→ Des secondes ou des minutes, un souffle. Peut-être deux ou encore trois. Encore des secondes, des minutes et enfin, la fumée se dissipe au bord de la fenêtre tel une couche de buée opaque qui ne demande qu’à s’enfuir, vers le haut ou vers le bas, peu importe. Dans les airs, c’est l’essentiel, et toi t’es là, tu tapotes doucement ta cigarette, pourtant tu as bien un cendrier, tu veux juste emmerder la voisine du dessous, pour qu’elle vienne hurler à ta porte. « Espèce de délinquant, tu as détruit mes fleurs ! Les pauvres ! Elles étaient là, tranquillement sur la pente de ma fenêtre ! Je vais porter plainte ! Espèce de drogué ! » Sans pourtant que tu te donnes la peine de la lui ouvrir. Ta voisine du dessous, c’est tout un poème, elle t’envoie de la nourriture souvent, elle essais de rester avec toi, mais t’as beaucoup trop peur que ses rides décolorent sur toi, du coup tu te débrouilles pour la faire sortir, frustrée, tous les moyens sont bons pour qu’elle te traite de tous les mots moches qu’elle connaît. Mais pourtant tu l’aimes bien cette folle, elle est tellement vieille, seule. A un point où il n’y a que toi, le petit nouveau qu’elle a trouvé pour vivre ses derniers jours.

Ta cigarette est presque terminée et tu te demandes ce que tu fous là, t’es nouveau ici, tu as toute la ville à découvrir et toi t’es là à fumer une cigarette devant ta fenêtre. Des choses à faire, t’en as pas qu’un peu. Si tu te retournes, tout ce que tu verras, ce sont des cartons, tes cartons. Tu as beaucoup trop la flemme pour te décider à les ranger, t’appelleras sûrement ta sœur pour t’aider même si c’est elle qui finira par faire tout le boulot. Elle te l’as promis de t’aider, en fait non, elle t’a promis de faire entièrement la décoration de ton appartement et il faut l’avouer, tu t’en inquiètes. C’est ton père qui a payé l’appartement et bizarrement, avec bon cœur. Une petite maisonnette, assez complète, avec deux chambres, un salon et une cuisine, bref simple. Mais pour le moment, envahie de cartons. Bon, à tes yeux, les cartons ne sont pas là, tu les pousse simplement avec tes pieds jusqu’à te frayer un chemin qui te mènera directement vers ta porte. Tu vas sortir, pour aller où ? Tu n’y connais rien à cette ville, tu vas sûrement te perdre et agacer les gens dans la rue, mais ce n’est pas grave, tant que ça permet à ta vie de ne pas se limiter à des cigarettes.

L’air, le vent… Ton quartier est réputé pour sa bibliothèque, certes tu n’y as jamais mis les pieds mais tu t’es renseigné, et il paraît que grand nombre d’intellos vivent dans ce coin rien qu’à cause de la biblio. C’est un peu bizarre, parce qu’en venant ici, on t’a dit que c’était le quartier des fêtards, en fait, la vieille mémé en bas de chez toi n’avait rien à foutre là-bas à passer la majorité de son temps à chialer et à papoter avec ses très chères fleurs. Les fêtards, tu les avais vite remarqués, surtout la grosse baraque qui à l’air peinte avec de l’or fondu, il devait sûrement y vivre des enfants à papas, trop dépendants et noyés dans le fric, mais bon, les apparences peuvent être trompeuses. Ça ne fait pourtant que deux jours que tu as mis les pieds dans « l’élite du monde » et tu ne peux déjà pas t’empêcher de juger tout ce que tu vois, si tu apprécies, ou non, même si ton avis, tu te débrouilles pour le garder pour toi. L’erreur serait de le partager, parce que tu te ferrais sûrement coincer dans un coin par un groupe de gros bras.

Tu marches, tu penses à la cigarette, à ton cœur, à la maladie. Tu commences à réfléchir à te demander pourquoi tu fais ça ? Tu te tues, et tu le vois bien. Tu te maltraites, te séquestres et au fond tu t’en veux. T’es devenues comme ça à force de te renfermer, et voilà que tu ne peux plus en sortir. La cigarette, tu sais que c’est mal pour ta cardiopathie, mais tu continues, tu ne peux plus t’arrêter, t’es déjà lancé. Tu es l’architecte de ta destruction, le pire dans tout ça, c’est que tu t’en rends compte, mais que tu ne fais rien contre, peut-être que tu crois que ça n’en vaut plus la peine d’essayer de redevenir purement sain ? Simplement.

BAM. C’quoi ce truc que tu viens de percuter ? Une drôle de forme charnelle, t’ouvres les yeux et tu observes. Une jeune brune, plutôt pas mal… Pas mal du tout.

MERDE.

Tu regardes par terre et tu vois le liquide marron, blanc s’écouler par terre. Tu le suis du regard jusqu’à poser tes yeux sur la source, un verre Starbuck’s Coffee. Ok, tu réfléchis tellement que tu viens de cogner une brune sexy, et renverser son café.

Désolé… C’est loin le Strabuck’s ? Je ne sais pas où c’est, je viens de débarquer ici, et d’ailleurs on est où là ?

Tu essais de te calmer et de te résoudre à « une information à la fois, une question à la fois. » mais c’est beaucoup plus fort que toi, tu parles beaucoup trop, tu ne sais pas d’où ça te vient, donc, tu ne peux pas le stopper.

Hamza… Hamza Kay… Hamza.

Tu te décides à sortir ta main de ta poche pour la lui tendre, mais une de tes cigarettes tombent par terre et féconde avec le café. VOILA. C’était la dernière. C’est bien le seigneur qui existe et qui vient te sauver d’une crise cardiaque par le biais de l’ange brun devant toi.

AH PUTAIN DE BORDEL DE MERDE. MA… RAAAH. MERDE. Calme-toi. Je suis désolé pour le café, je te rembourse. A moins que…

Ton cerveau est ébullition là, tu veux poser tellement de questions à la fois et tu commences à devenir surexcité.

T’es ici depuis longtemps ? Viens, viens… Tu la tires vers... Bon, je recommence la phrase. Tu la tires loin de la flaque de café. Dis, tu pourrais me faire visiter la ville ? Parce que je me perds. Tu ne peux pas me dire non, t’as détruit ma dernière cigarette. Fin’, en quelques sortes… Même si je n’y suis pas pour rien… Tu veux bien ?

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