Ses relations avec les autres avaient toujours été difficiles pour la jeune femme. Enfant choyée et aimée, elle avait été protégé par une bulle pendant de nombreuses années. Encore maintenant, son frère se dévouait pour veiller sur elle, bien que cette année, elle avait fêté ses vingt-six printemps. Malgré tout, Lucy avait toujours apprécié cela. Elle aimait sa famille, être entourée des siens la rassurer et la rendait heureuse à la fois. Mais à l'âge adulte, elle s'était rendue compte que ce cocon avait à présent des effets néfastes sur sa vie sociale et sa vie de femme. Elle était d'un naturel timide et elle faisait de gros efforts pour aller vers les autres. Vivre en communauté, cela l'avait effrayé pendant un certain moment. Elle pensait même qu'elle n'était pas faite pour ce genre de chose. Pour preuve, les seules histoires sérieuses qu'elle avait eu dans sa vie, s'étaient terminées en catastrophe. En même temps, elle n'y avait pas mis beaucoup d'implication. Peut-être parce qu'elle avait déjà tout ce qu'elle souhaitait et qu'elle n'avait pas pris la peine de faire à nouveau confiance en quelqu'un. C'était peut-être aussi une façon pour elle, d'éviter de souffrir comme elle avait pu souffrir au lycée. La jeune femme en gardait d'ailleurs de très mauvais souvenirs. Toutefois, on pouvait dire qu'elle avait quand même pas mal changé ces derniers mois, depuis que Michael l'avait quitté. Elle s'était beaucoup remise en cause. Elle se demandait si elle était le genre de femme qui pourrait rendre un homme heureux ou si au contraire, elle n'était pas faite pour la vie à deux. Elle se posait souvent cette question. Puis, elle se disait que la vie était trop courte et qu'elle devait en profiter au maximum. Après tout, une vie ne se résumait pas à l'amour. En dehors de tout ça, elle pouvait faire de très belles rencontres. Et elle en avait fait grâce à son club. C'était une seconde famille pour la jeune femme et elle voulait que les autres, se sentent ici comme chez eux. Lucy pensait, sans la moindre prétention, qu'elle avait plutôt bien réussi. C'était peut-être pour cela que ces dernières semaines, elle y passait pas mal de temps. Elle venait souvent ici et s'occupait un peu de tout, et surtout l'esprit. Ainsi, elle ne broyait pas du noir. Peut-être que sa vie aurait été différente si elle n'avait pas fait les choix qu'elle avait fait. Peut-être que si elle avait dit oui pour cet enfant, Michael serait encore avec elle. Mais maintenant, avec assez de recul, elle se rendait compte que cet homme n'avait surement pas été le bon. Et qu'en fin de compte, elle n'avait aucun regret à avoir. Malgré tout, elle ne pouvait pas le chasser de son cœur, ce qui était un peu normal. Ils avaient vécu quelques années ensembles. Mais à présent, elle préférait garder les bons souvenirs à l'esprit plutôt que de ressasser toutes les mauvaises choses et les paroles acerbes.

Un nouvel éclat de rire venait égayer la salle. Lucy avait porté son regard bleuté sur David qui se trouvait à ses côtés. Pour lui aussi, la vie n'avait pas fait de cadeaux. Il avait perdu sa femme et pourtant, il avait su être un père présent pour sa fille malgré tout. Parfois, la jeune femme se demandait pourquoi le destin s'acharnait ainsi sur certaines personnes. Puis, elle se disait que malgré, toutes ses épreuves, on continuait à avancer. Parce que la vie était faite de drames et qu'elle était parfois douloureuse. Mais la vie pouvait aussi nous offrir de très beaux cadeaux. La jeune femme sourit en voyant qu'elle avait réussi à afficher un sourire sur le visage du secouriste. Elle n'aimait pas voir les gens qu'elle appréciait avec le moral au plus bas, et David faisait parti de ces personnes.

« Et oui que veux-tu, j'ai une âme de bon samaritain. Je n'aime pas voir les papis ronchonner. » Elle le fixa une nouvelle fois, sachant très bien qu'il savait qu'elle le taquinait avec ces mots. Puis quand il parla à nouveau de Myra, le regard du paramedic se troubla un instant. Elle l'observa un instant, restant silencieuse avant de dire. « Myra sait que tu es un papa poule et je suis certaine qu'elle va te téléphoner et te raconter toute sa journée et dans les détails. » J'avais fais la même chose avec ma mère. J'étais restée au téléphone deux ou trois heures avant de raccrocher, faute de batterie. « Et puis, te retrouver dans un bar, à écouter de la bonne musique, ce n'est pas si déprimant si? »

Lucy espérait en tout cas, qu'il n'allait pas passer sa soirée à broyer du noir en pensant à sa fille. Parce que la vie universitaire de cette dernière était à son tout début, et ce genre de sentiment et d'état d'esprit, allait l'accaparer de nouvelles fois.

