Assis dans une ruelle du Dogtown, le dos contre une palissade de bois à la peinture érodée par l’atmosphère iodée de bord de mer, il se tenait recroquevillé sur lui-même, ses bras frêles entourant ses genoux relevés, le menton posé sur ses rotules écorchées. Il avait le regard noir et des sillons de larmes avaient séché sur ses joues. Il n’avait que cinq ans, mais il était courant de voir un gamin de cet âge là seul dans les rues et quand quelqu'un s’arrêta devant lui, il ne bougea pas. Ce dernier le toucha du bout du pied et lui demanda s’il était mort. Il lui avait répondu que non et alors, l’inconnu s’était assez à côté de lui en lui disant que lui, c’était Devon, qu’il habitait la maison bleue de la Sunset Avenue. Hunter connaissait la maison bleue, c’était la maison de celui qui battait sa femme et ses enfants. Tout le monde le savait dans le Dogtown et tout le monde menaçait ses enfants de les envoyer chez Roger McAllistair. Il parait qu’il avait pourtant été fort séduisant à l’époque du lycée, qu’il était un sportif prometteur alors qu’aujourd’hui, il n’était plus qu’un raté alcoolique et bedonnant. Et qui frappait sa famille. Hunter avait alors levé les yeux sur son aîné et celui-ci avait en effet un vieux cocard qui avait viré au vert sombre, pourtant Devon souriait, de son sourire le plus éblouissant. Il était véritablement l’enfant soleil de Dogtown, le soleil d’Hunter qui ce soir là avait l’estomac qui criait famine car sa mère ne s’était pas occupée de lui de la semaine, qu’elle était toute occupée par le bébé et qu’il n’y avait plus rien à manger et surtout, qu’il n’y avait plus de père Brunkhorst. Ce lâche avait abandonné femme et enfant sans ressources dans leur petit mobile-home dont ils peinaient à rembourser. Ce soir là, Devon avait prit la main d’Hunter et lui avait dit qu’ils avaient à manger chez eux, que son papa n’était pas là. Hunter avait eu peur mais guidé par celui qui allait devenir un véritable frère pour lui sut le rassurer et le ramena chez lui. Il fut surpris de l’ambiance régnant dans la petite maison bleue, pas de cris ni de haine, juste une mère aimante mais totalement dépassée et avachie devant la télé, une petite fille posée tout contre elle, l’entourant de ses petits bras à la peau blanche. Valentina était alors âgée de trois ans et son sourire triste derrière ses longs cheveux blancs, coupés en frange sur son nez frappa immédiatement Hunter. Il était trop jeune pour véritablement s’intéresser à elle, et pourtant, ce n’est qu’une poignée d’années plus tard qu’il comprit la violence de son amour pour elle. C’était un amour contenu et discret mais des années durant, il n’avait jamais pensé qu’à elle, et à huit ans tous juste, alors qu’il allumait déjà ses cigarettes, planqué sur une branche d’un arbre feuillu, il se voyait déjà la demander en mariage et la chérir jusqu’à mort les sépare. Oui, à cet âge là, il voulait passer sa vie aux côtés de Valentina, la rendre heureuse et devenir le père de ses enfants alors qu’il n’était même pas encore sur de ce qu’il fallait faire pour cela. Il avait bien regardé en cachette les magasines du vieux McAllistair que Devon lui avait montré lors d’une après-midi en école buissonnière mais tout de même, cela n’expliquait rien à la chose. S’il avait su à quel point il se rattraperait ensuite. Pendant des années, il n’avait osé le lui dire, s’imaginant qu’une aussi belle fille ne pourrait jamais l’aimer lui, alors qu’il était bêtement Hunter. Même pas exceptionnellement beau, même pas exceptionnellement intelligent, parce qu’il était vraiment très nul à l’école et qu’il préférait aller gambader à la plage plutôt que d’user ses culottes sur les bancs d’école, bref, il n’avait rien pour plaire à l’enfant lune.

