La Duvauchelle avait ce besoin permanent qu’on fasse attention à elle, qu’elle soit le centre d’attention de toute la pièce dans laquelle elle pouvait se trouver. D’autant plus si elle connaissait des personnes dans cette pièce. Elle avait conscience d’énerver les trois quarts des gens à qui elle parlait, elle avait conscience qu’elle était une chieuse invétérée, mais au fond, elle voulait juste qu’on fasse attention à elle et qu’on essaye de s’intéresser à elle.
Coline souhaitait juste que Jules cherche à savoir pourquoi elle était devenue ainsi, pourquoi elle prenait un malin plaisir à faire du mal aux autres. Ne s’était-il jamais demandé pourquoi il était tombé amoureux d’une fille adorable, gentille, douce et rigolote et pourquoi cette même fille était devenue la pire des garces à des kilomètres à la ronde ? Sûrement s’était-il dit que la Coline Duvauchelle qu’il avait rencontré pendant un été avait un homonyme qui était cette Coline là : chiante, chieuse etc.
« Ca te va bien pourtant, c’est presque mignon » Marie Hella aimait abuser de l’ironie, peut être un peu trop. Elle conclut sa phrase par un nouveau petit rire. La demoiselle en rit tellement qu’elle eut du mal à avaler une nouvelle gorgée de son cappucino sans risquer de provoquer une catastrophe.
« Ça va on a compris que t’étais pleine de fric. A part ça t’as rien d’autre pour te rendre intéressante ? Parce que ça commence à devenir lassant. » Coline ne répondit pas tout de suite à sa remarque. Alors il le prenait comme ça ? Il se vexait automatiquement, c’était dommage. Elle aurait aimé le mettre sous pression jusqu’à ce qu’elle parte. Ca aurait pu être marrant. Mais Jules marquait un point : Coline ne savait pas se rendre intéressante autrement qu’en affichant tout ce qu’elle possédait, que ce soit sa voiture, ses vêtements ou bien même par son attitude de snob. Jules se redressa. Il avait une façon intrigante d’observer Coline. Le jeune homme avait beau être en colère contre elle, vexé, il avait ce regard plein de nostalgie doublé d’admiration qui pesait sur elle. On n’oublie jamais son premier amour, se répétait Coline. Même si question amour, elle avait vite cessé d’y croire, considérant que c’était juste une excuse pour se trouver accompagné.
Alors non, Coline n’avait rien pour se rendre intéressante, du moins pas aux yeux de Jules. Elle n’était pas bête mais avait arrêté ses études par choix afin de se consacrer à la flemme et à la fête. Elle fumait comme un pompier, buvait comme un trou et couchait avec le premier mec qui l’abordait et qui n’avait l’air d’un psychopathe qui finirait par l’enfermer dans sa cave avant de la découper en morceau. Coline n’avait plus de quoi se vanter auprès de son premier amour. Comparé à lui, elle ne valait rien et l’argent de son père lui donnait une condition et une valeur. « Pour tout te dire je me suis lassé de toi et tes grands airs. La prochaine fois que tu te pointes ici, ne compte pas sur moi pour jouer le larbin. » Les pensées quelque peu sombre de Coline plus les paroles vexantes –presque méchantes mais totalement vraies- de Jules avaient fini par enlevé cet air mesquin et satisfait de faire chier son monde du visage de Coline. Duvauchelle aurait-elle été capable de se sentir coupable et de se remettre en cause ?
« Avoue que ça te fait chier que je ne sois plus comme avant, hun ? » Elle avait dit ça avec un ton si gentil –et donc peu habituel- qu’elle ne reconnu d’abord pas sa voix. Après tout, ressasser les vieux souvenirs étaient aussi une façon d’emmerder Jules, pensa-t-elle pour se rassurer après s’être rendue compte qu’elle devenait tendre avec son premier amour.