Avant, nous étions meilleurs amis. Et aujourd'hui ?

Ezra & William

Ezra. Mon rythme cardiaque vient de s’accélérer alors que je suis propulsé plus de vingt ans en arrière. Là, une multitude d’images défilent devant mes yeux. Deux enfants qui font les quatre cent coups ensemble, dans une campagne du Derbyshire. Deux adolescents qui enchainent les bêtises. Ezra Anderson. Il n’y avait aucun doute là-dessus. S’il avait pris en âge, certains traits ne changent pas. Je pouvais reconnaître ses yeux d’un bleu perçant, sa fossette sur le menton, celles sur ses joues, son sourire facile et son regard malicieux. Il n’y avait plus aucun doute là-dessus.

Lorsqu’il s’avance vers moi afin de me demander du feu, je ne cesse de l’observer, le visage dénué de tous sentiments. Pourtant, au plus profond de moi, je souris et me demande si lui m’a reconnu. J’imagine sans trop de difficulté que le doute subsiste en lui dans la mesure où il semble hésitant. A voir s’il s’engagera sur ce terrain-là en premier. Si ce n’était pas le cas, je l’arrêterais dans son départ pour lui demander s’il est bien Ezra Anderson. En attendant, je plonge ma main dans la poche avant droite de mon pantalon de costume, afin d’en sortir un briquet blanc et rouge que je lui tends. Avec, il allume sa cigarette tandis que je tire sur la mienne, toujours aussi silencieux. Mes doigts se referment sur l’objet qu’il me rend et très vite, l’homme fait demi-tour.

Je suis sur le point de m’avancer vers lui et de l’interpeller quand finalement il s’arrête pour se retourner et me faire de nouveau face. Et là, il me demanda si je m’appelais bien William puis il se présenta comme étant Ezra Anderson. A partir de cet instant, mon visage s’illumina d’un sourire non feint. C’était bien lui. Et tandis que je faisais quelques pas vers lui, un souvenir occupa mon esprit. Je nous revoyais, au bord d’un lac, afin de pêcher et d’attraper des grenouilles. Lui, les cheveux plus foncés, courts. Des cheveux mi-longs et blonds pour moi, légèrement bouclés. Nous rigolions ensemble, de choses et d’autres. Quel âge avions-nous à ce moment-là ? Dix ans peut-être. J’avais pris un couteau afin de m’ouvrir la main. Puis ce fut son tour de laisser la lame couper sa peau. Le liquide rouge coulait le long de notre paume, tandis que nous joignions nos mains afin de devenir frères de sang. Depuis ce jour, je gardais une légère cicatrice ce qui était également son cas. Pourtant, ça restait l’un de mes plus beaux souvenirs d’enfance.

Une fois en face de lui, je lui présente le creux de ma main. Là, une fine cicatrice recouvre l’une des lignes de ma paume. Souvenir de ce rituel pour devenir frères de sang. Une façon pour moi de lui répondre qu’effectivement, je suis bien William.

- Comment pourrais-je t’oublier ?

En effet, ça semblait assez difficile dans la mesure où Ezra faisait partie d’une grande partie de mes souvenirs d’enfance. Et si nous ne nous étions pas revus depuis plus de vingt ans, j’étais incapable d’oublier quelqu’un comme lui. Mes souvenirs seraient toujours aussi nets, même si je devais atteindre les cent ans. Finalement, mes bras s’enroulèrent autour de l’homme. Si je suis d’un naturel pudique et peu affectif, là, c’est différent. Je retrouve mon meilleur ami d’enfance. C’était aussi agréable qu’étonnant. Il avait été accepté à l’université de Berkeley lorsque j’avais mis les voiles pour m’engager dans l’armée. Probablement avait-il dû y rester depuis.

- Mon Dieu, t’as pas changé !

Je me recule, et posa mes mains sur ses épaules afin de l’observer. S’il était déjà beau garçon dans mes souvenirs, il est clair qu’aujourd’hui, il devait faire tourner des têtes. Il devait tenir un véritable tableau de chasse avec toutes les femmes qui devaient lui courir après.

- Tu as des impératifs là ? Ou bien est-ce qu’on peut aller quelque part pour prendre des nouvelles de l’autre ?

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