Il était alors allongé sur le dos après avoir soigneusement retiré son t-shirt pour ne pas trop le salir et ainsi économiser les quelques cents que lui coûtait laverie automatique, un joint coincé entre ses lèvres tandis que son regard se portait d’étoiles en étoiles. Ce n’était pas le premier de la soirée qu’il fumait et à mesure ou son regard se perdait dans le ciel, ce dernier lui semblait aussi noir que…les abysses par exemple. Après tout, les étoiles pouvaient aussi bien être des astres que des cténophores dans ce monde d’infini petit et d’infini immense, Hunter lui n’était qu’un milieu de ces deux extrêmes, être humain insignifiant et stone. Reprenant son joint entre ses doigts, il laissa un mince filet de fumée s’échapper de ses lèvres charnues, observant silencieusement les voutes grises se former au dessus de lui tandis que ses yeux lui piquaient un peu, le feu crépitant à ses côtés en était le responsable. Reprenant une nouvelle bouffée, il se frotta ensuite légèrement les yeux avant de laisser retomber ses bras le long de son torse à la peau tendue, laissant le cône incandescent à la merci de sa dépendance. C’était tellement bon, le sable chaud dans son dos, le bruit des vagues sur la plage, l’odeur iodée mélangée à celle de leur feu de camp et de celle, plus doucereuse de leur herbe, et bien sur, cette sensation indescriptible de laisser son esprit flotter de façon incorporelle, comme s’il était sortir de son propre enveloppe corporelle le temps d’un petit voyage dans un monde connu de lui-seul. Mais ce qu’il aimait par dessus tout, c’était la présence du blond à ses côtés. Devon. Depuis le jour ou le garçon l’avait emmené chez lui, dans la petite maison sur la Sunset, ces deux là ne s’étaient plus quittés. Il était devenu son point de repère, son centre de gravité, son oxygène, son ami, son frère. Il était tout pour lui et sa seule présence l’apaisait. Hunter se rendait bien compte que son ami l’entrainait dans ses galères et exerçait ce qu’on appelait communément une mauvaise influence sur lui, mais il ne lui en voulait pas car même s’il le guidait sur la mauvaise voie, Hunter l’avait toujours suivi de son propre chef, fonçant tête baissée dans la même direction que son aîné. Comment aurait-il pu en faire autrement ? Il ne faisait que suivre la lumière et Devon était son soleil. Ce dernier, allongé à ses côtés se redressa un instant avant de dévisser le bouchon du mauvais whisky qu’il avait dérobé dans la réserve de son père et en boire quelques gorgées directement au goulot. Il resta longuement silencieux avant de se tourner vers Hunter, totalement stone, le blond soupira avant de porter son regard sur leur feu, faisant crépiter une minuscule flamme dans ses yeux bleu. « Hunt’ » Tenta-t-il, espérant que l’adolescent redescendrait de son trip. Ce dernier n’y réagit pourtant pas ce qui laissa à Devon le temps de réfléchir à ce qu’il tenait à lui dire, car il en avait gros sur le cœur ce soir. Il ne savait pas comment lui dire les choses et avait peur de le blesser, mais il devait également assurer le bonheur de sa sœur et pour cela, il y avait une dernière chose à régler. Poussant une grande inspiration pour se donner du courage, il se pencha plus franchement vers Hunter pour le secouer de l’épaule. « Allo la Lune, reviens sur Terre ! » Ainsi dérangé, le jeune garçon reprit peu à peu ses esprits et se redressa à son tour en prenant appui sur son coude, reprenant le joint de l’autre main. « Quoi ? » demanda-t-il sans marquer de réelle émotion dans le ton de sa question, ne sachant trop s’il était agacé, frustré, surpris, inquiet ou curieux. Dans le doute, il s’abstint d’afficher la moindre expression, attendant que son ami s’exprime. « J’ai repensé à ce que tu m’as dit hier soir, je te jure ça m’a travaillé toute la nuit. Je sais que tu es sincère avec ma sœur mais il y a un truc… » Il marqua une pause tandis qu’Hunter ne planait plus du tout à présent que son ami avait abordé le sujet de Valentina. Il lui avait avoué pour la première fois ses sentiments pour sa sœur et il était essentiel pour lui que Devon lui donne sa bénédiction. Son cœur s’accéléra d’appréhension, ne sachant trop ce qu’allait lui dire son ami et en toute franchise, il redoutait plus que tout de devoir choisir entre l’un des deux, chose qui lui était d’ailleurs absolument impossible. « Elle va me tuer si je te le dis mais bon je te le dis quand même : elle t’aime aussi, comme une folle d’ailleurs, elle arrête pas de me parler de