« Elle est où, maman ? » demandais-je d'une petite voix en tirant la manche de veste de mon père qui me tournait le dos. Du haut de mes cinq ans, je sentais bien que quelque chose n'allait pas. Seulement, mon père ne m'aidait pas beaucoup en gardant le silence face à mes questions. Mon père attrapait ma main et me forçait à lâcher prise avant de quitter le salon. Jamais mon père ne me parlera de ce jour. Du jour où ma mère perdit la vie dans un accident de voiture. Il faisait tout pour que tout redevienne normal, comme si ce drame n'avait jamais frappé notre famille. Une des nombreuses raisons pour lesquelles, mon père et moi avons toujours eu des rapports compliqués. Il ne disait jamais rien, il subissait, il se cachait. Il préférait oublier plutôt qu'affronter la vérité, aussi douloureuse qu'elle puisse être. Je me suis toujours juré de ne jamais ressembler à mon paternel. Il est l'homme le plus lâche que je connaisse. Je n'ai pas de réels souvenirs de ma mère, peut-être un par-ci par-là, mais rien de bien concret. Après ce jour, le prénom de ma mère n'a plus jamais été prononcé. Comme si elle n'avait jamais existé, comme si sa mort n'était rien qu'un mauvais moment à passer, comme si rien ne s'était jamais passé. C'était un peu comme si je n'avais pas eu de mère. J'en voulais à mon père pour m'avoir fait oublier la femme qui devait être la plus importante de ma vie.

« Je veux que tu aies fini quand je rentre, Sheldon. » Je suivais du regard mon père qui enfilait sa veste et attrapait sa sacoche d'un geste vif avant de partir telle une furie, en claquant la porte derrière lui. Assis sur la chaise, je balançais mes pieds qui ne touchaient pas le sol dans un geste enfantin. Mon regard se posait sur le cahier posé face à moi. A l'âge de six ans, on fait tout de ce que nous demande nos parents. Et bien, je n'échappais pas à la règle. Je me demandais pourquoi Timothy, mon copain et voisin, pouvait jouer au ballon dehors, dans son jardin, alors que je devais remplir des pages et des pages d'écriture. Je commençais à peine à apprendre à lire et à écrire, je n'avais aucune lacune, mais mon père me poussait toujours à faire plus et surtout mieux que les autres. J'attrapais mon crayon dans un geste lent et recommençais à copier avec beaucoup d'application les lettres écrites par la main de mon père. C'était sûrement grâce à lui que j'aimais en apprendre toujours plus, travailler tout le temps pour ne pas m'ennuyer. C'était même grâce à lui peut-être si j'avais toujours eu des facilités à l'école. Je m'arrêtais et fixais la porte un moment, espérant que mon père ouvre la porte et reste à la maison finalement. Au fond, je savais que ça n'arriverait pas. Mon père tenait plus à son boulot qu'à son propre fils. Je crois que je l'ai toujours su. J'avais seulement mit du temps à l'accepter.

Je descendais les escaliers de la maison en courant et me dirigeais vers la baie vitrée du salon. Regarder les étoiles était l'un de mes passe-temps favori. L'autre jour, la maîtresse nous avait demandé ce que l'on désirait faire plus tard comme métier et j'avais répondu fièrement que je voulais être un astronaute. Elle m'avait demandé pourquoi et je lui avais déclarais comme si cela sonnait comme une évidence « pour aller sur la lune ». Quelle question, franchement. Je ne voulais pas devenir astronaute pour la combinaison. Non, certainement pas, on ressemble à un télétubbies une fois dedans. Je n'étais plus un enfant, j'avais dix ans maintenant. Je me débrouillais tout seul pour tout. Pour mes devoirs, pour m'habiller, pour manger, pour aller à l'école. Je n'avais besoin de personne. Puisque Papa n'était jamais là, j'étais souvent tout seul, donc j'avais vite appris à me débrouiller. Jenny me tirait de mes pensées en venant s'asseoir à côté de moi. Jenny, c'était la fille de la nouvelle femme de Papa. Je l'aimais bien, Jenny. Elle était jolie, gentille et elle aimait passer du temps avec moi quand Papa était en voyage. Comme en ce moment, par exemple. Il est partit à Los-Angeles pour les affaires. Je posais mon regard sur ma demie-soeur et lui adressait un léger sourire. « Il y a beaucoup d'étoiles, ce soir. » Je hochais la tête doucement pour acquiescer. Je connaissais presque toutes les étoiles par cœur. Je pointais mon doigt vers un ensemble d'entre elles. « Là, c'est la Grande Ourse. C'est une des plus grandes constellations du ciel. Et si tu regardes bien, là, ça fait comme une casserole. » Je penchais légèrement la tête sur le côté comme pour mieux la voir. « Et l’Étoile Polaire, tu sais où elle est ? » Je la regardais un instant. J'aimais passer du temps avec Jenny, parce que même si elle était -beaucoup- plus vieille que moi, elle s'intéressait à ce que je connaissais. Et cela, même si elle savait très bien où se trouvait l’Étoile Polaire. Enfin, j'espère pour elle. « Facile. C'est celle qui se trouve au bout du manche de la casserole. » disais-je en haussant les épaules. J'entendais Jenny rigoler doucement. Elle m'embrassait sur la joue avant de se lever et de partir. Un jour, je me marierais avec Jenny et je l'emmènerais sur la Lune. On verra encore mieux la Grande Ourse.

