He's your man !

La vie à New York avait bien des atouts. La ville en elle-même était un sacré univers. Morgan pouvait en attester. Elle offrait de grandes possibilités et incarnait réellement le rêve américain, le vrai, celui qui consiste à partir de rien et à tout gagner. Après son divorce et la vente du haras, Northman ne disposait que de ses yeux pour pleurer, même s'il avait quand même un petit pactole, grâce à la vente immobilière. Ce n'était pas suffisant pour acheter quelque chose dans la Grosse Pomme. Très prisée pour son vivier et ses événements quotidiens, les loyers étaient élevées et le prix du mètre carré suivait de façon assez peu abordable. A 32 ans, il fut contraint de retourner au domicile familial, de revenir chez papa, maman pour se refaire une situation. En misant tout sur la vente et le dressage d'étalons pure race, il avait pris le risque de tout perdre du jour au lendemain. Il n'avait jamais pensé à cela mais la réalité lui revint douloureusement au visage. Il en gardait un goût un peu amer, d'autant qu'il avait tout fait pour que ça soit rentable et qu'il avait perdu un bon filon à cause de ses problèmes personnels. Loin d'être attiré par l'argent qui coule à flots, il avait prévu d'autres projets, pour son couple notamment. Maintenant qu'il ne restait plus que ruines à ses fondations, il devait tout rebâtir lui-même. Évidemment, dans la famille, tout le monde aide et participe à cet effort de solidarité. Ses parents, sa sœur et son frère, contribuèrent à ce qu'il puisse vivre mieux et bien repartir. Dans les moments de passage à vide, leur aide avait été précieuse, tant matérielle que morale. S'il ne le montrait qu'à très peu de gens, il était très affecté par sa rupture, par les soupçons que sa femme lui lançait sur sa sincérité. Difficile d'oublier et de renoncer à une histoire de plus de 10 ans, comme ça, en claquant des doigts.

En ce domaine, Roméo, son petit frère, avait été d'un grand secours. Entre eux, c'était un amour fraternel qui ne pouvait se ternir ou disparaître. Ils se disaient tout, des points positifs aux points négatifs. Ils pouvaient aborder n'importe quel sujet, même celui, un peu gênant de la sexualité. Quand il avait annoncé à l'aîné qu'il était homosexuel, celui-ci ne l'avait pas jugé. Certes la nouvelle une fois annoncée en face avait de quoi dérouter un peu, par peur de l’inconnu, par appréhension de ne pas bien comprendre ce que le plus jeune attendait. Mais pourtant, Morgan, d'un naturel très tolérant et très ouvert, avait marqué d'emblée son soutien. Ce qui lui importait, c'était que son frangin soit le plus heureux des hommes, qu'il se trouve quelqu'un à chérir et qui le chérirait en retour. Et surtout, qu'il réussisse. Il était comme ça avec tout le monde, même sa sœur, Thaïa, qu'il contactait régulièrement pour prendre des nouvelles et avec laquelle il aimait discuter de tout mais surtout de rien ! Même avec son père, qui rencontrait quelques problèmes de santé, il avait tendance à être surprotecteur. Roméo avait joué au cours des derniers mois un rôle majeur, il l'avait aidé à se reprendre, à se relancer dans un projet professionnel. C'était grâce à lui qu'il avait son entrée à Broadway comme dresseur de chevaux. Rien qu'à l'idée qu'il allait se produire devant un parterre de new-yorkais, il sentait comme une boule grandir dans son ventre. Ce n'était plus le cirque, ce n'était pas non plus le tournage d'un film. Il ferait les choses en direct... et donc aucune erreur n'était acceptable. En général, ses numéros étaient toujours parfaits. Il y veillait par son attitude rigoureuse et travailleuse. D'ailleurs son jeune frère devait s'en rappeler, de ces soirs où il lui faisait recommencer une figure plus de trois cents fois pour que ça rentre que ça soit inné.

