→ « T’as vu Walker ? Il devait rendre un papier hier ! » Je relève la tête vers Ryan, haussant les épaules avec découragement. C’est probablement Gates qui vient de lui demander, où était, encore, Nick. Mon regard croise celui de mon écran, 10h27 et toujours aucun Nick à l’horizon. Il faut dire qu’il n’est pas ami avec les horaires. Théoriquement, cela fait plus de huit mois qu’il devrait commencer à 9h. Et aujourd’hui, il a accumulé des centaines d’heures de retard. Enfin personnellement, c’est loin de me déranger parce que ça a au moins l’avantage de me laisser quelques heures de répits. Et ce n’est pas négligeable.

« Comment va la plus belle. Tu es vraiment rayonnante, non franchement tu es magnifique ! Café ? »  Enfin… On va finir par battre le record de l’heure d’arrivée. Mais ce n’est pas comme s’il en avait quelque chose à foutre. Il n’en a absolument rien  à faire. « J’ai déjà eu le temps de prendre trois cafés depuis que je suis arrivée. » Je lève les yeux au ciel avant de lui mettre un coup de poing dans l’épaule. Parce qu’il le mérite et que bon, je ne lui ai pas démonté l’épaule non plus ! Et surtout que je ne sais pas pourquoi il persiste à me draguer comme ça, je ne sais pas quel genre de femme tombe dans son piège mais clairement, je n’y songe même pas. Enfin, juste un peu, quand il se met torse nu devant moi à la salle de sport. Mais c’est normal non ? Je suis une femme, il est un homme, qui sort tant bien que mal de l’adolescence mais quand même ! Mais je refuse de me laisser faire à quoique ce soit, parce qu’avec lui, c’est la porte ouverte à tout. Et puis, après Rick, je n’ai plus envie de mélanger ma vie professionnelle avec ma vie privée. Bon, j’admets que le fait  que je passe ma vie au poste n’avantage pas ma vie personnelle mais tant pis. Kevin siffla depuis son bureau alors qu’il enfilait sa veste tout en nous annonçant que nous partions pour un assaut.

Mes jambes avancent automatiquement alors que tout mon esprit se tend à observer chaque détail de la pièce pour ne pas tomber dans un piège. A quatre, nous sommes plutôt efficaces même s’ils nous a tous fallu du temps pour laisser une place à Nick. Disons que déjà, il succédait à Rick qui n’avait pas le droit de porter une arme. Alors il avait fallu tout réorganiser. « RAS ! » Je laisse donc Nick dans sa pièce alors que Kevin, Javi et moi continuons chacun nos pièces. Au bout de quelques secondes, nous nous rejoignons tous les trois avant de nous diriger vers la pièce où s’est arrêté Nick. « Qu’est-ce… » Mon cœur loupe un battement alors que mon arme remonte aussi vite face à moi. Cet homme a son arme sur la tempe de Nick et il a beau être terriblement chiant, l’idée d’avoir son cerveau sur les murs me rend malade. Prise de panique et complètement incapable de réfléchir avec discernement, mon corps me propulse en avant alors que je m’apprête à… me battre à main nu avec l’homme ? J’en sais rien, j’ai juste envie qu’il dégage cet arme de la tempe de Nick. Puis tout va bien trop vite pour moi et j’ai juste le temps d’entendre une déflagration avant de prendre un coup violent sur le coin de mon visage. Trop violent, trou noir.