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Je remontais ma sacoche sur mon épaule, le regard levé vers les numéros de salle affichés sur les portes. Des centaines de pas se faisaient entendre dans le couloir. C'était le premier jour de cours et tout le monde semblait perdu. Sauf moi, bien sûr. Je ne savais pas du tout où j'allais, mais mon visage ne laissait pas paraître la panique. Je me retournais. Pas comme elle. Je soupirais doucement en ajustant mes lunettes sur mon nez. Je reposais une énième fois mon regard sur ce foutu papier qui n'était pas d'une très grande aide. Sans que je m'y attende, une personne me rentrait dedans. Je relevais mon regard vers la personne en question qui bafouillait des excuses incompréhensibles en ramassant ses livres tombés lors de la collision. « C'est bon, c'est bon. Regarde juste où tu vas dorénavant. » « Euh, oui, bien sûr. Je suis un peu perdu, nerveux et en plus de ça en retard maintenant. » Le jeune homme regardait rapidement sa montre et semblait encore plus paniqué après avoir fait ça. « Hum. Vous cherchez quelle salle ? » « La 216. Elle devrait être par là, mais j'en viens, alors. » Je rigolais doucement avant de reprendre ma marche et lui répondre. « Vous êtes aussi stressé qu'une vierge qui couche pour la première fois, ça vous a peut-être rendu aveugle. » Voyant qu'il ne me suivait pas, je me retournais et lui lançais. « Vous ramenez vos fesses ? Je cherche la même salle que vous. On va bien finir par trouver.. » Il me rejoignait alors en courant, manquant de peu de faire à nouveau tomber tous ses livres. J'en profitais pour l'observer rapidement. Il était assez grand, bien coiffé, habillé plus que correctement et son sourire inspirait la confiance. Il devait être un peu plus jeune que moi, mais pas de beaucoup. Il me tirait de mes réflexions lorsqu'il me tendait sa main en se présentant. « Nickolas Baker. Je suis en première année de psychologie. » Je lui serrais la main, et lui prenais quelques livres des bras. « Vous allez perdre vos deux bras à porter tous ces kilos de paperasse. » Un silence s'installait alors que je le voyais me fixer. « Sheldon Hemmens, je viens aussi commencer mes études de psychologie. Mais ne vous faites pas de films, si je suis là, c'est pour le fun. J'ai déjà des études de littérature derrière moi et ça me suffit amplement. » Je le voyais froncer les sourcils, mais avant qu'il puisse me poser la question qu'il voulait, je le poussais dans la salle qu'on cherchait. « C'est bon on est là, vous pouvez commencer votre cours. » déclarais-je à voix haute, coupant la parole au professeur en plein discours. Je faisais un signe de la main à toutes les autres personnes présentes. Nickolas me forçait à m'asseoir en sifflant entre ses dents. « Très discret.. » Je pris un peu de recul et le regardais, sourcils froncés d'incompréhension. La discrétion ne sert à rien. « Une entrée doit être remarquée, jeune padawan. Note bien ça. » lui répondis-je en lui tapotant le front. Je m'installais correctement sur mon siège alors que Nickolas reprenait la parole en chuchotant. « Mais si ces études de psychologie ne vous serviront à rien, pourquoi vous les faites ? » Je fixais le professeur, un sourire léger flottant sur mes lèvres. Une fois ce dernier retourné, je répondais au jeune homme curieux sur le même ton. « Vous, je parie que vous voulez faire psy. » Je secouais la tête de gauche à droite avant de reprendre. « Parce que ça m'intéresse et que j'ai envie d'en apprendre un peu plus sur ce sujet. Puis on m'a dit que du bien sur les femmes qui viennent étudier ici. » Je faisais un clin d’œil à une jeune femme assise à l'autre bout de la pièce et qui semblait nous observer depuis un moment. Je voyais Nickolas levait les yeux au ciel du coin de l’œil. « Je vois.. » soufflait-il, apparemment désespéré. Je souriais fièrement en regardant mon nouveau camarade. Je remontais les manches de ma chemise et posais mon regard sur le professeur, un peu plus bas. Avec ce Nickolas, ces études me paraîtront peut-être moins emmerdantes.

