Ayant un mal de tête des plus tenaces, Juliette se leva de mauvaise grâce, maudissant tout ce qui avait le malheur de se trouver sur son passage. Elle ignora Shaïna, leur chat qui vint s'enrouler autour de ses jambes. Elle la contourna en râlant, passa dans la salle de bain. En aperçevant son reflet dans la glace, y jeta le premier objet qu'elle trouva. Aussitôt, des débris de verres volèrent en travers de la pièce, mais il fut trop tard pour regretter avoir jeté la montre en argent qui appartenait à son père. Des bruits de pas se précipitèrent dans la cage d'escalier, et la voix inquiète de sa mère lui parvint de derrière la porte.

-Juliette ? Qu'est ce qu'il se passe, tout vas bien ?

Anne voulut entrer, mais sa fille avait déjà fermé la porte à clé.

-Ca va, ça va, c'est bon...! hurla Juliette, sa colère n'ayant pas baissée d'un cran.

Sans même adresser une seconde parole, elle s'enferma dans la cabine de douche où elle se lava rageusement, le tout en vitesse. Une serviette de bain enrouler autour de la taille, elle demêla férocement ses longs cheveux bouclés puis ramassa maladroitement les débris de verre qui trônaient ici et là, dans les recoins de la salle de bain. Juliette se coupa imperceptiblement le doigt, mais n'y fit même pas attention. Après les avoir jeté, elle enfila son collant noir puis se faufila dans sa robe en laine grise qui s'arrêtait au-dessus des genoux.
Elle fila droit dans la cuisine, ignora littéralement sa mère et glissa une biscotte à la confiture dans sa bouche. Elle se jeta dans ses bottes en cuir marron, puis enfila en vitesse son long manteau noir. Il ne fallait pas être devin pour savoir que le temps d'aujourd'hui devait être humide, voire pluvieux. Jetant son sac sur une épaule, elle rejoignit d'un pas rapide sa mini, où elle s'y installa avec un certain réconfort.
Allumant le chauffage, il était encore tôt et les cours ne débutaint pas avant une bonne demi-heure. Elle tourna néanmoins la clée de contact et après une manoeuvre assurée, pénétra dans le peu de circulation.
Le regard perdu sur la route, elle ne cessait de se torturer l'esprit. La vue brouillée par des larmes de déséspoir, se sentant plus seule au monde que jamais, elle gagna rapidement le parking du lycée.
Durant une quinzaine de minutes, elle resta enfonçée dans son siège, versant quelques larmes sans y prêter réelle attention. Au fond, elle se sentait trahie, vulnérable, ignoble avec sa mère et particulièrement seule...

Juliette ne se concentra sur aucun des cours qu'elle avait durant toute la matinée. Elle fut cependant assez occupée pour ne pas se remettre à pleurer. Arrivée l'heure du déjeuner, c'est sans aucun appêtit que la jeune fille se dirigea d'un pas las vers la cafétéria. Elle était bondée de monde, et se saisissant d'un plateau, se fondit dans la file qui patientait. Elle se servit un plat garni de salade puis trouva malgré tout un table de libre dans le fin fond de la salle.
Seule, elle s'asseya à l'unique table de libre. Quelques étudiants vinrent lui demander la permission de s'assoir à ses côtés, ce qu'elle refusa avec agressivité. La scène de la veille ne tenait vraiment pas à la quitter, mais continuait de repasser en boucle dans sa mémoire. C'est alors que son regard s'arrêta sur une jeune femme, qui paraissait invraisemblablement sortie tout droit d'un magazine de mode pour femme. Grande, mince et élancée, elle possédait de long cheveux bruns, lisse, et aux reflets miroitants. Un teint de procelaine sans aucune imperfection, telle une poupée, un nez droit et fin, un visage angélique. Elle dut se l'avouer, cette jeune femme était sans aucun doute la plus éléguante qu'il lui avait été de voir. Leurs regards se croisèrent un instant, et Juliette baissa aussitôt les siens, soudainement honteuse de l'avoir observé avec tant d'intensité.
Au bout de quelques secondes, elle fut tirée de ses pensées par une voix mélodieuse et carillonante.

« - Bonjour, désolée de vous déranger. Mais, il n’y a plus de place et je voulais savoir si ça ne vous dérangerait pas si je m’installais à vos côtés.»

Juliette releva les yeux, vers cette magnifique inconnue. Elle plongea ses yeux noisette dans les pupilles incroyablement dorées de la jeune femme, incapable de s'en empêcher. Non, elle n'était pas envieuse ni jalouse, mais intimidée et étonnée de voir qu'un jeune femme à pareille beauté puisse lui accorder un quelconque interêt. Son regard était doux, tendre et protecteur, et Juliette en fut d'autant plus troublée. C'était comme si elle ressentait la tristesse qui l'entravait.

-Oui...oui, asseyez-vous...bégaya-elle encore toute retournée de ce qu'elle avait pû décrypter dans le regard hypnotiseur de la belle jeune femme.

Incapable de prononçer quoi que ce soit, entravée par les évènements de la veille et ce regard qui lui paraissait vaguement familier, elle fronça les sourcils, cherchant une logique à tout cela, se mordant la lèvre inférieure. Cette femme elle...elle...possédait exactement le même regard protecteur qu'avait sa propre mère...