Le labeur ne lui faisait pas peur, il était même toujours volontaire pour tout, qu'il s'agisse de son métier ou même des tâches ménagères. Son ex pouvait en témoigner. Il aidait souvent... à ranger le désordre qu'il avait semé... certes, parce qu'elle criait parfois. Il laissait souvent traîner ses affaires et ses papiers n'importe où, c'était un de ses défauts. Mais la fainéantise, il ne connaissait pas. Dans le milieu professionnel, d'ailleurs, on appréciait sa persévérance et son enthousiasme, communicatif. Cet enthousiasme débordant avait d'ailleurs de quoi agacer légèrement, comme Roméo n'allait pas tarder à le voir. Le problème de Morgan, c'est qu'il ne pouvait pas rester en place, il lui fallait tout le temps une occupation pour se sentir utile. En ce dimanche matin, personne, à part lui, ne se serait levé à sept heures pour faire son jogging ! Après une heure et demie de course à pied à travers les parcs de New York, il rentra chez lui pour prendre une bonne douche. Quand il eut enfilé son t-shirt, son jean troué aux genoux et ses baskets blanches, il mit sa veste en cuir, ainsi que ses gants et sortit sa moto, une magnifique senna noire. Une fois son casque solidement attaché, il démarra le moteur dans un vrombissement qu'il adorait. Et puis il s'élança dans la rue. Certes, la vitesse n'était pas vraiment respectée, et d'ailleurs, il avait failli prendre une amende quelques jours plus tôt. Morgan avait cette fâcheuse tendance à aimer les sensations fortes et à avoir besoin d'adrénaline pour se stimuler psychologiquement. Ainsi, griller deux trois feux au passage, ça ne le gênait pas le moins du monde. Il évitait de le faire sur les axes principaux, ceux qui étaient toujours saturés par la circulation. En à peine vingt minutes, il traversa New York pour arriver dans l'Upper East Side, et il en avait profitait au passage pour acheter le petit-déjeuner au Starbucks Coffee.

Il gara son bolide sur une place parking, mit l'antivol et s’approcha de la porte, sachets en main. Ici, on était au 2515 Lexington Avenue. Le bâtiment à la façade impeccable s'élevait sur quatre étages. La petite pancarte était d'ailleurs dorée, signe que le luxe était de mise en ce lieu. Forcément quand Morgan s'approcha de la porte d'entrée et qu'il tomba nez à nez avec un type en costard, ce dernier le toisa avec étonnement. Son look et surtout son pantalon étaient complètement décalés. En guise de réponse, à cette façon assez impolie de le remarquer, le jeune homme fit un grand sourire un peu bête et lâcha un : "Bonjour ! Faîtes pas attention ! C'est le livreur !!!". Il attendit que l'autre parte avant de fouiller dans sa poche et d'en sortir les clés. Oui... Morgan avait gardé les clés de l'appartement et de l'immeuble. A vrai dire, Roméo ne les lui avait jamais réclamé et de toute façon, il pouvait lui faire confiance pour ne pas arriver au moment inopportun. Sauf ce matin, évidemment, puisqu'il comptait bien lui faire une surprise. Il monta par les escaliers. L'effort ne lui faisait pas peur, il était d'ailleurs en excellente condition physique. Il arriva bientôt devant la porte 404, l'appartement qu'il avait partagé durant quelques mois avec Roméo et son petit ami, William. Morgan, ouvrit la porte grâce à sa clé et referma ensuite derrière lui. Tout semblait silencieux. Étant donné qu'il n'avait pas spécialement envie de surprendre son frangin en train de faire des galipettes avec son copain, il dit à voix haute :

- Hello ! Devinez qui est là ? Vous êtes... comment ils disent déjà... ah oui voilà, présentables ???

Un sourire sur le visage il attendit une réponse qui ne vint pas. Il posa le petit déjeuner sur la table du salon et tendit l'oreille. Toujours aucun signe de vie... il était en train de se dire que personne n'était dans l'appartement, lorsqu'il entendit un léger ronflement. Il se dirigea vers la chambre de Roméo et ouvrit la porte. La lumière du couloir éclairait le lit, dans lequel son petit frère dormait à poings fermés, et visiblement seuls. Forcément la tentation était trop grande pour qu'il ne fasse pas une petite blague. Il se dirigea vers les rideaux et les tira d'un coup. La lumière envahit la pièce, d'autant que le soleil tapait totalement dessus. D'une voix énergique et volontairement paniquée, il claqua des mains et dit :

- Roméo !!! Qu'est-ce que tu fous encore là ? Hey, bro', réveille-toi !!! T'es en retard !!! T'as vu l'heure ! Il est presque dix heures du mat' !!! Vite !!!

Pour joindre le geste à la parole, il le secoua non sans afficher son amusement. Il avait hâte de le voir partir au quart de tour ! Du moins, Si Roméo était suffisamment fatigué pour ne pas se souvenir que l'on était dimanche !

FICHE ET CODES PAR RIVENDELL

He's your man !

