Les repas de famille n'avaient jamais été la tasse de thé de Lys. Assise sur une chaise qui craquait horriblement, elle observait sa mère lui servir une louche de soupe d'une couleur verdâtre, peu ragoutante. De la soupe encore et toujours. D'un geste presque dégouté, elle repoussa lentement l'assiette, subissant au passage un regard noir de son père. « Lys, mange ta soupe si tu veux un jour pouvoir avoir une taille convenable.» Elle n'avait que huit ans, elle avait le temps de penser à sa future croissance. Elle se força à avaler une cuillère, tirant légèrement la langue à cause du goût. Les Watson ne vivaient pas dans la richesse, ils habitaient une petite maison à un étage dans un des quartiers les plus pauvres de la banlieue de Cardiff. Lys allait dans une école publique qui semblait tout droit sortie d'un de ses films documentaires sur les quartiers à problème. Son père était un ancien militaire que les années de missions sanglantes et meurtrières avaient rendu hostile. Il était un homme bourru, le visage marqué par quelques fines cicatrices de guerre. Il dénigrait très souvent sa mère, certes il ne la battait pas, mais la violence se traduisait dans ses mots. Il n'y avait que sa fille qui semblait compter à ses yeux, mais Lys ne l'aimait pas. Pour elle, sa mère était le seul élément important de sa vie, souvent elle rêvait qu'elle et sa génitrice partait vivre loin, sur une plage déserte, laissant derrière elles une vie peu flatteuse. La mère vint s'installer à côté de la fille, la petite profitant de l'occasion pour humer l'odeur du parfum de sa mère, de la lavande, sa fleur préférée. Le père revint à sa soupe, maugréant qu'elle était froide et sans goût. Comme à son habitude, Mère Watson ne broncha pas, buvant le liquide du bout des lèvres, subissant en silence les divers reproches de son mari. La petite fille glissa sa main sous la table et attrapa celle de sa mère, celle-ci tourna légèrement son visage et lui adressa un sourire complice.

Lys avait atteint les treize ans désormais. C'était une magnifique jeune femme qui ressemblait terriblement à sa mère : même peau de porcelaine, même cheveux noirs de jais, même expressions, à part ses immenses yeux émeraudes qu'elle tenait de son cher géniteur, mais ce détail avait peu d'importance à ses yeux. La vie continuait son cours, au lycée, elle était de ces jeunes femmes discrètes, mais sachant se faire respecter par autrui. Mais sa vie changea du tout au tout. Sa mère mourut dans un accident de voiture. Cette mort changea complètement l'adolescente qui du jour au lendemain n'était plus la même. Malgré qu'elle excellait dans les matières scolaires, c'était le vie familiale qui la pesait terriblement. La haine envers son père grandit de jour en jour. La nuit, elle préférait s'éclipser, dormir chez des "amis" ou quelconque fréquentation peu recommandable. Elle devint une fêtarde, goûtant à toutes les substances pour "s'amuser". Vers ses dix-huit ans, l'alcool fut son refuge de prédilection. Elle buvait trop, son père l'envoya faire une cure de désintoxication de force, réunissant le peu d'économies qui lui restait. Mais Lys ne voulait pas arrêter, elle resta de longs mois dans le centre, prétextant que tout allait bien. A peine sortie, elle recommença son vice caché. La vie devint cependant plus lourde à porter, la jeune femme n'en pouvait plus de vivre ainsi, d'être pauvre, d'être un fardeau de la société. Elle réunit une petite somme d'argents grâce à quelques amis de son "ex" milieu et décida de quitter Cardiff pour une ville plus glamour, plus riche, plus intense, New York fût donc le choix idéal pour s'échapper à sa misérable existence. Elle partie donc, une seule valise à la main, sans prévenir son père, disparaissant ainsi de sa vie pour toujours avec pour son seule rêve, devenir une danseuse étoile.

Malheureusement, les contes de fées comme quoi la pauvre jeune femme finit par réaliser son rêve et devient riche et célèbre n'est pas à la portée de tout le monde. A peine arrivée à New York, Lys devait se confronter à un problème de taille : elle ne connaissait personne en ville et n'avait que très peu d'argent pour substituer à ses besoins, inutile de penser à s'acheter un logement dans ses conditions. Lys dû donc se résoudre à vivre dans la rue durant quelques temps. Ce fût une expérience peu agréable, au moins à Cardiff, elle avait un chez elle où elle pouvait se réfugier au moindre souci. Cependant, elle fit la connaissance d'un homme, dealer de son grade, qui l'a pris en quelques sortes sous son aile, lui offrant même une espèce d'appartement pour qu'elle puisse s'y réfugier si nécessaire. Ainsi donc, la "nouvelle" vie de Lys commença ou continua dans ce contexte-ci. Toujours aussi alcoolique, toujours aussi paumée, toujours aussi pauvre, la seule différence est qu'elle a commencée à se tourner vers la criminalité. Pour l'instant, elle n'est qu'une simple voleuse, mais si elle s'enfonce un peu plus dans ce tourbillon maléfique, qui sait ce qu'elle pourrait faire...