J’ai l’impression de reprendre conscience comme une voiture qui sort d’un long tunnel sombre. Trop de lumière, trop de bruits… En même temps, j’ai deux ambulanciers qui gueulent au-dessus de moi depuis que j’ai ouvert tant bien que mal les yeux. Apparemment, j’ai pris un coup de crosse à quelques centimètres au-dessus de mon œil gauche mais personnellement, je ne me rappelle pas de grand-chose. Dieu merci, j’avais juste été assommé à cause du choc et je n’ai eu le droit qu’à quelques points. J’ai même joué de mes charmes pour prier le médecin de ne pas me ramener chez moi maintenant en lui promettant que je ne retournerai pas sur le terrain aujourd’hui.   « Écoute je suis vraiment désolé, j'ai mal vérifié le bureau … Merci … T'as voulu me sauver, je n’aurai pas cru puisque tu me détestes. Je … Je ne suis pas un mauvais flic ok ?! Je sais que c'est ce que tu penses. Je suis sortie de l’académie avec les honneurs et pas grâce à l'argent de mon père. J'ai bossé, ok ?! Je bossé très dur pour ça, alors oui j'aime m'éclater, mais j'ai 25 ans ! J'ai droit de m'amuser ! Parfois j'ai besoin de décompresser parce que même si tu ne le crois pas et que je ne le montre pas, c’est pas facile de voir des morts toute la journée et voir des familles détruites. Donc oui je drague tout ce qui bouge et que c'est grâce à mon père que je suis lieutenant, mais j'aime mon job. Et je suis désolé de t'avoir … Enfin tu sais. Désolé. » Je retourne la tête légèrement, cherchant le regard de Nick avant de me dire que finalement, vu qu’il conduit, on va éviter un deuxième accident. Je sais pas quoi lui dire parce que oui, je déteste le fait qu’il soit couvert par l’argent de ses parents, parce qu’on n’a pas tous eu cette chance et qu’il n’essaie pas souvent de montrer qu’il en vaut la peine, qu’il vaut plus qu’un chèque glissé sous une table. « Oui, tu m’énerves ! Parce que si t’avais pas l’argent de ton cher papa, tu bougerais ton cul à 7h du matin sinon tu te serais vite retrouvé dehors. Et oui, je vais pas te mentir, ça suffit pas d’aimer son job. La preuve. » Parce que s’il avait fait attention autant qu’il aime son job, je me retrouverai pas aujourd’hui avec trois points de suture sur le front. J’appuie ma tête sur le carreau de la voiture, je déteste quand il conduit en plus. Je ne sais pas si c’est moi mais vraiment, j’ai l’impression d’être dans un bateau. Oui, je suis énervée, j’ai mal à la tête et j’ai envie d’en vouloir à Nick. Parce que j’ai eu peur pour lui et que je n’ai pas envie qu’il recommence.

« Ce n’est pas sa faute. » Je ne sais pas ce que je fais mais je me tiens debout devant Gates avec la profonde envie de lui faire croire en ce mensonge. Parce que c’est de sa faute mais qu’au final, toutes les recrues finissent un jour ou l’autre par faire une bourde. La mienne, je l’avais fait à 23 ans en ayant posé mon arme à portée de main d’un agresseur. Stupide mais depuis, je n’ai plus jamais laissé traîner d’arme. Alors oui, j’en ai bavé pendant quelques semaines mais c’était plutôt formateur. Et au fond, l’idée-même que Nick soit renvoyé ne me rend pas heureuse. Parce qu’il a beau être lui, il me change et ça fait du bien. Mais loin de moi l’idée de le lui avouer. Depuis que Gates a avoué ce qu’elle souhaitait faire à Nick, il a disparu. J’aurais très bien pu venir voir après lui mais ce n’est pas comme ça qu’on fonctionne. Et puis, autant qu’il se défoule seul et que je reste en dehors de ça.  « J'ai été convoqué par IronGates et franchement … J'ai cru que j'allais mourir. Et … Merci. Elle m'a dit ce que tu as fais pour moi … Je ne sais pas pourquoi tu l'as fais. Mais merci .… Bon je vais y aller, j'ai un match des Lakers avec mon frère et en plus d'être gay, il va tenter de me mettre avec un mec, cependant si je n'y vais pas, je vais me faire tuer alors … Passez une bonne nuit. » Je penche légèrement la tête afin de plonger mon regard dans le sien. Au fond, je suis vraiment heureuse que cette soirée finisse comme ça, parce qu’on aurait pu la finir très différemment, avec lui dans un sac mortuaire par exemple. « Elle fait cet effet-là avec tous les nouveaux, tu finiras par t’y habituer ! A moins qu’elle te vire d’ici-là … » Un sourire se dessine sur mes lèvres avec amusement, parce que je sais aujourd’hui que je ne le laisserai pas partir comme ça, même si je ne sais pas clairement pourquoi. « Et demain, neuf heures. » Tous les soirs j’essaie de lui faire rentrer ça dans le crâne, peut-être qu’un jour son cerveau finira par intégrer ça et qu’il se réveillera à l’heure. Trop d’espoir mais bon. « Bonne nuit Nick. »  Finissant d’enfiler ma veste, je rentre dans l’ascenseur avant de voir Nick se précipitait dans l’ascenseur. Je m’apprête à lui demander ce qu’il a oublié quand il me plaque contre le mur de l’ascenseur.« Nick ?! » J’aurais aimé que ma voix soit plus assurée mais tout ce qui est sorti de mes lèvres était tremblotant, hésitant. Parce que je suis incapable de le repousser alors qu’il vient de poser ses lèvres contre les miennes. Sa main sur ma joue m’électrifiait alors que ses lèvres contre les miennes n’étaient que…bonheur. Je ne me suis jamais sentie aussi bien depuis le départ de Rick, jamais aussi vivante et c’est effrayant. Je n’ose pourtant pas bougé, laissant ses lèvres caresser les miennes sans un mot, parce que je n’ai plus de mots et que j’aurais été incapable de le repousser. Et cette idée me fait peur. Mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus, les portes de l’ascenseur s’ouvrent doucement alors que Nick quitte mes lèvres rapidement, sans un autre mot que « A demain … ». Et moi, moi… Je suis totalement perdue.