En agissant comme il l'avait fait, Morgan espérait bien susciter la surprise voire la peur chez son frangin. Non pas qu'il soit sadique, mais il adorait le taquiner et le cadet lui lui rendait fort bien, dès qu'il le pouvait. Et puis entre eux, la complicité était de mise. A chaque fois qu'ils faisaient une activité ensemble, ils formaient un excellent duo. Roméo avait d'ailleurs l'esprit un peu plus pratique que son aîné qui la plupart du temps ne s'entichait pas vraiment des détails et préférait aller droit au but. Ils avaient pourtant dix années d'écart. Cette différence d'âge amenait souvent les gens à se poser des questions sur leur relation. Le plus jeune n'avait rien à craindre, niveau jugement, mais Morgan lui, passait pour quelqu'un d'immature alors qu'il ne l'était pas du tout. Comme si le simple fait d'être joueur et blagueur n'était pas normal chez un trentenaire ! Il avait été marié ! Il travaillait ! Certes, aujourd'hui, il vivait en célibataire, sans enfant, avec encore dans sa chambre, quelques posters de star wars ou encore de sa chanteuse préférée : Beyoncé. Il avait même sur sa table de nuit une lampe à bulle, devant laquelle il lui arrivait fréquemment de tomber en extase, fasciné qu'il était par toutes ses bulles colorées, qui montaient, descendaient, remontaient... à l'infini. Il ne voulait pas retourner en enfance, parce que le passé ne pourrait jamais être rattrapé. Mais il vivait sa vie avec beaucoup d'humour, de curiosité. Les choses étaient décidément trop belles pour passer son temps à faire la gueule ! Pour le coup, quand il constata que sa tentative avait échoué, il fut très déçu. Certes, il s'agissait d'une blague réchauffée... Il l'avait déjà réveillé en sursaut, un bon matin, alors qu'ils étaient en coloc'. Le spectacle l'avait plié de rire pendant toute la matinée, parce que voir Roméo enfiler son pantalon à l'envers et chercher partout la porte de la chambre avec un air complètement paniqué, ça valait son pesant d'or !!!

Quoiqu'il en soit, Roméo ne perdit pas son temps en reproches ou en marmonnements, comme d'habitude. Il bondit sur Morgan pour l'enlacer. L'aîné, habitué à ce qu'il se jette sur lui depuis qu'il était tout petit, ne cilla pas et le serra contre lui à son tour. Plus massif et plus carré que lui, son petit frère le dépassait de quelques centimètres, notamment grâce au fait qu'il se soit affiné pour l'acrobatie. Ils se firent une bise et Morgan retrouva le sourire dès que son frangin lui parla de nourriture. S'il y avait bien un sujet sur lequel ni l'un ni l'autre ne transigeait, c'était celui-là ! Avec eux, tous les repas prenaient l'allure de rituels sacrés, de banquet incontournable ! Et que dire de leur appétit ! Au pied du lit, il avaient toujours une faim de loup. Cela rappela d'ailleurs à Morgan, les petits déjeuners en famille, quand ils étaient tous réunis dans leur roulotte. Il y avait une compétition entre les trois hommes de la famille, leur père et eux, pour avoir le dernier pancake ! Thaïa, comme leur mère ne mangeait que très peu, elle regardait donc le combat d'un air amusé et quand il y avait égalité ou que les garçons étaient trop longs à son goût pour se décider, elle prenait le pancake pour elle toute seule. En repensant à la tête qu'ils faisaient tous les deux devant un tel sacrilège, les yeux de Morgan étincelèrent et il manqua pouffer de rire. Si seulement cela leur avait servi de leçon ! Loin de là ! Le lendemain, ils recommençaient, leur père faisait exprès de mettre le feu au poudre et observant le spectacle en se bidonant. Un sacré filou le père Northman ! Il connaissait ses enfants par coeur, même si Morgan avait mis un peu de distance avec lui, n'ayant toujours par digéré sa punition injuste. Roméo lui fit un autre bisou affectueux et précisa que William était parti avec Roxanne, sa fille.

- Je t'ai bien supporté depuis ta naissance, ça ne pourra pas être pire !

Il se mit à rire, alors que son frère s'habillait. Il ajouta :

- Dommage pour Will alors... j'avais prévu une part pour lui mais tant pis ! Les absents ont toujours tort ! En tout cas, ils ont l'air d'aller bien, lui et sa fille, c'est tant mieux. C'est un brave type finalement.