toi et tout. Mais bon, tu sais que moi je ne veux que son bonheur, le votre à tous les deux d’ailleurs parce que vous êtes faits l’un pour l’autre et que je suis pas débile, je sais que ça ne date pas d’hier cette affaire… » Continua le blond avec un petit sourire au coin des lèvres, provoquant un fard chez le brun qui détourna le regard, gêné d’être ainsi dépossédé de ses sentiments. Il pressentait pourtant que Devon ne faisait que tourner autour du pot, reculer pour mieux sauter et il sentait qu’il n’aimerait guère la suite et son sentiment se confirma effectivement. « Le truc, c’est que je n’aime pas que tu tournes autant autour de cette Lena. Ok elle est ton amie et tout, mais je sais pas trop comment interpréter votre relation en ce moment tu vois… » Se redressant totalement cette fois, Hunter l’observa perplexe. Comment ça, interpréter leur relation ? A ses yeux, il ne lui avait jamais rien caché, cela dit, il n’était pas très certain de la nature de ses sentiments pour la jeune brune et préférait les occulter pour ne pas se troubler davantage ou se détourner de Valentina. Poussant un léger soupire, il haussa alors les épaules d’un air désinvolte. « Il n’y a rien à interpréter Dev’, Lena est mon amie, c’est tout. » Cette réponse ne sembla pourtant guère convenir au blond qui se tourna vivement vers le cadet, le visage peint par l’irritation. « Merde Hunter, te fout pas de moi ! Tu crois que je ne vous ais pas vus l’autre fois ? Depuis quand on fout les mains sous la jupe de ses amies ? » Abasourdi par l’énervement visible de Devon, Hunter tourna un instant la tête vers l’océan dont les vagues venaient lécher le sable blanc de la plage. Ralenti par la drogue, il tentait pourtant de rassembler ses idées pour trouver un moyen de se sortir de cette situation dans laquelle il s’était fourré tout seul, car oui, s’il était amoureux de Valentina, il ne s’en comportait pas moins de façon ambiguë avec Lena. Non, Devon n’avait pas tord de s’inquiéter et il comprenait parfaitement sa position, il ne voulait que protéger sa petite sœur. Poussant un petit soupire, Hunter se tourna à nouveau vers le blond en portant inutilement le joint à ses lèvres, ce dernier s’était éteint. « Je ne ferais jamais rien qui pourrait la blesser. » Une réponse laconique qui ne justifiait en rien son comportement envers Lena et qui ne conviendrait probablement pas à son ami qui s’attendait probablement à davantage de sa part même s’il était habitué aux silences d’Hunter. Le jeune brun n’aimait guère s’exprimer sur ses sentiments et usait avait parcimonie de la parole. « Justement, tu ne crois pas que tu devrais éviter de voir Lena dans ce cas ? Votre amitié est dangereuse pour toi et Val, tu le sais aussi bien que moi et j’ai pas envie de devoir te démolir tu comprends ? Mais si tu fais du mal à ma sœur… » Répondit Devon, une pointe de douleur dans la voix. Ce dernier aimait plus que tout au monde sa petite sœur et à ses yeux, Lena était un vrai danger, elle était la seule à être parvenue à détourner Hunter de Valentina jusqu’à présent et rien que pour cela, il la détestait. A vrai dire, il aurait préféré qu’elle ne vienne jamais avec eux, qu’elle reste dans sa famille de bourgeois biens sous touts rapports et surtout, qu’elle reste loin d’Hunter. Ce dernier resta justement longuement silencieux, stupéfait par la demande de Devon. Il n’aimait pas du tout la tournure de la conversation et ne savait guère comment réagir. Lena faisait parti des personnes les plus importantes de sa vie, il ne se passait quasiment pas un jour sans qu’ils ne se voient et entre eux, une grande complicité était née en peu de temps mais il savait également que son ami disait vrai : Bien qu’opposée à la douce Valentina, Lena l’attirait et il aurait aisément pu finir par la choisir elle. « Ne plus voir Lena ? Ne me demande pas ça Dev’ tu sais combien elle compte pour moi. » finit-il par dire d’une voix inaudible, sentant son estomac se tordre à l’idée même de ne plus la revoir. « Je sais, mais réfléchis deux secondes, Lena ça fait un an que tu la connais et nous dix…Déconne pas merde. En plus elle finira par foutre le camp ou se faire virer avec ses conneries, c’est sa combientième famille d’accueil là ? Quand elle sera plus là, tu n’auras plus que les yeux pour pleurer ! » Poussant un profond soupire, Hunter s’était alors laissé retomber dans le sable, se perdant dans la contemplation du ciel-abysse, troublé par l’ultimatum de celui qu’il considérait comme son frère.