« Sheldon, arrête un peu de faire ta tête brûlée. C'est sérieux. » Je soupirais au téléphone en entendant ma demie-soeur me dire ça. Je savais très bien que c'était sérieux. Après tout, mon père était gravement malade et il ne lui restait probablement que quelques mois à vivre. Pourtant, je n'avais rien ressenti en apprenant la nouvelle. Comme si cela me faisait ni chaud ni froid de savoir que mon père allait au plus mal et que bientôt tout serait terminé pour lui. Je passais peut-être pour un monstre à penser ça, mais je ne me suis jamais senti proche de mon paternel. Il m'a délaissé durant toute mon enfance et je lui en veux pour ça. « Je sais, Jenny, je sais.. Pour toi, c'est peut-être important d'être près de lui, mais pas pour moi. Tu sais bien qu'il ne s'est jamais préoccupé de moi, alors pourquoi est-ce que je viendrais, pour lui ? Pourquoi je devrais faire cet effort ? » Un silence s'installait, pendant lequel je passais une main lasse dans mes cheveux. « Peut-être parce que c'est ton père.. » Je secouais la tête en faisant les cent pas dans mon salon. Je me sentais perdu. Si je prenais l'avion demain, ce ne serait pas pour mon père, ce serait pour Jenny. Parce que je sentais bien que tout ça la touchait. « Je n'ai jamais eu de père, Jen. J'ai eu une grande sœur, rien d'autre. Je suis désolé, je ne viendrais pas. Et je ne changerais pas d'avis. » Je raccrochais le téléphone lentement, et restait planté devant ce dernier pendant un instant. Je levais la tête vers le plafond, fermais les yeux et soupirais. Je savais que j'agissais mal, et surtout égoïstement, mais je ne voulais pas faire différemment. Je ne devais rien à mon père, absolument rien. Et j'étais tellement borné que je ne changerais pas d'avis de si tôt. Je me retournais après avoir ouvert les yeux et je croisais le regard de Nickolas, mon colocataire que je considérais aussi comme mon meilleur ami. Je levais les yeux au ciel en voyant la façon dont il me regardait. Il était assis sur le canapé avec Buckley, ma petite beagle, sur ses genoux. « Quoi ? » lui lançais-je sur un ton sec en levant légèrement mes bras. Je m'approchais rapidement de lui et attrapais Buckley, avant de le poser à terre. « Puis laisse ma chienne, tu lui fais peur. » Je sentais le regard de mon ami s'appuyer sur moi. « Joue pas les innocents, elle m'a tout dit. » Il levait à nouveau les yeux au ciel alors qu'il me lançait avec son ton de psychologue que je connais très bien. « Tu le regretteras, Sheldon. » Je fronçais les sourcils en entrouvrant la bouche. Puis dans un geste de recul, j'arquais les sourcils et prenais un air effronté. « Oh, je devine que tu as lu ça dans tes bouquins de psychologie à deux balles. » Je secouais la tête et partais vers la cuisine me servir un café. Je n'en proposais même pas à mon colocataire qui ne buvait que du thé. Oui, monsieur est très british. Je riais doucement à cette pensée. On était tellement différent. Pourtant, il était un des rares à me supporter au point de vivre dans le même appartement que moi. Je savais que j'avais de la chance de l'avoir rencontré, mais jamais je ne lui dirais. Puis en tant que psychologue, il a dû le voir tout seul, comme un grand. J'entendais des pas, sur le parquet, venir jusqu'à moi. Je me versais le liquide noir dans une tasse, alors qu'il reprenait la parole. « Pour le moment, ça ne te touche absolument pas ou alors tu le caches très bien. Mais lorsque ton père ne sera plus là, tu regretteras de ne pas être allé le voir. Et les regrets, ça ronge. » Je plongeais une cuillère dans ma tasse avant de me retourner, avec cette dernière à la main. « Cesse un peu d'utiliser ton baratin de psy avec moi, tu veux. Je ne suis pas un de tes patients complètement stupides qui viennent s'allonger à côté de toi et te racontent tout de leur misérable vie. » Nick croisait ses bras contre son torse, en baissant les yeux sur ses chaussures impeccablement