Morgan n'avait jamais caché son côté surprotecteur. Et celui-ci avait failli devenir un problème lorsque Roméo lui avait présenté son petit ami. L'aîné l'avait abordé avec méfiance, il l'avait testé à de nombreuses reprises, et à un moment, il lui mit tellement la pression que leur relation était particulièrement tendue. Et puis, au fil des jours et des semaines, la confiance s'était installée. Ce ne fut pas évident, mais au moins, on ne pourrait pas lui reprocher d'être soucieux pour sa famille. Morgan n'aurait pas supporté de voir son petit frère malheureux ! D'ailleurs, il l'avait dit clairement à William. Si jamais il venait à lui faire mal, moralement ou physiquement d'ailleurs, il lui démolissait le portrait. Recevoir des menaces n'avait rien de plaisant mais O'Connel avait compris que c'était la façon du jeune homme de protéger un être cher. Quand ils se voyaient, ils discutaient de tout et Morgan arrivait même quelquefois à l'entraîner dans ses délires et dans ses farces. Le courant était passé, William faisait partie intégrante de la famille Northman, c'était sûr. Il ne savait pas que lui et son Roméo étaient fiancés, il ne remarqua par la bague à son doigt. Son attention se focalisa sur la chemise que le plus jeune avait enfilé et qu'il ne ferma pas. Clairement, ça n'était pas ajusté à sa taille et il trouva ça très drôle :

- Pas mal ton peignoir !

Il l'attrapa par le cou, en passant son bras sur ses épaules et avec son poing, il frotta rapidement ses cheveux mi-longs. Il savait que Roméo n'aimait pas ça ! Il le conduisit ainsi hors de la chambre et le relâcha pour se diriger vers le frigo. Il savait qu'il était comme chez lui ici. Pourtant, jamais il ne se serait permis de s'immiscer dans la vie privée du couple et de faire son voyeur. Les limites étaient très claires, il ne les franchirait jamais. S'avisant qu'ils avaient le temps de voir la matinée passer, Morgan sortit le bacon, les oeufs et une poelle. Il alluma la plaque, mis un peu d'huile au fond de la poelle et se frotta les mains. Il prit les sacs du Starbucks et en sortit le contenu, avec un grand sourire :

- Au menu de ce matin ! Café viennois ! J'ai aussi pris un chocolat viennois. Pancakes, muffins, cheesecakes et... ah aha... les doonuts ! Il va de soi que le bacon et les oeufs arrivent ! Brouillés, comme tu les aimes !

Il rouvrit le frigo et en sortit du fromage ainsi que la bombe de chantilly. Fortement amusé, il dit alors à son frère :

- Qu'avons-nous là !!! Tiens, tiens ! Mais je vois qu'on a de l'imagination !!! J'ai un autre usage à te proposer, je pourrais m'en servir comme mousse à raser ! Tu crois que ça attirerait les femmes ?

De l'auto-dérision de temps à autres ne faisait pas de mal. En plus, il enviait un peu Roméo sur ce coup. Parce que lui, même s'il n'était pas rasé, ça ne se voyait pas et il ne piquait pas !

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Morgan aimait beaucoup partager des moments comme ceux-là avec son frère. Entre eux aussi il y avait de l'écart et les années auraient pu être un fossé. Ils avaient maintenu un lien fort, que peu de gens comprenaient d'ailleurs. Jamais l'aîné ne l'aurait laissé tomber. Et il ne le jugeait pas sur son homosexualité. Après tout, du moment que le plus jeune était heureux et qu'il vivait une belle vie, que pouvait-il dire ? Certes, il avait grincé des dents quand il fur présenté à William. Pour le coup, vingt années d'écart, il trouvait ça énorme mais en même temps quand il y réfléchissait, c'était une bonne chose. Avec un homme plus vieux que lui, Roméo pouvait trouver son équilibre et tomber sur quelqu'un de mûr et de mature, qui ne le tromperait pas au détour d'une soirée, comme c'était malheureusement bien courant dans le milieu gay. Quand bien même, O'Connell en imposé vraiment de par sa stature et son air frileux, il n'en avait pas peur et Morgan parlait toujours avec franchise. Cela plaisait ou non. Bien souvent d'ailleurs, il s'était attiré des ennuis, surtout au travail. Peu de producteurs avec qui il collaborait appréciaient de se faire ouvertement critiquer pour leurs choix. L'exemple le plus marquant et le plus tendu, il le vécut avec un réalisateur de Hollywood qui voulait absolument faire des cascades avec de vieux chevaux. Morgan avait passé des heures à lui expliquer que ça n'était pas possible et qu'il valait mieux prendre des animaux jeunes, beaucoup plus aptes à répondre correctement aux prouesses à laquelle il fallait les soumettre. L'autre ne voulut rien entendre et il décala les heures de tournages pour procéder aux cascades... sauf que le cheval se brisa l'articulation. Fou de rage, Morgan avait failli le crever sur place. Heureusement que les techniciens étaient là pour le tenir à distance. Évidemment, il avait parlé avec son cœur et il s'était fait virer... Mais bon tout ça était loin derrière. Quand Roméo parla de sa tenue, préférée, celle d'Adam, Morgan saisit la perche pour le taquiner énergiquement :

- Tu sais, le petit Tarzan, je l'ai déjà vu à poil, je lui ai même essuyé le derrière quand il portait encore ses couches ! Et comme depuis, je pense pas que grand chose ait changé, j'ai envie de te dire que ce sera pas près de me choquer ! Pas vrai mon Tarzounet !