Il arrêterait la drogue, l’alcool aussi, mais surtout la drogue, même si ces chaussures de ville lui faisaient atrocement mal au pied et qu’il crevait d’envie de prendre un truc pour apaiser la douleur. Il aurait été tellement plus simple pour lui de prendre le métro pour traverser la ville mais cela était inconcevable pour lui, on ne le voyait d’ailleurs jamais dans le moindre transport en commun, la vérité étant qu’il n avait peur tout simplement. Voilà tout un mythe s’effondrait : Hunter Brunkhorst était mort de trouille à l’idée de rentrer dans quoique ce soit de motorisé. Il avait pourtant pris la voiture récemment : Il avait traversé le pays entier en stop un an plus tôt. Il avait pourtant l’âge légal de passer le permis et il savait parfaitement conduire une voiture, mais en réalité, l’idée de reprendre le volant un jour lui paraissait inconcevable, finalement il était un peu comme un ancien alcoolique ne devant plus jamais boire la moindre goute d’alcool pour ne pas replonger, ou un violeur devant se faire castrer chimiquement, quelque chose dans ce genre là. Mais dans tous les cas, il avait l’intime conviction qu’il ne devrait plus approcher le moindre véhicule, trop de morts sur la conscience, il ne voulait pas en rajouter d’autres. Il avait été le seul survivant de l’accident et si ses amis en avaient payé de leur vie, lui avait donné sept ans de sa vie. Il n’était alors âgé que de quinze ans le soir ou sa vie avait été brisée, au même titre que sa colonne vertébrale. Il se souvenait encore du goût du sang dans sa bouche et sa vision rougie quand il avait reprit conscience dans la voiture à l’habitacle replié sur lui même tel un accordéon. Devant la vision d’horreur, il avait hurlé, enfin, avait tenté de le faire mais rien n’était sorti de sa bouche, rien à part un affreux gargouillement de sang qui lui vint en bouche, manquant de l’étouffer. Il aurait aimé tousser, cracher mais il en avait été incapable. Non, il était resté parfaitement immobile. Il n’avait pas souffert, mais la panique l’avait envahit : tout ce sang partout n’était pas normal et son incapacité de bouger ne l’était pas non plus. Il avait essayé pourtant, de toutes ses forces, mais rien n’y avait fait, son corps avait été pris d’otage et sa colonne vertébrale avait été broyée par la tôle. Il ne se souvenait plus trop de la suite, car les secours étaient arrivés et l’avaient endormi, mais il se souvenait avoir vu les pompiers de désincarcérer à l’aide de scies et ce genre de choses. Puis il s’était réveillé dans une chambre aseptisée, il ne pouvait toujours pas bouger mais au moins, il y voyait à nouveau clair et non pas en rouge. Les premières semaines furent terribles et il n’avait de cesse de lutter pour bouger en vain, puis il était assommé par les médicaments. En réalité, les médecins ignoraient encore par quel moyen il avait pu survivre à un tel accident, bien sur, il avait été grièvement blessé avec de multiples fractures et ses vertèbres avaient éclatées et pourtant, les chirurgiens avaient passés des heures à récupérer les moindre fragments pour tenter le tout pour le tout. En toute honnêteté, ces chirurgiens étaient des super-héros et avaient fait un travail monstre sur lui, assez pour qu’il survive de ses blessures du moins mais si les premières semaines furent terribles, les mois suivants furent pires encore. Les premières visites furent autorisées et voir ces visages familiers au dessus de son visage immobile l’avait rendu fou, il aurait tant voulu pouvoir leur parler, leur raconter, s’excuser mais il en avait été incapable. Sa mère était venue, son frère aussi mais il y avait aussi eu le visage parfait de Valentina. Croiser son regard triste l’avait achevé. Il aurait aimé mourir à ce moment, mais il ne le pouvait pas, pas plus qu’il ne pouvait bouger. Puis quelqu’un lui avait dit. Pour Devon et les autres. Ce fut long, plusieurs années privé de son corps et pourtant, a la surprise de tous, il était parvenu à bouger à nouveau, un doigt, puis deux. Qu’il ait également retrouvé l’usage de ses jambes quatre ans plus tard relevait du miracle tout simplement. Il ne pouvait pas marcher longtemps au début et la rééducation fut longue et éprouvante pour lui, mais quand les médecins lui donnèrent le feu vert pour sortir de l’hôpital, il parut évident qu’il ne pourrait retourner chez lui, leur mobile home n’étant pas aménagé pour cela. Il n’avait avait alors déjà dix-neuf ans et pourtant, on lui assigna une place dans une famille d’accueil, le temps qu’il s’en remette complètement. L’expérience fut particulière pour lui qui n’avait jamais connu que l’extrême pauvreté et la liberté absolue, le voilà entouré d’une famille aimante qui faisait tout en son possible pour lui faciliter la vie. Il leur en serait éternellement reconnaissant et pourtant, il était parti du jour au lendemain. Il aurait pu rentrer chez lui à Venice, mais retourner là bas semblait au dessus de ses forces, il ne voulait pas revoir les quartiers de son enfance, il ne voulait pas revoir Valentina a qui il avait volé le protecteur, ni revoir sa mère qui avait tout supporté sans broncher. Il avait trop honte de tout ce qui s’était passé. Un soir, il avait simplement décidé de partir, la démarche bancale, il avait alors marché jusqu’en ville et pris un bus, le cœur battant et c’est une centaine de kilomètres plus loin qu’il avait levé le pouce au bord de la route, un carton indiquant « Quelque part » au bout de la main. Il n’avait pas à attendre longtemps pour qu’une voiture s’arrête, un énorme 4x4 noir et à l’intérieur, une belle blonde. Probablement une nouvelle passion.

