→ Arrête tes conneries Jack. Un faible sourire se dessine sur mes lèvres, pas le même que tout à l'heure, moins euphorique, bien plus satisfait et provocant. Le mot connerie résonne dans ma tête, le masque se régénère. Souriez, le connard est de retour. Il ne sert à rien de chasser le naturel, celui-ci finit toujours par revenir, plus ou moins vite. Faut vraiment que tu penses à te faire soigner. Tu crois ? Tu t'en rends compte que maintenant ? Je le laisse raconter ses conneries sans même lui couper la parole. Il ne fait que me rappeler à quel point je peux être dingue. Vazy enfonce moi un peu plus dans ma folie. Ta place est dans un hôpital psychiatrique et tu terminera ta misérable vie. Magnifique vision. Reflet de la réalité exprimée à la perfection. J'ai envie de lui répondre un truc bien dégueulasse mais mon corps me fait souffrir. La seule chose qui s'échappe de mes lèvres est un grognement de mécontentement. Mon esprit se concentre uniquement sur ça. Allez Jéricho, tais toi et apporte moi ma dose. Je le regarde se servir un verre en m'appliquant à ne pas croiser son regard. J'suis pas en état pour supporter ça. J'essaie même pas de briser la distance entre lui et moi. A croire qu'elle me convient. Ça doit faire une minute qu'il ne se passe rien, que le silence et le poids de son regard m'écrasent les tripes. Heureusement, des bruits de pas me sortent de cette situation. C'est un véritable mastodonte qui s'approche de moi. J'crois bien qu'en la voyant entrer dans la pièce j'ai légèrement ouvert la bouche, choqué par sa taille. La dernière fois que je l'avais vu, Maïté n'était qu'un adorable petit cochon qui ne faisait même pas trente kilos. L'espace d'un instant, je laisse tomber le masque, pose ma main sur le crâne de la bête en laissant un sourire presque niais se dessiner sur mes lèvres. Lunatique jusqu'au bout des ongles, j'en oubli Jéricho et le pourquoi de ma venue. Je me concentre uniquement sur cette caresse. Ça fait un bail. C'est certainement en la voyant si … imposante devant moi que je parviens à me rendre compte que ces trois ans n'étaient pas que du vent. Comme quoi, le temps n'a épargné personne.

J'vais te chercher ça. En attendant, j'te laisse profiter des retrouvailles et après tu t'en va. Mon cœur se serre. A nouveau, le manque se fait sentir. C'est en l'entendant s'éloigner que je me force à me concentrer sur le cochon pour oublier la douleur que peut endurer mon corps en ce moment. La seconde d'après, Jéricho me tend un sachet de coke. Mon regard se pose sur cette magnifique poudre. Ma main, pressée, s'agite pour lui arracher la dope. J'ai déjà l'impression d'aller mieux rien qu'à sa vue, c'est fou ce que ça peut être magique. Je peux pas attendre d'être de retour chez moi ou dans des chiottes public pour prendre mon rail. Non, j'suis déjà en train de le dessiner sur la table basse de son salon comme si j'étais chez moi. Mon regard brille, de mille feux, comme il ne l'avait plus fait depuis longtemps. Magnifique petite ligne blanche, pas trop longue, ni trop courte. Parfaite. Délicieuse. Le sourire que j'adresse à ces petits cristaux démontre l'amour que je leur porte. Je me retrouve en un rien de temps obnubilé par cette petite trace de bonheur. Ce médicament qui soulagera mes douleurs physiques et mentales. Surtout mentales. Vue perçante sur cette ligne. Tout semble déjà aller mieux, mon cerveau, fier de lui, attend avec impatience que j'm'envoi cette coke dans le nez. Je veux plus te revoir après ça. Je veux pas l'entendre, je veux pas ne serait-ce que percevoir le son de sa voix et ce qu'elle exprime. Je sais très bien que ce qu'il va me dire va me faire souffrir, par réflexe mon esprit se concentre sur ce paradis artificiel qui n'attend que moi. Une simple inspiration et je suis un homme heureux. Une seule. C'est la dernière fois. Je me recule d'un pas sans même avoir eu le temps de toucher à ma dose. La force de ses mots me frappe de plein fouet. Je peux plus Jack. Comment ça tu peux plus ? Un rire dément traverse la barrière de mes lèvres. Tais toi Jéricho, tu fais que faire revenir le connard. Je suis à bout. On a foiré. Faut qu'on l'assume. Assumer qu'on est deux gros tarés ? Des ratés aussi. Des putains de dépressifs incapable de se complaire dans un bonheur banal. Un frisson traverse mon corps, me fait planer un faible instant pour me laisser retomber la seconde d'après. Tu peux pas te ramener comme une fleur à chaque fois que t'as besoin d'une dose ou d'un coup. J'suis pas là pour ça. La colère gronde, mes poings se serrent. Il est important qu'il se la ferme mais ne le fait pas. Va te faire foutre. Je laisse tomber. Sa voix se confond à l'atmosphère lourde, crache une mélancolie palpable, écho du désespoir. La tristesse qu'irradie son corps parvient jusqu'à moi. Je le connais assez pour savoir que cette histoire le touche autant que moi. Et ses yeux rougis ne me donnent pas envie de le prendre dans mes bras pour le réconforter même si je pourrais le faire. Non, à la place de ça, le manque s'intensifie, plus violent et douloureux. Mes entrailles se tordent. Just... Go ! Ça va pas le faire. Je vais démolir ce qui est déjà détruit. Comme écraser des morceaux de verre déjà au sol. Juste pour accentuer et montrer à quel point la situation peut déjà être critique.

