→ « Il y avait tant de banalité, dans cette invitation. Pourtant, l'enveloppe dans la main de Max puait le mystère. La belle asiatique était restée assise une bonne heure dans la salle commune des Durmstrang, incapable de faire un choix. S'y rendre, ou rester dans son lit ? Une fête. Elle n'était pas très fêtarde. Cependant, elle en était venue à la conclusion qu'elle avait besoin de quelqu'un chose pour lui faire oublier la distance qui la séparait des siens et de ses racines, encore plus vers l'est, au-delà des larges et glaciales étendues de la Sibérie. Elle s'y était donc rendue, vêtue de noir piqueté de taches de couleurs vives, comme à son habitude. Et, la marque de fabrique de Max, elle portait de confortables bottes en cuir à talons, rapportées de Mandchourie lors de ses vacances estivales. Et, sous l'étoffe du t-shirt décolleté, une chaîne en argent faîte de multiples signes mandchous, formant le nom de chaque membre de sa famille encore vivant. Son unique lien avec sa famille maternelle, vivant si loin d'elle.

Puis ce fût le noir. Le noir complet, la tête enfouie dans un sac. Max paniqua. L'incompréhension l'envahit. Qu'était-ce ? Une mauvaise farce ? Le sentiment de tiraillement à l'intérieur d'elle-même alors qu'elle ne pouvait bouger la frustra. Elle, aussi libre qu'un oiseau, se retrouvait enserrée par des liens qui la privaient de son plus grand bien. Elle chérissait sa liberté plus que tout au monde. Elle y était aussi attachée que tout Mandchou. Elle bloqua sa pensée sur les bruits alentour, évitant de penser aux larges étendues de la Russie et de son pays d'origine. Son coeur battait la chamade, mais elle parvint à calmer son esprit. Pourquoi une telle mise en scène ? Qui avait le pouvoir de s'en prendre à des élèves ? Qui avait le pouvoir et l'organisation pour mettre en place un - des ? - enlèvement(s) ? Soudain, une idée se forma dans la tête de la Mandchoue. Un grain de sable dans l'engrenage, qui devint une graine et germa dans l'esprit de Maxine. Pouvait-ce être cette société secrète dont on murmurait l'existence dans les couloirs de Durmstrang ? On n'en parlait qu'à demi-mots, mettant même en question son existence. Ceux qui se vantaient d'en faire partie n'étaient clairement pas de ses membres car, au vue de la quiétude dans laquelle tout semblait s'orchestrer, le silence était leur règle d'or. S'agissait-il d'eux ? Que lui voulaient-ils ? Qu'avait-elle de plus que les autres ? Qu'avait-elle fait ? Elle avait entendu parler des Sturm & Drang dès son arrivée à Durmstrang. Pour elle, ils avaient rapidement représenté l'objectif insaisissable pour faire partie de l'élite. Elle n'avait pas cherché à faire partie de l'organisation, mais elle avait écouté les murmures qui circulaient, les mots couverts sous les arcades de pierre. Elle avait récolté toutes les informations que l'on murmurait sur eux, s'imaginant à quoi il pouvaient ressembler.

Agenouillée dans l'herbe humide, Max respirait doucement. Le silence qui l'entourait était oppressant. Combien étaient-ils ? Ils se mouvaient sans un bruit, sans un souffle. Une armée de fantômes. C'était ce qu'ils étaient. Nul ne connaissait l'appartenance de chacun à cette confrérie secrète, mais tous connaissaient son existence. Les mystères, les secrets, les contes, les mythes avaient le don de fasciner la jeune Mandchoue qui avait grandi dans un univers baigné de mythes et légendes puissants pour forger son imagination. Ses mythes avaient été ceux de dragons aux ailes aussi larges que la Mandchourie, ils étaient à présent ceux d'une confrérie secrète regroupant l'élite de Durmstrang. Les plus valeureux, les plus nobles, les plus dignes. Et puis une voix rocailleuse brisa le silence. Elle parlait en bulgare, la langue de l'école et une fois de plus, Max dû se concentrer pour saisir chaque mot. Sa nationalité russe ne jouait pas en sa faveur dans l'école bulgare, mais elle avait appris à parler cette langue aux accents nobles. Chaque parcelle du corps de Max tremblait aux intonations de la voix étrangère. Les mots qu'elle prononçait se gravaient dans l'esprit de la jeune fille aussi sûrement qu'un charpentier grave un nom sur la porte d'une yourte. Quel était le but d'un tel discours ? Il semblait encore plus démagogue que celui d'un politicien, bien mieux ciselé que celui d'un chef d'Etat. Chaque mot semblait résonner dans l'air, comme une note de musique et venait vibrer jusqu'au creux du corps de Maxine. Les valeurs qu'ils semblaient revendiquer et défendre étaient de celles qu'on lui avait inculquées dès sa plus tendre enfance. Il n'y avait pas de chacun pour soi, sur les vastes plaines de Mandchourie. Il y avait la tribu, la loyauté et la hiérarchie. Un tout sans aucune individualité. Juste un membre de plus pour assurer la prospérité et la puissance de la tribu. Max avait l'impression d'entendre les discours de son grand-père. Le sang des seigneurs de guerre mandchous coulait dans ses veines, apportant avec lui la fureur de vivre, de vaincre et de marquer l'histoire. Mais dans les yeux de Max, voilés de noir, ils auraient pu lire toute la fierté d'être choisie par cette confrérie. Il y avait toute sa volonté d'offrir sa vie sans conditions, de défendre ses frères d'armes. Les similitudes entre sa tribu et cette confrérie la troublaient.

Et puis elle se rendit compte qu'elle était libre. Ses yeux regardèrent autour. Bien entendu, aucun visage dévoilé. Les masques que portaient les membres de la confrérie avaient tous d'étranges formes. Tous semblaient uniques. Un frisson parcourut le corps de la jeune fille. Le vent froid soufflait autour d'eux, faisant voleter les feuilles du Saule Cogneur, non loin duquel ils se trouvaient. Poudlard devait s'élever dans son dos, mais Max n'osa pas se retourner. Les regards inquisiteurs des membres la transperçaient aussi sûrement qu'une lame acérée. Ils semblaient la mettre à nue, faisant tomber les dernières défenses autour de son âme et de son coeur. Ils étaient si nombreux... Comment était-ce possible que la confrérie ait gardé son secret si longtemps avec tant de recrues ? Son regard alla d'inconnu en inconnu, admirant leur charisme et leur noblesse. Elle ne voyait aucune parcelle de peau et pourtant, ils dégageaient une aura étincelante qui perçait l'âme de Max et la touchait en plein coeur, tel une flèche. Sur sa droite, on se releva. Elle ne tourna pas la tête et fit de même. Ses membres engourdies lui obéirent sans trop de problèmes et, une fois sur ses pieds, la jeune fille releva la tête. Son regard brillait de fierté. La fierté d'avoir été choisie pour ce qu'elle était. Elle hésita à répondre. Le silence pesait autour d'eux, envahissant. Elle choisit de ne pas le briser. Mais sa réponse était toute faîte. »