→ C’est le moment du plus rien. Lorsque le jour se quitte pour la nuit. Quand nos ombres nous recouvrent. Quand l’apparence n’est plus. Noir, sombre. La seule lueur présente dans nos cœurs flanche pour tourner brun, l’essence d’un bleu prend le violet, puis le jaune pourtant si éclatant se fonce jusqu’au marron. La lumière. C’est simple, il n’y en a plus.
Il faudrait être un chat pour retrouver son chemin.
Devant moi, l’étendue infinie d’un bleu trop noir. Trop profond, pas assez simple. Et des kilomètres de plage, la plage qui caresse, qui couche, qui enveloppe, qui tue. Une mauvaise chute sur l’étendue trop mouillée, et plus de moi. Plus de toi, non plus. Mais seulement, plus de nous ?

La danse est un art en souffrance. Il est à demi pied entre le sport et l’œuvre artistique, la gymnastique et la peinture. C’est un théâtre d’endurance. Et seules les vagues ont cette grâce qui fait que peu importe les pas, elles ne s’essoufflent pas. C’est à la fois merveilleux et terrifiant. S’il y a bien quelqu’un de malade ici, c’est elle. C’est elle qui ne peut pas s’arrêter, au bout du compte. Elle qui ne fait que danser, rouler – tourner – sur le sable trop lisse. Son tapis de danse matelassé. La mer. Mer de toutes, océan tumultueux et pourtant si clair. L’eau qui inonde et qui sauve. Mer(e) bénie des dieux qui nous donne la vie aussi rapidement qu’elle ne nous la retire. Symbiose parfaite entre vie et mort, puis mort et vie.
Je suis venue ici pour guérir. Je n’ai pas eu le choix, mais choisir pourquoi. Entre mort et mort, il n’y a qu’un pas. C’est aussi simple que de demander comment se porte une personne. Le pénible comment vas-tu. Pénible car idiot, à la question répond le bien. Je vais bien, parce que je ne te dirais pas que je vais mal.
Je suis venue ici pour guérir, mais je ne guéris pas.

C’est la maladie elle-même qui devient malade. Voilà. Je ne danse plus. Non, elle ne danse plus. Tu ne danses plus. Nous, oui nous, nous ne dansons plus. Et pourquoi ? Parce que ce n’est plus toi ni moi ni même nous mais bien ma pensée, mon âme et mon être, qui dansent. Ce sont mes réflexions qui virevoltent, mes mots qui se mélangent, et aussi vite une phrase je commence que la fin se transforme. Je voudrais dire bonjour mais je dis au revoir. Et pour dire pardon je murmure un merci. C’est vous. Vous les vagues, qui dansez pour mon corps. Et mon esprit pour le vôtre. Quel est le pire entre danser, réfléchir, et danser, agir ?

Je voudrais cesser de penser et retrouver cet être superficiel qui danse pour combler le vide trop vide de son esprit trop simple.

Un rocher s’accroche à mes pieds. Il est aussi rocher que je suis humaine. Il est tiède. Tiède ? Oui, tiède. Alors ce n’est pas un rocher ? Si, s’en est un. Il ne parle pas. Mon rocher – ma sirène – est échoué sur la plage. Ou est-ce la plage qui est échouée sur le rocher ? Il porte la mer en couverture, et des algues trop claires couvrent son front. Mon rocher respire, mais avec peine. D’un pas je m’éloigne pour observer le caillou. Et si lui aussi, dansait de l’intérieur, alors sa paralysie serait presque effacée. Mon rocher est nu, un rocher ne s’habille pas. (Claire pensée dans le sombre de ma journée.) Je voudrais toucher le rocher, lui qui m’ignore, et regarder la mer, cette Mer, là, devant, à l’abri, bien calée, tendrement, doucement, bercée par la pierre étendue sur le sable.
Mon corps ne danse plus mais il n’a perdu sa souplesse, la contorsionniste que j’étais se glisse aux pieds du minéral.
Et puis j’y pose mon crâne. Là, entre le ventre qui rebondit, et les jambes qui s’écartent sans raison. Pourquoi aimer plus quand on peut aimer moins : j’ai là le plus simple des radeaux, qu’on me nomme méduse si l’eau seulement me frôle.

Ma main. Je veux toucher, découvrir, sentir cette terre inconnue qu’est le rocher. Celui qui m’arrête là, frontière où je m’assois, où je m’allonge, avant de continuer mon chemin. Tremplin qui souligne mon plongeon. Je voudrais seulement le connaitre pour pouvoir le remercier. Mon corps qui ne danse plus caresse le sein à demi-mort. Ma main.
Ma main sur ses seins. Ils sont doux et fermes, ils sont tendres et.. Son cou. J’ai le corps trempé devant la momifiée. Que penser d’un caillou. Alors, simplement, j’interromps l’exploration, comme celle qui dit bonjour et qui attend sa réponse.

Devant, la Mer. La belle.
Ici, nous. Toi, moi. Mes vêtements pour les tiens, repos bien mérité avant l’aventure qu'est demain.

→ OKAY BY K..