→ J'avais l'impression de tourner en rond. Les mêmes cours et les mêmes journées. Peut-être que je devenais adulte ? Je veux dire, vraiment adulte. Techniquement je l'étais depuis cinq ans, mais j'avais toujours eu un problème avec le règlement. J'avais envie de temps en temps de recommencer comme avant, sauf que j'avais vingt-deux ans, et qu'à cet âge, on ne peut plus vraiment agir comme quand on a dix-huit.
"Tu es beaucoup trop active" me disait sans cesse ma mère en levant les yeux au ciel. En même temps, je ne me voyais pas rester les bras croisés et faire seulement des allés-retour entre mon appartement et la fac. À l'entendre, je devais rester attacher à une chaise et...
Un bruit de klaxon retentit dans mes oreilles. Je sursaute et lève la tête de mes pieds en fixant la route. Une grosse voiture rutile à seulement un mètre de moi. Le conducteur (un homme gros et gras) penche sa tête par la vitre: "Le feu rouge tu connais ?", m'agresse-t-il en levant le poing. Je regarde le feu, qui effectivement montre le petit bonhomme écarlate inactif et droit. Je fronce les sourcils et regarde l'homme: "T'as qu'à appelé les flics si t'es pas content !".
Les piétons qui passent à coté pouffent, mais pas l'homme qui vocifère ensuite un flot de paroles noyés d'insultes et de grossièretés. Même si elles m’impressionnent, ça ne m'empêche de lui dire les mots suivant: "Au lieu de manger des fast food, tu ferais mieux d'avaler des carottes, ça te rendrais plus aimable vieux..."
Le reste de ma phrase est interrompu par un fracas de voiture. Je me raidis comme un manche à balais lorsque je découvre qu'une camionnette vient de foncer à l'arrière du véhicule. Le conducteur sort en ouvrant sèchement la portière et regarde les dégâts dans des cris de désespoir.
Sauve qui peut, avant de payer la note de ce malentendu ! Je me retourne et file à l'angle d'une rue, au hasard. Voilà ce que c'est que de s'arrêter en plein milieu d'un carrefour pour enguirlander une brave citoyenne tout à fait en règle. Les gens pouvaient parfois être d'un si mauvais poil !
Je fais un détour considérable afin de ne pas retomber sur le même carrefour et finis par retrouver l'immeuble abritant mon appartement. J'ouvre la boite aux lettres, regarde mon courrier qui ressemble à un amas de factures et de quelques lettres de plaintes concernant le tapage nocturne qui proviendrait de mon appartement. J'entre, monte dans l'ascenseur et prie qu'il ne tombe pas en panne (déjà deux fois en seulement un an). Je sors sur mon couloir en faisant le moins de bruit possible pour faire plaisir aux petits vieux qui, au lieu de choisir une maison à la campagne, préfèrent emmer... Pardon, embêter leur monde en s'installant en haut d'une tour qu'ils ne peuvent même plus monter lorsque l'ascenseur est en panne !
Bon, trêve de plaisanterie, il me faut mes clés. Où sont-elles encore passées ?
Je lève la tête de mon sac, puis souffle, exaspérée. J'ai encore claqué la porte sans les prendre...