Il joignit à cette boutade un grand sourire amusé. Bien sûr, il se doutait bien que le Roméo qu'il avait en face de lui n'était plus celui qui marchait à quatre pattes en essayant de grimper sur les meubles. Il avait bien grandi et il en était très fier, en témoigne ce regard pétillant chaque fois qu'il parlait de lui. Pour sûr, son frère cadet, c'était une partie de lui, son "bébé" qu'il avait peut-être trop couvé et qu'il avait du mal à laisser prendre son envol parfois. Pour en revenir à la chantilly, il ajouta, d'un ton sûr et solennel :

- Quelqu'un qui drague sans chantilly, c'est quelqu'un qui ruine ses chances ! Les femmes adorent la chantilly, je peux te l'assurer ! Tu offres de la chantilly à une femme, avec une pointe de chocolat et elle te passe la bague au doigt ! Crois-moi !

Évidemment, il partait dans son délire comme fréquemment. Il secoua la chantilly et s'en mit sur l'index qu'il lécha rapidement en poussant un petit grognement de satisfaction. Il avait faim et tout aiguisait son appétit. Alors qu'il commença à s'occuper du bacon, il vit Roméo lui montrer sa main en agitant les doigts. Au début il haussa un sourcil, pensant que son frangin allait lui sortir une vanne. Il ne comprit vraiment la situation que lorsque Roméo la lui expliqua en exposant les faits. Il s'était fiancé à William. Morgan resta incrédule. Il ne prenait pas vraiment conscience de la situation, il se demandait si son frère plaisantait ou pas. Et surtout s'il n'était pas en train de le faire marcher. Quand il précisa qu'il serait témoin et garçon d'honneur, l'aîné sut que tout était très sérieux. A peine Roméo fut-il installé sur le comptoir qu'il reçut un coup sur l'épaule très fraternel qui manqua le faire tomber. Avant qu'il ne comprenne, il se retrouva dans les bras de Morgan dont les étreintes, en plus d'être énergiques avaient ceci de particulier quelles étaient sincères et chaleureuses. Il le serra contre lui, ce qui avait plus tendance à l'étouffer qu'autre chose et s'exclama :

- Espèce de petit chenapan ! Tu te fais passer la bague au doigt et tu attends deux jours pour me le dire !!! C'est comme ça que tu me remercies ! C'est scandaleux ! Monsieur le futur marié ! Si tu savais comme j'ai rêvé de vivre ça ! Tu vas te marier mon petit sauvage ! Tu te rends compte ! La grande fête de malade ! Les cotillons, la musique !

Il le relâcha et le prit par les épaules, en plongeant son regard dans le sien, tout sourire :

- Bien sûr que je veux être ton témoin et ton garçon d'honneur ! Ça me ferait super plaisir ! Je vais te préparer un enterrement de vie de jeune garçon, mon gars, mais tu t'imagines même pas ! Ça va être explosif !

Et il ajouta, un peu plus sérieux parce qu'il savait que le sujet était un brin sensible :

- Il te reste plus qu'à annoncer la bonne nouvelle à la famille !

