→ Le soleil éclairait de ses rayons la bordure des dossiers, traçant une ombre sur les photographies animées qui y étaient associées. La tête penchée, la mine concentrée, un homme dans la cinquantaine jouait nerveusement avec la ramure dorée de ses lunettes. La pointe de son crayon traçait des lettres muettes dans le vide tandis que soucieux, il relisait pour la quatrième fois les mêmes phrases.

La patiente présentait des métastases importantes au poumon droit, qui avaient été remarquées lors de la consultation mensuelle. La taille des masses étaient cependant moins problématiques, laissant à supposer que la progression s’est faite de façon fulgurante. L’aggravation de l’état de la patiente pourrait être dû à une hausse de la demande en oxygène lors de la pleine lune ( consulter Annexe.1 ) ayant amené une dégradation plus rapide du dit organe. L’ablation des masses étant impossibles en raison de l’état dégénératif du poumon, celui-ci a été remplacé par le prototype Javensky ( annexe 2)

Un rapport d’opération relativement simple qui aurait pu être banal sans toutes ces annexes. Le vieux médicomage se massa les tempes, le front plissé. La pleine lune…Il avait rarement vu un cas si étrange, dangereusement imprévisible. En situation d’urgence, lui et son équipe avaient intervenu au mieux de leurs connaissances. Qu’il puisse encore être surpris après trente années d’expérience avait cependant un côté déroutant.

Ses doigts plissés se posèrent contre un cliché en noir et blanc, qu’il détacha du dossier pour l’approcher de ses yeux. Dans la cage thoracique, aux côté d’un poumon encore sain, s’activait une forme translucide aux multiples cavités. Des ridules colorés de rouge sillonnaient l’organe quasi spectral, dans un spectacle étrange où les alvéoles de lumière accomplissaient le même travail assidu que leurs jumeaux de chair. Le prototype Javensky : une grande avancée magique qui faisait ses preuves, encore une fois. Si le corps de l’hôte ne le rejetait pas…

« Mr. Sullivan? Les parents sont arrivés. »

L’homme sursauta et la photo glissa brièvement avant qu’il ne la rattrape, la replaçant là où il l’avait prise. Il se redressa, réajustant le col de son uniforme et lissant sa moustache d’un geste machinal.

« Et le père de l’enfant? » demanda-t-il , s’éclaircissant la gorge en une toux rauque.

« Un hibou lui a été envoyé, mais il n’est toujours pas là. »

Le professionnel hocha la tête en murmurant un vague « très bien », quittant à regret son fauteuil et son café encore fumant. Si les hypothèses émises cette nuit étaient véridiques, ils devraient soigneusement surveiller les pleines lunes restantes avant la naissance. Que le géniteur du bébé ne soit pas encore présent n’avait rien de surprenant, au vu des circonstances. Il glissa son stylo dans la poche de sa chemise, jetant un denier coup d’œil aux photos avant de suivre son subalterne. Parler aux parents était rarement l’étape qu’il préférait..