37 ans. C’est court 37 ans. Et pourtant il peut se passer bien des choses en ce laps de temps. Comme la durée de ma vie par exemple. Pour faire simple je suis né il y a maintenant vingt-sept années à Acha, en Russie. Mon enfance ? Il n’y a pas grand-chose à raconter. Je grandis au milieu d’un frère et d’une sœur tous deux plus âgés que moi. Ma famille n’était pas riche mais n’était pas non plus dans la pauvreté absolue. Ah certes nous ne partions pas en vacances mais ce n’est pas si grave que ça. Lorsque j’eus 18 ans je m’envolais pour les États-Unis. « Une bonne opportunités » me disaient mes parents. Soit.

New-York. Ville attirant des millions de touristes chaque année si ce n’est plus. Ville des rèves. Ville attirante. Ouais. Ou pas. Ce fut plutôt un fléau pour moi. Oh certes au début ce fut génial. J’allais à l’université, je suivais des études de criminologie et, allez savoir comment, je finis par travailler pour la police locale. J’aurai pu continuer comme ça, gravir les échelons, devenir quelqu’un de réputé, avoir des enfants blonds, une jolie femme et un labrador. Sauf que ça finit rarement comme ça. Pas pour un immigré de Russie comme moi ne parlant pas spécialement bien l’anglais. Ca aurait été trop beau, avouez-le. Bref un certain évènement que je garderai secret – oui sinon c’est pas drôle – ruina complètement ma carrière et me conduisit tout droit à la case prison. 24 ans et déjà en taule, ah quelle chance.

Je peux vous assurer que ce ne fut pas la meilleure année de ma vie. Condamné à un an de prison ferme je découvris pour la première fois la triste réalité de cet endroit. Bien entendu la drogue et l’alcool étaient monnaie courante là-bas et bien vite ça devint un véritable réconfort. Mais ne parlons pas des choses qui fâchent. Un an plus tard je quittai ces lieux et repris ma vie là où elle en était ou presque. Rester flic après la prison ? Nop, pas possible. Tout dégénéra donc assez vite… La drogue avait toujours une certaine emprise sur moi et bien vite je côtoyai tous les petits trafiquants de New-York jusqu’à en devenir un moi-même. Premier plongeon dans l’illégalité bientôt suivi par d’autres. Ah faut reconnaître que je savais parler couramment anglais après ça. Et ensuite ? Et ensuite…

New-York ; 19 Avril 2010.

Brooklyn. Mmh. Voilà un drôle de client. Je ne savais même pas s’il s’agissait d’une femme ou d’un homme. Son âge ? Inconnu aussi. Tss voilà quelqu’un de secret. Bref j’étais là et j’attendais. Je m’étais habillé de façon à passer inaperçu, restant neutre. Un costume noir avec une cravate pas trop serrée rouge sombre. Je ne savais peut-être rien de lui/elle mais nous avions étbli un code, un code très simple. Une phrase dans une chanson française. Impossible de se tromper comme ça. Qui chanterait du Michel Fugain à Brooklyn précisément aujourd’hui dans cette ruelle ? Personne. Ou plutôt si. Le client. Je m’appuyai contre le mur. J’étais près d’une grande rue tout en étant planqué. Pris d’une soudaine envie de bouger – car je n’étais pas quelqu’un de particulièrement patient – je fis quelques pas dans la grande rue, esquivant un vendeur de journaux assez collant. Des paroles attirèrent subitement mon attention.

Chante oui chante et tu verras que c'est bon de laisser tomber sa raison…

Je tournai brusquement la tête et revins vers la ruelle. Une fille ? Jeune, jolie… Ah la drogue était partout. Brune aux yeux marron. Bah une cliente comme une autre.

Bonjour vous êtes… Mr Austen ?
Exact. Je suppose que tu es ma mystérieuse cliente ?
Pandore Eastwood, enchantée.
De même.

Je me passai la main dans les cheveux, jetant un bref regard en arrière. On ne savait jamais avec les flics… Ils pouvaient prendre n’importe quelle apparence et je n’avais pas particulièrement envie de refaire un séjour en taule.