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Voir tout en grand était quelque chose de crucial et de naturel dans la famille Northman. Ils avaient côtoyé le cirque depuis leur plus tendre enfance ! Les spectacles, les shows, ils en avaient donné à profusion. En fait, l'effet de surprise avait bercé leur vie, leur jeunesse et leur quotidien. Personne n'aurait d'ailleurs osé remettre en doute cette volonté de toujours vouloir faire des choses hors du commun. Roméo avait en plus hérité d'un engouement contagieux. Il était le petit dernier de la famille, il suffisait qu'il demande pour obtenir ce qu'il voulait, même si ses parents avaient posé des limites infranchissables afin d'éviter qu'il n'en devienne trop capricieux. Ils enseignèrent à leurs enfants les bonnes valeurs nécessaires à la vie en société. Le cadet avait en tout cas une force de caractère impressionnante et un fort pouvoir de persuasion. N'importe qui lui aurait dit qu'un mariage devait rester rentable, enfin en tout cas il ne devait pas ruiner le couple. Morgan n'était pas de cet avis. On ne se mariait qu'une fois, du moins en théorie. Autant que ça soit avec la bonne personne et lors d'un événement inoubliable. Lorsqu'il s'était uni à son ex-femme, il avait lui même veillé à ce que tout soit parfait. Clairement, aujourd'hui, il n'allait pas refuser ce plaisir et ce droit à son frère. Il ne doutait ni sur l'aspect spectaculaire, ni sur le fait que ça soit sans fausse note. Là-dessus, Roméo avait des tendances perfectionnistes très prononcées. Ce qui en la matière était une qualité. Morgan espérait de tout cœur que l'histoire de son frère tienne contrairement à la sienne. Même s'il affichait un pur bonheur en façade, insidieusement, quelques souvenirs de son divorce lui revinrent en tête. Il avait mis beaucoup de temps pour remonter la pente et c'était grâce à son frère. Malgré tout, quand il y repensait, il ne pouvait s'empêcher d'en souffrir. Son ex-femme l'avait quitté parce qu'elle était stérile et qu'elle pensait qu'il ne l'aimait plus à cause de ça. Rien de ce qu'il avait pu dire ne la rassurait. Elle avait demandé le divorce, tout en insistant bien sur le fait qu'il était le fautif.

Morgan avait toujours cultivé un petit côté secret. Certaines émotions ne franchissaient pas sa façade et restaient enfouies. Le mystère avait en définitive autant de points positifs que de négatifs. Il fallait jauger et jongler entre les deux. Le jeune homme ne laissa pas transparaître ce moment d'égarement et garda son sourire. Il était heureux pour Roméo. Il l'avait vu grandi, s'épanouir, mûrir. Maintenant il allait lui faire l'honneur d'apporter ses alliances lors de la cérémonie. Et évidemment, il comptait bien faire un discours décapant pour l'occasion. Il aurait failli à son devoir sinon ! L'enterrement de vie de jeune garçon promettait d'être explosif. Morgan n'était pas quelqu'un à qui l'on peut confier une soirée sans se douter que les choses vont être surprenantes et spectaculaires. Il avait animé un numéro équestre pendant des années et il s'y connaissait en événementiel. Il avait parlé de cotillons et de musique pour prendre un peu la température. Car Roméo oubliait une chose, ce ne serait pas que SON mariage. William prendrait sans doute le soin de refréner certaines de ses ardeurs, voire de le raisonner sur certains points, en invoquant, soit une raison financière, soit une "gaminerie", même si le thème n'était pas diplomate. Visiblement, son jeune frère avait la barre très haut. Parfait, ça allait être mythique tout simplement ! Il eut un petit sourire amusé quand le cadet aborda la jalousie de son futur mari. Il connaissait ce sentiment. Quand il lui avait présenté William, Morgan l'avait ressenti à son égard. Il savait que cet homme allait lui piquer son Tarzan. Il en était amoureux. Au prix de gros efforts, il accepta de partager, de le laisser prendre son envol. Les débuts furent tendus à cause de ça. Quand il y repensait, il avait marqué son territoire en grognant dès que l'intrus s'approchait trop près de son protégé. Un comportement stupide et pourtant si naturel. Tandis que le bacon cuisait dans la poêle, Morgan tapa dans ses mains, enthousiaste :

- Ah ! Voilà ce que j'appelle une fête ! J'avais peur que tu te sois assagi frangin ! Tu veux que ça déchire, alors ça va déchirer ! Tout le monde dans la ville ne parlera plus que de ton mariage ! Et de la nuit décapante qui l'a précédée ! Tu m'as choisi comme témoin, bro' ! C'est moi qui décide de la suite à donner. Et ne t'en fais pas pour Will ! Je gère ! On va lui trouver une occupation, mon gars ! Lui aussi il aura droit à ses stripteaseurs !

Il le taquinait, il savait que la jalousie marchait dans les deux sens. La preuve, Roméo n'appréciait pas quand William traînait avec d'autres types, même si ça n'était absolument pas sentimental. La situation l'amusait beaucoup. Il commençait à le connaître par cœur son "bambino". Il retourna le bacon et tapota en rythme sur le plan de travail. Il se sentait comme chez lui ici. Il aimait bien l'endroit, c'était calme, lumineux, bien décoré. En pensant au couple qui y vivait, il se dit que ça ne pouvait qu'être ainsi. Deux styles différents qui se complétaient très bien. Tout devenait harmonie, paix et sérénité.