Au fond je l'emmerde lui et sa pseudo maturité. Lui et sa putain de perfection. Ce qu'il peut incarner me dégoûte. De quel droit se permet-il de me rejeter ? Fiévreux et possédé par la colère, je m'approche de lui sans pour autant le toucher ou même l'effleurer. Seul mon regard pénètre en lui. « Tu te fous de ma gueule ? » Ma voix est basse pourtant je suis certain qu'un rien suffirait à le faire monter en puissance. Sans ma coke j'suis encore plus sensible. Le manque à tendance à me rendre plus con que la moyenne, aussi. C'est pas dans ces moments là qu'il faut me contrarier et c'est ce que venait de faire JJ. J'allais pas le laisser s'en sortir comme ça. Mes pensées finissent même par traverser la barrière de mon esprit. « Tu t'attendais à quoi franchement ? C'est pas parce que t'étais plus dans ma vie que j'allais arrêter de vivre. Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais chialer et me suicider parce que le Ô grand Jéricho ne faisait plus parti de ma vie ? J'me suis pas barré pour rien. J'avais plus envie de te voir, de continuer quoi que ce soit avec toi. » Merde, merde, pourquoi je joue au connard ? Pourquoi j'me jette pas à ses pieds pour le supplier de me reprendre ? C'est bien ce que je veux, non ? Mais faut toujours que j'fasse dans l'excès. Histoire d'être en parfaite contradiction avec mon cœur. « Ce que tu peux penser de moi ne me fait plus rien. J'ai brisé notre histoire ? Et alors ? J't'ai perdu ? Si tu savais comme j'en ai rien à foutre à l'heure qu'il est. C'est pas comme si t'étais le premier. Attends, attends ... » Un rire se mélange à mes paroles. Narquois. « Regarde toi un peu. » Mes bras se tendent vers l'avant pour le désigner et mettre l'accent sur mes paroles. « C'est pas moi qui suis venu l'autre soir dans ton lit pour te baiser. C'est pas moi qui suis au bord de la crise de larmes. C'est pas moi qui ai le coeur brisé. C'est pas moi qui me descends un verre de whisky à une heure aussi tardive de la nuit. » Je décompose chaque mot, ma voix reste calme, basse, posée. Je le regarde même de haut pour lui faire comprendre que j'me laisserai pas faire. J'ai envie de me croire supérieure. Jack Stride, maître d'un monde à la dérive. Tout s'écroule, tout s'écroule. T'as plus que ta connerie pour seule arme. « Arrête de vivre dans ton monde. Notre histoire, ça fait un moment qu'elle est superficielle. Et oui, t'as raison. Si je suis ici c'est uniquement pour ça. » Je pointe du doigt la ligne en souriant. « Parce que elle, elle est capable de me donner ce dont toi t'as jamais été capable. Du bonheur. Alors maintenant, tu fermes ta gueule. Tu fermes ta gueule et t'admires ce que ta connerie a fait naître. » Je me recule de quelques pas sans même prendre la peine de le regarder à nouveau. J'en ai plus rien à foutre, y a que mon petit bonheur d'égoïste qui compte pour le moment. Une fois près de la table, je m'exécute et sniffe enfin ce petit bonheur dont j'ai tant besoin. Début d'une longue chute.

→ Code validé par la folle aux cinq comptes