Né intoxiqué par la drogue que sa mère avait absorbé tout au long de la grossesses, les médecins n’avaient pas eu longtemps à comprendre ce qui clochait et pourtant, rien n’avait été fait. Bien sur, les services sociaux ont été appelés mais jamais ils ne sont venus. Jamais les services sociaux n’intervenaient pour les enfants du Dogtown, après tout ces gosses finiraient tous en maison de correction ou en décomposition dans un appartement miteux, la seringue encore coincée dans l’aine, ou ailleurs, là ou là peau pouvait encore être percée par l’aiguille. Non, ces enfants ne voyaient jamais l’ombre d’une assistante sociale et devaient se débrouiller seuls avec leurs maigres cartes en main. Hunter avait fait parti des chanceux au sein de la Sunset Avenue, après tout, il avait eu un toit, mangeait plus ou moins à sa faim quand sa mère était assez consciente pour s’occuper d’eux et en prime, il ne se faisait même pas battre alors que bon nombre de ses compagnons d’infortune subissaient les plus terribles sévices. Certains comme Devon parvenaient à occulter leurs problèmes, à laisser leurs soucis sur le seuil de leur porte alors que d’autres finissaient par sombrer tout simplement. Ils finissaient pas exploser ou au contraire, imploser. Il avait encore le souvenir cuisant d’un ancien ami à lui se tordant de douleur lui demandant de lui faire son shoot. Lui qui n’avait même pas quinze ans encore s’était donc retrouvé à suivre les instructions de son ami avant de lui le lui injecter, les mains tremblantes à l’idée de se louper. De lui faire mal, ou de lui injecter de l’air. A priori rien de tout cela n’arriva puisqu’il cessa de se tortiller pour entrer en une sorte d’extase artificielle laissant Hunter perplexe. Comment pouvait-on seulement vivre comme ça ? Comment pouvait-on qualifier cela d’une vie ? Celle-ci s’écourta d’ailleurs peu de temps plus tard pour cet ami qui mourut d’une overdose, laissant l’adolescent profondément marqué et dégoûté de la drogue. La drogue dure, parce qu’à l’époque il était loin d’être clean lui-non plus, mais il s’était juré que jamais de sa vie il ne prendrait de drogues dures comme l’héroïne ou la meth si courante dans les rues du Dogtown. Il les méprisait même ces junkies trop défoncés pour se défendre ou même se rendre compte qu’on les volait, non ces loques humaines lui avaient toujours fait froid dans le dos et jamais, oh grand jamais Hunter Brunkhorst sombrerait ainsi. C’est ce qu’il disait à quinze ans : sept ans plus tard, l’ensemble de ses principes et décisions avait volé en éclat. Il avait pourtant tenté de décrocher quelques mois plus tôt quand il avait retrouvé Valentina. Celle dont il avait toujours été fou amoureux, celle pour qui il aurait donné sa vie et surtout, celle a qui il avait volé l’être le plus cher. Il ne méritait même pas qu’elle lui accorde le moindre regard et pourtant, après lui avoir crié dessus, elle avait fini par s’asseoir à ses côtés et pire, elle lui avait dit qu’elle lui pardonnait. Comment le pouvait-elle seulement alors que lui-même ne se l’était jamais pardonné et qu’il ne le pourrait jamais ? A ce moment là, il eut la première lueur d’espoir depuis bien des années et avait même décidé de se reprendre en main, de cesser de boire et surtout, stopper la drogue. Il y avait vraiment cru et s’état battu de toutes ces forces contre ses addictions et pourtant, tout avait basculé une fois de plus tout simplement parce qu’il était le plus grand idiot de New-York et qu’il merdait absolument tout ce qu’il entreprenait. Il n’y avait aucune chose dans sa vie dont il pouvait être fier, pas la moindre ombre de