C’est combien pour la coque ?

S’ensuivit alors une longue discussion, chacun tentant de négocier. Ah elle me plaisait bien celle-là, ça changeait des junkies trop bizarres que je croisais parfois. Et là le pire survint. Enfin le pire… Y a quand même largement pire que ce pire-là mais bon c’était… Embetant. De quoi s’agit-il ? Bah un policier se ramena simplement au mauvais moment. Je tendais une enveloppe à la demoiselle nommée Pandore lorsque l’autre mec vint voir ce que nous fabriquions. Tss… J’étais certain que se donner rendez-vous à Brooklyn n’était pas une bonne idée. M’enfin c’était un peu tard pour y penser là. Pandore me tendit rapidement l’enveloppe contenant l’argent et je la glissai dans une poche intérieure. La jeune femme fit de même avec la drogue et nous regardions venir le flic.

Oh les jeunes vous foutez quoi ?
Rien rien…

Il nous lança un regard de travers et je me passai une fois de plus la main dans les cheveux, l’autre serrée autour du dé que j’avais dans ma poche. Visiblement il comptait nous fouiller. On était vraiment mal, elle comme moi. Et j’avais déjà un casier, inutile d’en rajouter avec des histoires de trafics de drogues.

Rien ? On va voir ça. Dnne-moi ton sac toi.

Aïe. Oui là nous étions vraiment mal. Pandore tira son sac et le dégagea des mains du flic. Après une brêve seconde d’hésitation je l’attrapai par la main, la forçant à me suivre. J’avais une voiture, elle non visiblement. Il valait mieux quitter les lieux en vitesse.

J’ai une voiture, viens avec moi.

Là, elle était garée ici. J’ouvris la portière côté passager et poussai la jeune femme dedans. Le policier avait surement des amis aux alentours et je n’avais pas spécialement envie de les rencontrer. Je contournai en courant la voiture et pris le volant. Vite, vite. La clef. Là. Go. Démarrage. Le monteur vombrit et nous décollâmes, c’est le cas de le dire. Je fonçai à travers les rues. Quitter le centre-ville de New-York ne fut pas si dur et on arrivait chez moi, dans un petit quartier en bordure de la ville. Où je vivais ? Dans un petit appartement. J’ouvris la portière de Pandore et lui fis signe de monter. Au point où nous en étions… Au moins l’immeuble avait-il un ascenseur. Je regardai le numéro 2 de travers avant d’appuyer sur le troisième bouton. Et nous voilà… Chez moi. Deux pièces sans compter la petite cuisine et la salle d’eau. Un petit canapé ancestral et un fauteuil antique, une télé assez récente… J’aimais beaucoup mon appart’ en fait. Je fis signe à Pandore de s’asseoir et ouvris un placard. Quel âge pouvait-elle bien avoir celle-là encore ? Je sortis finalement un rosé qui devait traîner là depuis pas mal de temps et servis deux verres. J’en tendis un à la fille.

Du rosé… Bah si je prends de la drogue, j’peux bien en prendre un verre. Merci. Ah et merci pour tout à l’heure.
De rien. Tu as quel âge au fait ?
20 ans.
Ok. C’est plutôt rare des clientes comme toi. D’habitude c’est plutôt des mecs qui n’ont pas grand-chose à perdre qui fréquentent les types comme moi. D’ailleurs comment t’as eu mon numéro de tel ?
Alors ça… J’ai demandé à Taylor.

Ah Taylor. Voilà qui expliquait tout. Qui est Taylor ? Euh bah c’est assez compliqué. Mais pour faire simple c’est un autre trafiquant de drogue new-yorkais. Bref voilà comment se passa ma rencontre avec Pandore. Une bonne chose pour moi si vous voulez mon avis. Oh on se revit très souvent par la suite et aujourd’hui, en 2012, elle me demande souvent de l’aide. C’est surement la seule personne que je suis content d’aider et j’accepte sans hésitation de l’accueillir chez moi. Bien entendu elle est restée une excellente cliente. En deux ans il se passa bien d’autres choses mais ça serait trop long à raconter.

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