cirées. J'avais haussé le ton et je le regrettais déjà ce que je venais de dire. Je fixais Nick et une fois que nos regards se croisèrent, je compris qu'il me pardonnait. Je buvais une gorgée de mon café et sortais de la cuisine en lui soufflant. « Ce sont mes affaires, Nick. J'ai pris une décision et je ne reviendrais pas dessus. » Je faisais quelques pas dans le salon, apercevant mon chien couché sur le canapé. Nick avait deviné que mes rapports avec mon père était plus que tendus, mais je ne lui en avait jamais vraiment parlé. Il ne savait donc pas tout. « Si tu ne veux absolument pas le voir, appelle le ou envoie-lui juste un mail, j'en sais rien. Mais ne rien faire n'est pas forcément une solution. » Je me tournais vers lui et soupirais bruyamment. « Si je te réponds ''Oui, maman'', tu me lâches les baskets ? » « Tu sais quoi ? Je crois que t'as peur. Peur d'assumer qu'au fond tu aimes ton père, même si ça n'a pas toujours été simple entre vous et qu'il n'a pas toujours été là pour toi. Ce que tu fais est lâche et tu le sais. Mais tu t'en fous complètement tant que tu gardes ta foutue fierté. » Un silence froid et gênant s'était installé. Il avait raison, je le savais. Mais je ne l'admettrais jamais parce que je suis trop fier. On restait là à se fixer dans le blanc des yeux. Il essayait simplement de m'aider et moi, je le rejetais, parce que je n'avais besoin d'aide de personne. Je ne voulais dépendre de personne. On est toujours mieux seul. On ne peut faire confiance qu'à soi-même de toute façon. « Je sors. Juste.. Réfléchis-y. » lâchait-il avant d'attraper sa veste et de sortir avant que je n'ai pu répondre quoi que ce soit. Je posais ma tasse de café sur la table basse et m'asseyais lentement sur le canapé. Je prenais mon visage entre mes mains et soufflais tout l'air de mes poumons. Je n'étais pas un lâche, pas comme mon paternel. Nick avait raison, je devrais y aller. Mais je n'irais pas. Mon père ne le mérite pas et je ne le considère même plus comme tel. Je ne voulais plus avoir de lien ou de contact avec mon père. Plus jamais, quitte à avoir des regrets. Je prends le risque. Je vivrais avec.

« Le cours est terminé, à demain. » lançais-je à tous mes élèves qui commençaient déjà à ranger leurs affaires. Je regroupais les quelques feuilles éparpillées sur mon bureau. J'ai obtenu ce poste de professeur de littérature à l'université il y a à peine deux semaines et je trouve que je m'en sors bien. Les élèves semblent m'apprécier, moi et mes méthodes et puis, ce travail me plaît. Partager mon savoir semblait être une évidence pour moi, lorsque j'ai terminé mes études en littérature. « Mr Hems ? » Je relevais les yeux vers la voix douce et légère qui venait de m'appeler. Une des mes élèves, deuxième rang, quatrième siège en partant de la gauche. Intelligente, charmante, mais très discrète. Je voyais même que mon regard posé sur elle la mettait mal à l'aise. « Oui ? » Elle toussotait alors que je m'accoudais sur mon bureau en attendant qu'elle continue. « Je sais que ce n'est pas le moment idéal, mais, un autographe ce serait possible ? J'ai énormément aimé votre livre. » Je souriais doucement à l'élève en question avant de prendre mon stylo et enlever le bouchon. « Sur le sein gauche ou sur le droit ? » L'étonnement se lisait sur son visage, alors que je riais doucement avant d'ajouter. « Je rigole voyons. » Je lui prenais le livre des mains et signais la première page. « Quoi que.. » chuchotais-je pour moi-même. Elle me remerciait avec sourire léger et timide avant de sortir de la salle. J'étais fier de mon premier ouvrage. Un roman policier qui apparemment réussissait à se faire une petite place. Mon livre était légèrement inspiré de ma vie et des personnes qui m'entouraient ce qui peut-être lui donnait un petit plus question réalité. Le deuxième livre était déjà en cours d'écriture. Même Nick disait que j'avais un certain don en écriture.

