûr, il eut quelques relations avec d’autres filles, la plus surprenante dura deux ans, deux caractères forts qui semblaient être ensemble pour le plaisir de s’affronter dans tout le quotidien de la vie. En fait, on aurait plus qualifié cette relation de deux meilleurs amis toujours en compétition et s’envoyant proprement chier tout en s’envoyant en l’air quand ils en avaient envie. L’envie d’appelé Lucy s’estompa, bien qu’il avait eu l’idée très heureuse de ne pas avoir effacé les quelques dizaines des photos de lui et d’elle sur son PC, donc le souvenir permanent d’elle, semblait se balancer de gauche à droite dans son cerveau, bien que petit à petit il l’oubliait un peu, enfin pas complètement.

En droit, à Harvard il réussit proprement haut la main, rompant du même coup avec Summer, qu’il considérait définitivement comme une bonne amie, point. Obtenant un poste comme assistant procureur à New-York, il s’installa dans la grosse pomme, un appartement où son lit ne s’encastrait pas entre deux murs décolorés. Un appartement où dans l’armoire de la chambre, il glissa son camion jaune brisé, signe un peu de cette victoire de sa promesse qu’il avait remportée sur lui. Et évidemment, le premier soir, il décida tout simplement de l’arroser d’heinekein. Pour tourner la page, « il avait une vie, maintenant », un job. Un appartement. Il ne pouvait plus avoir comme excuse la fée des dents. Et il ne pouvait absolument pas appeler Lucy-Jill, pour lui dire hé, j’suis sorti d’Harvard, j’suis à New-York, en train d’me souler et sincèrement j’regrette. Non, définitivement, il ne pouvait ABSOLUMENT pas faire ça. De toute façon, elle devait être partie de la maison familiale, maintenant. Alors, hum. Il décida de balancer son cellulaire dans le salon de son appartement et ça lui prit exactement quatre jours à le trouver dans ce fouillis. Délice.