Soldats en position!  A mon signal, feu!! Les éclairs fusaient dans tous les sens, telle un déluge de fumée et de poussière rendant inopérant la vue à plus de 5m, brisant le silence par un tintamarre si fort qu'on entendait rien d'autres si ce n'est les cris et les hurlement des coéquipiers. Ma détermination était plus forte que jamais, autant que celle que ma peur faisait preuve. Je la sens, de mes entrailles jusqu'à mes doigts. Faire faire faire puis continuer à faire, bon sang je ne peux penser à ce qu'il arriverait si moi ou un de mes camarades se prend une mine sous les pieds, à un tir croisé, ou bien à la photo tout sourire que l'on diffuserait au journal de 20h relatant mon décès et la bravoure avec laquelle j'avais combattu et, aussi bien le visage de mes proches à l'annonce de ma disparition, non ça je ne le pouvais pas mais c'est ce je pensais en premier lieu à chaque fois que je frôlais la mort jusqu'à devenir complètement paralysé. Aujourd'hui ce n'était plus un jeu, à coup de tirs à eau et de billes, quand on perdait la partie on ne revenait pas. « ISAIAH! ISAIAH! ISAIAH!» L'écho lointain pourtant si proche de mes oreilles me rappela de ma torpeur. C'était David. « C'est bon t'es revenu parmi nous, j'ai presque failli t'attendre boucle d'or » Je ne peux vous dire où ça c'est passé, ni quand mais comment. C'était à nous d'ouvrir une brèche pour se sortir de ce putain de merdier et putain de capitaine à la con, pas foutu de déployer ses effectifs quand il en avait l'occasion et voilà le résultat, on avait perdu déjà 6 frères à attendre derrière ces fourgons calcinées, il était hors de question d'en perdre davantage, au diable les ordres. David et moi avions eut la même idée, il  y avait ce fourgon encore opérationnel à 10 mètres, sans doute notre seule chance de s'en sortir vivant. Il fallait qu'on y accède, je me rappelle encore comme si c'était hier on a pas attendu longtemps avant de s'y lancer, juste assez pour demander aux camarades de nous couvrir et de faire diversion dans l'autre direction, la fumée était assez épaisse pour s'y aventurer mais pas assez pour essuyer les tirs. La clé était toujours sur le contact. « Très bien Roméo, ça y est maintenant on fait quoi » Nos regards se croisèrent et se tournèrent simultanément vers l'arrière de la voiture où plusieurs kilos de TNT attendaient tranquillement, et c'est comme si on savait déjà à l'avance ce que chacun comptait faire, une brèche.  Le véhicule démarra et je me revois encore, le volant entre les mains foncer sur un mur. On sauta seulement 10 mètres avant et le mur partit en fumée laissant une sortie pour les troupes. « Ça va? Vite relève toi » «  Ma jambe » « Tiens toi à moi »  J'avais reçut un projectile qui s'était enfoncé dans ma cuisse, à cet instant je ne réalisais pas dans quel putain de pétrin je venais de mettre les pieds, ou plutôt la jambe. Même si la fumée de l'explosion était encore présente on pouvait déjà voir la route de là, notre survie. Nous étions dans une cour encerclée par des bâtiments et la sortie à bout de bras. On fut rapidement regagné par les camarades dont deux m'aidèrent à avancer vers la route... David a toujours été comme ça, défiant le danger, toujours avec ce sourire provocateur aux lèvres à vous remettre à votre place, il n'écoutait d'ailleurs personne et réussissait en quelque sorte toujours là où d'autres échouaient. Cet idiot était repartit récupéré les dog tags de nos frères tombés... Bordel... Je me souviens avoir tourné la tête vers l'arrière et l'avoir vu courir à travers la fumée les plaques militaires à la main, mais l'instant d'après... il était parti.

A la suite de cet incident, Isaiah resta 6 mois sur un lit d'hôpital, à sa sortie il effectua 4 mois de rééducation. On l'envoya à l'autre bout du monde dans un autre escadron à faire le chien pour une royauté.  Il ne lui fallut pourtant pas plus d'un an pour réussir à revenir là où sa vie s'était arrêté. Il y avait là bien plus que de la vengeance, quelque chose le poussait à finir ce qu'il avait commencé, ou plutôt ce qu'il n'avait pas fini. Montrant au reste du monde qu'il avait repris ses capacités et qu'il était prêt mentalement à reprendre du service, en réalité, il cachait les séquelles de sa blessure qui lui faisait, par moment atrocement mal et les séquelles de cette perte tragique. C'était un commando suicide. Au cours d'une mission, sous les feux des tirs, sa troupe perdit sa trace. Pendant plus d'un an il ne donna signe de vie, six mois plus tard un communiqué fut envoyé à ses parents pour relater la mort de leur second fils. 9 mois après l'annonce officielle, Isaiah réapparut. Il fut décoré par les honneurs pour avoir encore une fois sauvé la vie de ses confrères le soir de sa disparition et eut la permission de se retirer de l'armée.  Personne ne sait véritablement ce qui c'est passé pendant 15 mois, il disait avoir perdu la mémoire et avoir été recueilli par une famille mais vous vous doutez bien que la réalité est tout autre. Isaiah n'était pas revenu seul, une femme à ses côtés, morte 1 mois plus tard des suites d'une leucémie. Il retourna à Johannesburg où il retrouva enfin sa famille, ses parents et sa jeune sœur. Rapidement il fut contacté par un ancien militaire lui aussi à la retraite et lui proposa de s'installer à New York. Isaiah accepta sans grande joie ni regret. Sa présence au bercail familial était encore trop douloureux pour lui comme pour les siens et puis il n'avait pas d'avenir ici. Changer de vie, son départ sonna ainsi.  

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