Ça y est. Ce qui devait arriver était arrivé. Mon père est décédé cette nuit. Je m'étais garé sur le bord de la route en voyant les appels venant de ma sœur devenir insistants. Je me sentais mal. Je ne saurais pas décrire ce que je ressentais à cet instant même. Un mélange de tristesse et de culpabilité. Je secouais la tête pour chasser ces pensées. Je n'avais aucune raison de m'en vouloir après tout. J'aurais peut-être dû aller le voir.. Au moins une fois. Je soupirais doucement en me laissant basculer en arrière dans mon siège. L'enterrement serait dans deux semaines d'après Jenny, mais je préférais ne pas y aller. Je ne voulais pas que toute la famille me fasse des reproches en me traitant de fils indigne. Puis je n'étais pas aller voir mon père tant qu'il était vivant, alors je ne voyais aucune raison qui me pousserait à aller le voir maintenant qu'il était décédé. Jenny m'avait également dit que je touchais un énorme héritage suite à ce décès puisque mon père m'avait tout légué. Je n'avais pas compris pourquoi il m'avait tout laissé à moi et qu'il n'avait rien laisser pour Jenny, par exemple. Je ne savais même pas quoi faire de tout cet argent et de l'entreprise familiale. Quel beau menteur je fais, bien sûr que si, j'ai pleins d'idées pour dépenser tout cet argent. Je remettais le contact et démarrais en direction de mon appartement. Je vivrais avec ces remords. Je l'avais dit, je le ferais.

Je marchais dans le long couloir de l'université en direction de la cafétéria. J'étais maintenant un écrivain célèbre et millionnaire suite au décès de mon père et pourtant, j'avais gardé mon poste de professeur de littérature. Beaucoup de personnes avaient pensé que j'aurais arrêté de travailler, mais c'était vraiment mal me connaître. J'ai besoin de ce travail, sinon je m'ennuierais comme un rat mort. Puis je n'ai pas oublié Nick lorsque j'ai touché tout cet argent. Je lui ai entièrement financé son cabinet de psychologue qu'il rêvait d'ouvrir. Il a essayé de me convaincre qu'il n'en voulait pas, mais rien qu'à voir la lueur dans ses yeux j'ai tout de suite compris le contraire. On aurait dit un gamin devant son cadeau de Noël. Je poussais la porte de la cafétéria et voyais un de mes collègues assis à une table. Je pointais du doigt la femme, face à la cafetière, un peu plus loin devant moi et il acquiesçait, un sourire accroché aux lèvres. Je me dirigeais vers elle et m'accoudais au bar où se trouvait la machine à café et la jolie créature blonde. « Sheldon Hemmens, enchanté. » Elle daignait enfin me regarder. Elle était vraiment très charmante. De beaux yeux, une silhouette qui en ferait jalouser plus d'une et de longs cheveux blonds. Elle m'observait de la tête au pied avant de me répondre. « Je sais. On m'a déjà parlé de vous. » Elle prenait sa tasse et allait s'asseoir à une table un peu plus loin. Mon collègue avait raison. Je venais de perdre 5 dollars, il avait parié qu'elle m'ignorerait. Ça ne me dérangeait pas, j'avais de l'argent à en balancer par la fenêtre et les femmes à caractère, ça me plaît. Je la rejoignais et m'asseyais en face d'elle. « Alors, vous devez savoir quel homme extraordinaire je suis. » Elle penchait la tête sur le côté et plissait les yeux avant de me répondre sur un ton amusé. « Pas vraiment. » Je feintais d'être choqué, ce qui l'a fit sourire. Puis elle reprenait sur un ton plus calme et posé. « On m'a dit de me méfier de vous car vous êtes un éternel charmeur, un menteur, un trompeur, un fouineur et un salopard qui se croit supérieur à tout le