→ Littéralement t'es blasé. T'es juste là, les yeux dans le vide et tu réfléchis. Ouais, ça t'arrive souvent de réfléchir. Pourtant toute la journée t'étais de bonne humeur. On pouvait même pas te décoller de ton sourire. Puis il suffit d'une seconde et tout s'écroule. Comme maintenant un peu. Les gens marchent, la vie défile sous tes yeux, mais toi t'es juste assise sur ce banc et tu regardes. Ils courent après le métro, sautillent sur place en attendant le bus parce qu'il est fait trop froid, où ils rentrent juste dans un bar ou un restaurant, histoire de décompresser. Ouais parce que c'est le soir, c'est la fin de la journée, fini le boulot, fini l'école, enfin le temps est à nous. Le temps cet enfoiré. Il veut pas de toi, il ne t'aime pas, c'est pas le seul à ne pas vouloir de toi. Concrètement, t'es juste en train de déprimé. Quand c'est comme ça, tu vois juste que la terre entière est contre toi, tout est mauvais, tout est nul, personne ne t'aime, bouh bouh vilain petit canard. Tu pourrais rentrer chez toi et déprimer, mais non tu ne peux pas. Parce que ça devrait dire encore faire semble, offrir des sourires, faire l'idiote, tout simplement pour éviter de donner une raison à Ophelia de s'inquiéter pour toi. C'est ta maladie hein, le médecin te l'a déjà dit, tu l'auras toute ta vie alors tant qu'à faire tu n'as qu'à prendre les médicaments. Ouais cool, mais t'as dit non parce que comme il l'a dit c'est à vie et tu ne veux pas devenir une folle juste parce qu'elle n'a pas prit son médicament, puis c'est pas vivre sérieux les médicaments. Sûrement pour ça que t'as arrêté de prendre la pilule, la dépendance. Bref, rentrer chez toi signifiait faire semblant et là maintenant, là ce soir, t'en as pas vraiment envie. Pour une fois laisse toi aller et prends l'air. Tu sais que tu ne rentreras pas ce soir, alors t'envois un sms à Ophelia, histoire qu'elle ne s'inquiète pas. Tu prétextes dormir chez une amie de ta classe pour cause de partielle, mensonge tu dormiras sûrement chez le premier venu ou à l'hôtel, t'as pas encore décidé. T'as mal à la tête, tu réfléchis trop. Ah bah voilà, tu l'as sens, elle arrive cette crise. Respire, respire. Ah non tu veux pas ? D'accord. Ta respiration s'accélère, très vite tu ne trouves plus de rythme, c'est trop vite. Y a un sac en papier de McDo sur le banc, tu le prends et tu t'allonges, puis t'essayes de retrouver de l'oxygène avec le sac. On vient te demander si ça va, tu fais signe avec ta main que oui, après tout tu es une habitué. Pendant plus de trois minutes, tu vas inspirer par le nez et expirer par la bouche dans ce tout petit bout de sac sûrement plus que dégueulasse. Quand tu la sens passer, tu t'assois de nouveau sur le banc et tu regardes autour de toi, encore. Puis tu repenses à quand tu t'es réveillé ce matin et que tu t'es dit 'tiens si j'emmerdais quelqu'un'. Sur le coup t'avais pensé à Dario directement. Peut-être parce qu'il est italien, ouais c'est vrai que depuis ce connard d'italien Christophe t'as brisé le coeur, tu fais ta pute avec les italiens, mais Dario c'est une gentille pute. Alors tu l'appelles, chanceuse ou non, tu tombes directement sur lui, il vient de finir le boulot. Tu lui dis que ça t'arranges puisque t'es pas loin, tu lui proposes de te rejoindre dans le bar australien du coin, histoire de boire un coup, ça ne lui pose pas de problème. Bizarre de l'appeler alors que tu veux pas rentrer, mais lui ça compte pas, dans des moments pareilles, il est celui qui te rappelle Paris et d'une certaine manière ta vie là bas. Puis comme tu le dis si bien c'est ta loutre, il fera sûrement joujou avec une balle et il te fera rire. Puis si ta mémoire est bonne, ce soir c'est foot et il est celui qui comprend ta passion pour ce sport. La connerie parisienne maybe.