réussite. Rien. Il avait beau faire ce qu’il voulait, sa vie avait été merdique et le serait jusqu’à la fin de ses jours pour la simple et bonne raison qu’il était trop stupide pour faire les bons choix au bon moment. Il aurait pu ne pas arrêter l’école et décrocher un diplôme pour devenir avocat comme Blake, il aurait pu ne pas appuyer sur ce foutu accélérateur et continuer sa vie comme si de rien n’était, il aurait pu choisir de retourner dans son quartier et affronter ses responsabilités en face, mais il ne l’avait pas fait non plus, préférant fuir à l’autre bout du pays. Il aurait pu mille fois améliorer sa vie et devenir quelqu’un de meilleur, mais non, il merdait absolument tout comme il avait tout saboté avec Valentina alors qu’elle venait tout juste de lui réaccorder sa confiance. Au fond, c’était peut-être une bonne chose si elle l’avait quitté, il avait toujours été toxique pour l’ensemble de son entourage et exerçait une très mauvaise influence sur quiconque l’approchant. Avec son regard sombre, son attitude nonchalante et son sourire de coin, il attirait n’importe qui dans ses filets et sans même le vouloir, vous poussait à le suivre dans la mauvaise pente. Sa meilleure amie Heaven n’avait-elle pas recommencé à fumer, boire et se droguer en sa compagnie ? Elle l’avait dit elle même, avec lui à ses côtés elle ne pouvait qu’être influencée. Il était capable de rendre l’enfer attrayant, et même en train de crever, Hunter pouvait vous donner l’envie de vous injecter la même chose, juste parce qu’il l’avait fait et que quand il le faisait, il faisait naître en vous le désir. Son charisme était sa seule qualité et pourtant, elle était également ce qu’il avait de plus dangereux. Quand Valentina était repartie pour fuir loin de lui, tous ses efforts étaient partis en fumée et comme s’il n’avait jamais cessé de se shooter, il avait repris plus fort que jamais avec ce besoin grandissant de drogues plus fortes, plus puissantes. Une euthanasie par exemple. Rien ne venait à bout de ce mal qui le rongeait, la douleur d’avoir perdu une deuxième fois l’amour de sa vie et c’est alors qu’il avait rompu sa promesse. De simple LSD et herbes, il avait tapé plus fort, beaucoup plus fort. Mais l’argent avait vite manqué, il n’avait même plus assez pour se payer ses shoots et se contentait alors d’avaler une multitude de médicaments plus ou moins inoffensifs qu’un étudiant en pharmacologie lui filait. Il gobait les cachets par dizaines sans même se soucier de leurs effets, masquant les effets secondaires par d’autres médicaments. Plus d’une fois il avait cru crever en avalant de la buprénorphine avec de l’alcool mais il avait recommencé dès que l’effet redescendait, ce n’était pas aussi puissant que l’héroïne mais elle l’anesthésiait suffisamment pour qu’il puisse trouver un répit, de plus en plus court hélas. Il n’était plus qu’une de ces loques qu’il méprisait tant et pourtant, un jour il s’était levé et avait compris qu’il lui fallait faire un choix, celui de revivre ou celui de survivre. Il avait choisi de vivre et c’est ce qu’il s’efforçait de faire chaque jour passé sans se défoncer. Il avait souffert le martyr les premiers jours, à cause de la bupe, ce médicament habituellement prescrit aux héroïnomanes et les premières crises de manque l’avaient tordu de douleur et rendu malade comme un chien mais il avait résisté, il n’avait plus avalé le moindre cachet, pas même un doliprane. Rien.

Comment résumer sa vie en trois mots ? Décadence, Blondes et Conscience (blonde, elle aussi)

He's baaaaaaaaaaaack
Bon retour parmi nous
Bon courage pour ta fiche

Re-bienvenue alors