Je regarde Swann, déprimée. J’avais oublié à quel point ses conseils sentimentaux peuvent être dangereux, vraiment. « Il me prend la tête depuis huit mois, tu crois vraiment que je ressens quelque chose pour lui ?! » Nan mais… vraiment ? Enfin, j’en sais rien moi, ça me prend la tête. Parce que je m’étais promise de ne plus jamais me prendre la tête pour un mec depuis que Rick était parti en Europe. Rick me manque toujours un peu, comme s’il manquait constamment quelque chose à mes côtés. J’ai appris à vivre avec une ombre derrière mon dos, une deuxième conscience, une sorte de jumeau et c’est difficile aujourd’hui, même après plusieurs mois, de tourner la page sur ça. « Ecoute chérie, tu m’as appelé à trois heures du matin parce que tu n’arrivais pas à dormir et tu n’arrêtais pas de répéter que Nick te plaisait ! Et puis… je le vois. Je vois touuuuujours tout ! » Je lève les yeux au ciel, désespérée avant de finir mon café et d’hausser les épaules. « Je sais pas Swann, tu veux que je fasse quoi de toute façon, on a pas couché ensemble, c’était juste un baiser. Et connaissant Nick, ce n’est probablement qu’un geste totalement anodin, il passe sa vie à coucher à droite à gauche ! » Je fais tourner ma cuillère dans ma tasse vide alors que mes pensées s’entrechoquent contre mon crâne. « Chérie, laisse tomber Rick. Il est parti et il faut que tu tournes la page, il faut que tu te bouges un peu, que tu t’amuses ! » Je repousse ma tasse avec un peu plus de vigueur, parce que Swann a cette partie d’elle qui réussit presque toujours à me remonter le moral, et puis… malgré le fait que ses conseils sont parfois étranges, ça m’aide.

J’ai réfléchi pendant les deux heures qui m’ont séparé du café avec Swann et de l’arrivée de Rick. Probablement trop réfléchi puisque j’ai pris une décision un peu trop importante visiblement. Quand Nick m’a embrassé hier soir, je me suis sentie si bien, si moi que je n’ai pas envie de laisser passer ça. J’ai soudainement envie de ne plus me prendre la tête et d’arrêter de réfléchir à tout constamment. Je ne sais vraiment pas à quoi ça va me mener mais au moins, je n’aurais pas de regrets. On dirait presque que j’évolue… « Hey… » Nick entre dans la salle de pause, il est tout juste onze heures mais j’ai une autre idée derrière la tête que de l’engueuler. Seuls dans la salle de pause, les stores plus ou moins fermés, je m’avance vers lui avant de faire mine de lui faire un baiser sur la joue, avant que celui-ci ne dérape doucement sur le bord de ses lèvres. L’air de rien, sans un mot, je quitte la salle de pause, reprenant place à mon bureau. Puis j’ai passé la journée à le rendre dingue et j’ai rarement passée une journée si amusante. Chaque occasion était bonne pour laisser mes mains se baladaient un peu trop alors que mes allusions étaient souvent bien moins discrètes que d’ordinaire. Mais je sais pas, il me fait rire et d’une certaine façon, il rend ma journée bien plus intéressante. Je ne sais pas de quel manière il va réagir et je ne sais pas clairement ce que je veux non plus. Mais j’en ai clairement marre de réfléchir et Swann sera responsable si je venais encore à me casser la gueule dans mes sentiments.