« Là où tu pourrais te plaindre, c'est si je décidais de monter sur scène et de pousser la chansonnette. Non seulement, tu aurais une bonne raison de déprimer mais aussi une raison de faire les premiers gestes de secours pour toutes les personnes encore présentes. » Lucy ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle était une véritable calamité quand elle montait sur scène, voilà pourquoi elle ne l'avait plus fait depuis ses douze ans. A cet âge là, quand on devenait une jeune fille, on avait envie de tout, sauf de se ridiculiser devant une grande partie de la ville.

Mais David avait une très belle voix et il jouait à merveille de sa guitare, alors voilà pourquoi la jeune femme lui avait proposé de monter chaque semaine sur la scène de son club. Avec lui, les clients passaient un bon moment. Et d'ailleurs malgré ses dires, les clients l'appréciaient. Puis à la réponse de David, Lucy fit légèrement la moue. Ce qu'il pouvait être têtu quand il le voulait. Mais elle avait des atouts à son actif, qu'il ne pouvait nier. Et elle comptait bien en profiter et d'ailleurs, l'homme face à elle finit par accepter sa requête. Elle sourit alors davantage, buvant une nouvelle gorgée de sa bière.

« Génial! J'ai une guitare qui n'attends que toi dans mon bureau. Elle est parfaitement accordée en plus. » C'est qu'elle prenait soin de ses instruments de musique. Lucy aimait la musique et elle jouait de plusieurs instruments depuis qu'elle était gosse. Elle aimait passer du temps devant un piano mais aussi une guitare contre elle. C'était probablement le seul domaine artistique dans lequel, elle excellait. Et encore, elle n'était pas une virtuose mais elle aimait ce qu'elle faisait et c'était tout ce qui comptait. Lucy reporta son regard sur David, contente qu'il accepte de monter sur scène. Cela allait lui changer les idées. Mais, elle finit par ajouter, juste pour être certaine de le voir à nouveau avec la pèche. « Mais j'aimerai une musique entrainante. J'ai une folle envie de danser. » Et puis ainsi, elle était certaine qu'il n'allait pas interpréter une balade à fendre l'âme. Puis aux nouvelles paroles du sauveteur, elle répondit, très fière d'elle. « C'est ma persuasion. Et c'est bien la seule qualité dont je peux être fière. » Elle se donnait des tas de défauts et elle mettait des heures à trouver des qualités. La seule chose qu'elle aimait chez elle, c'était son sourire et sa bonne humeur, qui était contagieuse. Elle était un soleil à elle toute seule. Et c'était peut-être pour cette raison, qu'elle avait réussi à conquérir une bonne clientèle, fidèle et prête à se déplacer plusieurs fois par semaine pour découvrir les nouveaux artistes qu'elle lisait au planning du club. Lucy reposa ensuite sa bière sur le comptoir puis elle se leva de son tabouret. « Je vais chercher la guitare, tu peux déjà monter sur scène. »

Le groupe venait en effet de terminer sa représentation. Lucy allait les féliciter chaleureusement alors que le club était troublé par les applaudissements. Elle se dirigea vers son bureau, de bonne humeur. Dans la pièce, elle prit en main sa guitare qui était posé sur un pied en métal. Elle allait quitter le bureau quand son téléphone se mit à sonner. Elle hésita un instant avant de prendre l'appel. Elle soupira avant de poser la guitare sur le fauteuil devant son bureau et de se saisir du combiné.

« Le A-Live, j'écoute. » Elle fronça les sourcils en entendant une voix familière. « Bonsoir Jud... » C'était Judith, la soeur de Michael avec qui elle était restée en contact malgré la rupture de ses fiançailles. « Lucy... c'est à propos de Michael... » Lucy soupira intérieurement. Elle ne voulait surtout pas entendre quoique ce soit venant de son ex fiancé. Qu'il aille au diable. Elle tentait de reprendre sa vie en mains, ce n'était pas pour tout ficher en l'air. La voix de la jeune femme au bout du fil, se changea brusquement. Elle était à présent, pleine de sanglots. « Judith? » Et à l'autre bout du fil, des mots la transpercèrent. « Michael est mort. » Le visage de Lucy se figea. Elle sentit soudain le sol se dérober sur ses pieds et elle du se tenir au bureau pour ne pas s'écrouler. Lucy finit par s'asseoir sur sa chaise de bureau. Elle resta tétanisée quelques minutes après que Judith ai raccroché à l'autre bout du fil. Puis elle éclata en sanglots.