→ Cette ville était définitivement… définitivement remplie de cinglés. Venant de moi, il en fallait beaucoup pour que je dise ça, mais reconnaissons tout de même qu’au milieu des énergumènes que j’avais pu croiser ces dernières années, je me sentais presque « normal ». C’était assez plaisant, remarquez… je savais que je n’allais pas devoir déménager trop rapidement, puis-ce que je n’étais pas plus louche que d’autres… ça me ferait sans doute gagner du temps vis-à-vis des exorcistes. J’avais déjà repéré quelques uns d’entre eux dans la ville, d’ailleurs, ce qui m’avait amené à imaginer un plan pour me débarrasser temporairement d’Abaddon. Je vous ai déjà parlé de lui ? Non ? Environ vingt-cinq ans, grand brun, BG à souhait, cicatrice à la joue… qui a rien trouvé de mieux comme prénom d’emprunt que « Faust »… sérieusement ? Faust ? C’est juste comme ça que j’appellerais mon poney, personnellement. M’enfin, comprenez-le, il veut faire genre qu’il a du swag et qu’il est classe, sans parler de son nom de famille qui arrange pas l’affaire. Dans le genre discret, il n’a jamais su s’y prendre, de toute façon… monsieur se croit tellement génial qu’il n’a pas besoin d’être subtil, vous comprenez ? Bref, nous allons éviter le sujet ou sinon je vais commencer à m’énerver… et puis c’est la fin de mon service, j’aimerais bien me détendre un peu en évitant qu’on me rappelle que ce tortionnaire est à Misty Hill. Tiens, penser à Isaac était beaucoup plus marrant, par exemple ! Il me faisait presque de la peine, dans le fond, avec ses problèmes qui s’accumulaient les uns sur les autres, mais c’était bien trop drôle de l’embêter pour que je laisse ma faible empathie prendre le dessus. En parlant d’empathie, d’ailleurs…

« J'ai fais des cookies... »

Je m’arrêtais brusquement sur le pas de la porte en posant de grands yeux sur la jeune femme qui me faisait face. Bon sang, j’avais oublié que je n’étais plus seul chez moi ! L’apparition « soudaine » d’Esmeralda m’avait laissé dans une immobilité totale et il fallut quelques secondes pour que je me reprenne et pense à lui faire un sourire de circonstance. Rappelez-moi pourquoi je l’avais ramenée chez moi, déjà…? Ah oui… c’est bon, ça me revient : je n’avais encore jamais croisé une femme aussi belle et exotique depuis que j’étais arrivé en Écosse et je n’avais pas l’intention de la partager avec qui que ce soit. Mes motivations étaient complètement égoïstes, je sais bien, mais depuis quand étais-je altruiste ? Ca ne faisait que quelques jours que j’avais « innocemment » proposé à la demoiselle de dormir dans une chambre libre de la maison et pour l’instant, je n’avais pas encore tellement eu l’occasion de la connaître plus que ça. Je savais juste qu’elle ne représentait pas une menace active et qu’elle allait potentiellement pouvoir m’offrir de quoi jouer un peu pendant ces prochaines semaines. En attendant, je voulais d’abord me rendre important à ses yeux… donc pas d’abus pour tout de suite, retenez les chevaux. C’était tout un art de se rendre irremplaçable pour quelqu’un avant de l’achever et ça prenait du temps, mais j’appréciais le processus autant que le résultat final, lorsque je finissais par briser tout ce qui avait été construit dans la relation, pile poil au moment où je sentais que ça pouvait vraiment faire mal. Réparer les belles choses, puis les casser à nouveau, c’était ma façon « lente » de récolter les âmes (parce que oui, même sans tuer quelqu’un avec un flingue, il y avait des façons très simples de les inciter à se tuer eux-mêmes après quelques heures seulement… le tout étant de bien choisir la victime au préalable). En général, il était très difficile de recoller les morceaux d’un objet qui s’était écrasé deux fois par terre… et chez les humains, la confirmation qu’ils étaient définitivement irrécupérables se résumait par un suicide de leur part; c’est là que je pouvais me flatter d’avoir fais mon travail jusqu’au bout. Néanmoins… nous n’en n’étions pas encore là avec Esmeralda.

Oh god… mais ne me regarde pas comme ça, ma grande, bon sang.

« Des cookies ? »

Tiens… c’est vrai qu’il y avait une odeur agréable dans l’air. Je ne pourrais pas vous dire depuis quand le four n’avait pas été allumé dans cette cuisine, mais à mes derniers souvenirs, c’était il y a fort fort longtemps. J’avais la flemme de faire à manger correctement que c’était presque un miracle que mon invitée ait trouvé les ingrédients qui lui fallait dans les placards et le frigo. Après avoir posé mes clés sur le meuble de l’entrée, je laissais trainer mes yeux un peu partout autour de moi pour remarquer que l’endroit semblait plus propre qu’hier.

« Et tu as fais le ménage aussi ?! Je ne m’attendais pas à ça en rentrant… ça fait tellement longtemps que je suis seul… merci beaucoup. »

J’avais touché le gros lot, ma parole ! Mon attention se reposa rapidement sur mon interlocutrice, sur les cheveux de laquelle je remarquais rapidement un peu de traces blanches. Automatiquement, je m’approchais alors pour passer une mèche entre mes doigts, sans cacher mon enthousiasme pour le mal qu’elle s’était donné.

« On dirait que t’as pas arrêté, aujourd’hui, tu devrais peut-être aller prendre un bain… »