monde. » J'acquiesçais en applaudissant doucement. « Qui vous a fait cette description ? Il faut absolument que je le félicite. » Je souriais à la jeune femme en voyant qu'elle me tendait sa main. « Hannah Stanley. Je suis professeur de philosophie. Je dois avouer que j'attendais votre venue avec impatience. Les gens sont ennuyeux à mourir ici.. » « Hannah ? C'est un palindrome, vous le savez ? Et ne me parlez pas des gens d'ici. Avant de vous rencontrer, aucune des professeurs ne me paraissait être un bon coup au lit. » Elle riait franchement avant de me mettre une gentille tape sur ma joue mal rasée. « Ne rêvez pas trop. » Elle finissait sa tasse de café, allait la déposer sur le bar puis sortit de la cafétéria. Je courais pour la rejoindre dans le couloir. « Oh, vous ne résisterez pas longtemps, vous verrez. » Elle levait les yeux au ciel et accélérait le pas. « On vous a parlé de mes talents en cuisine ? Puis vous savez, j'ai bon cœur, contrairement à ce que disent les gens. J'ai recueilli un homme dans la rue. Je lui ai donné une chambre de mon appartement et maintenant il s'en sort. Enfin, si devenir psychologue, c'est s'en sortir... »

« On te l'avait dit » déclarait Nick, l'air fier de lui. Je soupirais en demandant une deuxième bière au barman. « Hannah me l'avait dit. Vilain menteur, tu t'attribues tout le mérite en plus. » Je voyais Nickolas sourire à ma droite alors qu'Hannah, assise à ma gauche reprenait. « Ne me remercie pas, Sheld, c'est pas la peine. » Je me tournais vers elle, un sourire au coin des lèvres. « Tu peux pas savoir à quel point j'aime que tu m'appelles comme ça. » « De rien. » répondait-elle tout simplement. Hannah m'avait pourtant dit que le mariage n'était pas une bonne idée, surtout avec cette journaliste que j'avais rencontré lors d'un voyage à Washington pour mon deuxième livre. Hannah m'avait toujours répété qu'elle n'en voulait que pour mon argent. D'habitude, c'est moi qui arnaquait et là, je m'étais bien faire avoir, pour rester poli. Notre mariage n'avait duré que sept mois, ça aurait pu être pire après tout. Je m'en sortais plutôt bien. Au départ, j'avais pensé que si Hannah était si réticente face à ce mariage s'était parce qu'elle était jalouse, rien de plus. Mais en fait, je m'étais fait un film. Je remerciais le barman d'un signe de tête avant de prendre une gorgée de la bière qu'il venait de m'emmener. Je sentais une pression sur mon épaule. Hannah avait passé son bras autour de mes épaules et avait posé sa tête sur mon épaule. « T'en fais pas. Tu la trouveras cette femme qui te supporteras sans avoir envie de te tuer à chaque fois que tu ouvres la bouche. » Je riais doucement à cette remarque. Hannah était cette femme. Elle me supportait, me trouvait même intriguant et en plus de ça, elle avait du répondant. Mon portable vibrait, Hannah se redressait et j'attrapais le mobile rapidement. « Qui c'est ? » me demandait Nick, en arrangeant sa veste correctement. Je buvais le reste de ma bière d'une traite avant de poser un billet sur le bar et de me lever. « C'est Buckley. Je lui manque, elle veut que je rentre. » Nick secouait la tête avant de me suivre avec Hannah. Je passais mon bras autour des épaules d'Hannah, qui souriait légèrement. « Je suis hilarant, pas vrai ? » Elle secouait la tête et me rendait mon bras, partant devant avec Nick qui avait l'air de bien se foutre de moi. « Je le sais de toute façon. »

Citation :

Fouine et emmerdeur professionnel. Et de temps en temps professeur de littérature et écrivain à ses heures perdues.