- En tout cas, ne t'inquiète pas pour moi ! J'ai bien l'intention de profiter de mon statut de célibataire ! Et de me faire royalement plaisir aussi ! De toute façon, je sais que j'ai carte blanche ! Je compte sur toi pour me balancer le bouquet, au fait ! Qui sait, peut-être que je pourrais emmerder le Pasteur une nouvelle fois et me marier !

L'épisode avait été mémorable pour tout le monde, mais s'il y en avait un qui n'allait pas oublier le mariage de Morgan, c'était le prêtre. Il devait encore en faire des cauchemars, le pauvre bougre ! Comme la situation redevenait plus sérieuse, Morgan se montra plus attentif. Leurs parents n'étaient pas très loquaces en leur absence. Sa mère parlait beaucoup à chacun d'eux, mais elle ne racontait que rarement les choses qu'on lui confiait. Quant à son père, l'aîné avait du mal à lui parler normalement. Quand il le regardait dans les yeux, il revoyait cet homme qui l'avait battu alors que Roméo se faisait agresser. Non, il ne lui avait pas pardonné... Pour autant, cela ne l'empêchait pas de l'aimer quand même et de tout faire pour qu'il se sente bien et qu'il vive correctement. Comme son état de santé était devenu fragile et un peu préoccupant ces derniers mois, il allait souvent y faire un tour pour s'assurer que ses parents ne manquent de rien.

- Tu connais maman et papa. Ils parlent rarement de ce qu'on leur dit. Maman m'a juste dit qu'elle espérait que je me remarie très vite et que j'ai des enfants, parce qu'elle crevait d'envie de changer des couches ! Elle a trouvé que William était charmant, et qu'il ressemblait à un acteur de films à succès. Suite à ça, papa lui a dit qu'elle se faisait encore des films, et tu nous connais, on s'est mis à rigoler. Autrement, il y a des actes manqués, des choses qu'ils ne disent pas mais que toi et moi on a appris à discerner. Je peux te dire qu'ils ont adopté William comme leur propre fils. Et qu'ils bouillaient d'impatience que ça aille plus loin. Tu veux les œufs au plat, brouillés ou à la coque ?

Il sortit le bacon cuit et frit de la poêle pour le placer dans une assiette. Un odeur agréable se répandit, alors que le ventre de Morgan se mit à gargouiller fortement. Il se mit à rire puis enchaîna :

- Vous avez prévu un voyage de noces, j'espère ? Je te préconise l’Amazonie, il y a des lianes là-bas pour te pendre aux arbres !

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He's your man !

Morgan avait presque totalement élevé son frère. Ils avaient plus de dix ans d'écart et Roméo avait un peu le chouchou de la famille. Tous l'avaient considéré comme tel, comme le petit dernier qu'il fallait protéger et couvrir d'attention. Il ne regrettait pas ce qu'il avait pu faire. Il en était même très fier, malgré le fait qu'il ne l'avouait jamais au cadet. Il y avait deux raisons à cela, la première était qu'en le lui disant il risquait de lui faire enfler les chevilles. La seconde était surtout une pudeur personnelle. De façon générale, Morgan n'aimait pas parler de lui et de ce qu'il ressentait, il avait une armure qui l'entourait, le protégeait et même devant son frère, il gardait sa part de mystère. Un mystère qui lui avait coûté son mariage. En parlant de ça, il n'avait pas besoin de questionner son Tarzan pour savoir qu'il avait déjà tout imaginer de la cérémonie et de la réception qui suivrait. Roméo était un artiste avant tout, c'était dans sa nature de tout prévoir, de s'évader parfois dans des idées tirées par le cheveux. Mais aujourd'hui, il devait convaincre William et ça, c'était loin d'être gagné. Si Morgan appréciait le futur mari de son frère, il reconnaissait volontiers qu'il avait la tête sur les épaules. Il le voyait mal succomber à la folie d'un feu d'artifice ou d'une réception somptueuse. D'autant que ça coutait de l'argent cette histoire ! Il eut un grand sourire quand son frangin lui fit comprendre qu'il devait se charger de son enterrement de vie de jeune garçon uniquement. Il n'avait dit le contraire que pour le taquiner et ça fonctionnait. Il perçut même une dose de jalousie chez le plus jeune qui le fit sourire. Oui, Roméo était quelqu'un de jaloux, qui n'aimait pas voir son petit ami parler à un autre type. Ce qu'il ignorait, c'était qu'il craignait davantage la concurrence des femmes que celle des hommes.

Un brin amer sans doute après la boutade de Morgan, le cadet lui renvoya une réalité en pleine figure. Oui, Morgan devait reprendre sa vie sentimentale en main. Le fait que son divorce ait été prononcé l'avait affecté plus qu'il ne le laissait supposer. Difficile de tourner la page de dix ans de vie commune. Il avait souffert de sa rupture et c'était un peu refermé sur lui-même. Cela ne l'empêchait pas de draguer, bien au contraire. Il utilisait son don de charmeur pour séduire. Mais ce genre de relations ne duraient pas vraiment. Il appréciait passer du temps en compagnie d'autres femmes, dans un restaurant ou au cinéma. Malgré cela, la passion n'était pas au rendez-vous. Il prit la remarque de son frère d'un air léger, même si elle le toucha plus qu'elle n'aurait du. Et comme ce dernier reparla du pasteur, il eut le bon prétexte pour changer de sujet et sourire à nouveau. Quand même... ce pasteur ! Quel souvenir ! Il l'avait rendu complètement dingue, tellement bien que le religieux avait été malade toute la semaine ayant suivi le mariage. Morgan se comportait souvent comme un gamin, il agissait sans trop réfléchir, sur le coup d'une émotion. Il avait ses instants de folie et pourtant il était trentenaire ! Cela faisait partie de lui, de sa personnalité et son entourage appréciait cet esprit jeune, toujours un peu rebelle. Il resta pensif quand son frère valida l'idée de l'Amazonie. Il savait que son frère adorerait y aller. Les grands arbres, les lianes, la découverte... tout ça le rendait heureux. Gamin il aimait partir en exploration, découvrir de nouvelles choses. Roméo était curieux de nature, particulièrement éveillé pour un petit de son âge. Il avait entretenu cette qualité grâce à son aîné et maintenant, il aurait pu partir au bout du monde, juste pour le goût de l'aventure. En imaginant Tarzan, vêtu d'un simple pagne, grimper aux lianes et se projeter d'arbre en arbre en criant comme un dératé, Morgan ne put réprimer un fou rire. Son frère passa à autre chose, ne se gênant pas pour manger comme un goinfre. L'aîné fronça les sourcils et lui dit :

- Morfale ! Mâche ! Le bacon va pas se carapatter à l'autre bout du monde parce que tu manges plus doucement ! C'est dingue ça ! Tu prends même pas le temps d'apprécier ce que j'ai passé de longues minutes à te préparer ! Tu vas faire désespérer Will à force ! S'il passe une heure à te préparer ton p'tit déj' et que tu engloutis tout en une minute... sans le savourer...

Ce n'était pas un vrai sermon, même si Morgan paraissait sérieux et qu'il le regardait avec un air moralisateur. La lueur d'amusement dans ses yeux le trahissait. Il attaqua à son tour le bacon, puis se fit deux tartines au miel. Il ne pouvait pas toucher aux pancakes à cause de son allergie aux oeufs. Mais il ne doutait pas que son frère allait leur faire honneur ! Alors qu'il mangeait également mais de façon plus posée, son frère le questionna sur le programme de la journée. A vrai dire, Morgan ne savait pas qu'il serait seul et il n'avait planifié aucune excursion en particulier. Finalement ça n'était pas plus mal, ils auraient l'embarras du choix. Il réfléchit pendant quelques minutes, alors que son frangin continuait de parler, infatigable ! Ca aussi, c'était drôle à voir. Roméo était le seul homme qu'il connaisse à partir dans des monologues aussi construits et longs. A un moment, il finissait toujours par décroché et perdre le fil. Mais comme il évoqua les chevaux, l'aîné resta attentif. Il avait une véritable passion pour les équidés et les spectacles hyppiques. Retrouvant soudain encore plus d'énergie et de passion, il répondit :

- Très peu pour moi pour les arbres. Mais on peut aller voir les chevaux. J'ai trouvé une écurie non loin de la ville. Il y a un cheval... si tu le voyais, il est magnifique. C'est un pur sang arabe, un mâle très vigoureux. Il a une robe noire et le crin aussi doux que brillant ! Une vraie beauté ! Je n'ai pas demandé l'âge mais je pense qu'il est jeune, il doit avoir deux ou trois ans maximum. Tu serais à l'aise dessus, je suis sûr ! On peut se faire ça ! Tu as toujours ton casque, j'espère !

Morgan avait acheté un casque adapté pour son frère. Même si ce dernier ne pratiquait pas la moto autant que lui. Il n'était pas rare que l'aîné le conduise à travers New York. Il avait toujours préféré ça aux voitures. Il fit un petit sourire moqueur et ajouta, taquin :

- Ouais... enfin si tu fous pas six heures pour te préparer la star !

FICHE ET CODES PAR RIVENDELL