Comment raconter une histoire alors que tant d’autres s’écrivent à cet instant précis partout dans le monde ? Comment faire en sorte que celle-ci ait un goût, une teinte particulières alors que Grace Chloe Hawkes n’est qu’une femme parmi tant d’autres ?
C’est la question que se sont posées beaucoup de personnes, dont ses propres parents, le lendemain de sa naissance. Comment faire pour lui donner les meilleures chances dans la vie, pour qu’elle s’en sorte avec le meilleur avenir possible ?

C’est sûrement la question que se posent tous les parents, lorsque leur progéniture vient au monde. En l’occurrence, le couple Hawkes n’a peut-être pas choisi la meilleure solution. Grace Hawkes, née Grazielle sous la forme entière de son prénom originel, a grandi dans le luxe et l’opulence. Un peu trop, même. Ses parents, d’importants avocats qui ont parcouru le monde au gré de leurs envies et de leurs attributions professionnelles, l’ont toujours emmenée partout avec eux et la petite Grace a passé les années de sa prime jeunesse en pensant que tous les enfants avaient le droit au même traitement. Qu’en somme, c’était tout à fait normal de passer d’une ville à une autre, au gré des envies et des lubies de leurs géniteurs.
Sarah et Michael Hawkes avaient grandi, eux, dans de petites villes de province dont ils n’étaient que rarement sortis, tout juste à l’occasion des longues vacances d’été. Il faut croire qu’ils avaient décidé de compenser ce manque flagrant d’aventure et de voyage présent dans leurs jeunes années, en décidant de s’offrir un tour du monde permanent.
Petite, Grace voyagea donc énormément. Elle naquit, certes, en Californie, là où ses parents s’étaient établis au lendemain de leur mariage, laissant la maison inoccupée les trois quarts de l’année, pour aller visiter le reste du monde. La petite fille n’eut ni frères ni sœurs, mais ses yeux virent à peu près la majorité des grandes capitales connues seulement par les autres enfants via les livres d’images.
Elle passa les deux premières années de sa vie en Australie, où ses parents firent de Perth, puis de Melbourne leur première résidence secondaire après la naissance de leur fille. Puis,ce fut au tour du Brésil, de la France, de l’Espagne, de l’Italie, de la Chine et de l’Irlande, entre autres, pays qui bercèrent les jeunes années de Grace.
Ces merveilleux voyages qui formèrent la petite fille prirent rapidement un goût de vacances éternelles, quelque chose qui signifiait qu’elle n’aurait jamais vraiment à s’établir où que ce soit puisque c’était ses parents qui décideraient du prochain pays où ils passeraient les trois années suivantes.
Mais l’adolescence s’annonça, et avec elle un monçeau de problèmes que la jeune fille crut insurmontables. Douce et très malléable, naïve, Grace était ce genre de filles « fleur bleue », rêveuse, perpétuellement la tête dans les nuages. Et à l’époque de la vie où chacun doit ressembler en tous traits à son voisin sous peine de subir moqueries et remontrances diverses, elle fut rapidement prise pour le bouc émissaire de ses camarades. Et puis ce fut une rapide descente aux enfers, qui fut encore accentuée par la brutale nouvelle de la maladie de Sarah, sa mère – autrement dit, son modèle vivant.
Elles avaient toujours été proches, Grace n’ayant aucune sœur et Sarah s’étant très rapidement attachée à son unique fille. Mais l’annonce prématurée et soudaine du cancer qui l’avait atteinte fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
Elle changea. Rapidement, sans crier gare. De la jeune fille douce, rêveuse, pas très maline ni débrouillarde, Grace sombra peu à peu dans l’amertume, la haine presque, envers ceux qui s’étaient moqués d’elle. Alors que sa mère plongeait dans les affres de la maladie, sa fille traînait dans les soirées qui n’étaient absolument pas de son âge et laissait les regards masculins épouser les courbes naissantes de son corps encore en mutation vers l’âge adulte.
Grace eut une longue période compliquée entre quinze et dix-sept ans. Une longue période marquée par des week-ends trop alcoolisés, des week-ends où elle prétendait alors dormir chez une amie, des week-ends où elle ne se souvenait plus de ses actes ou de ses paroles, encore moins de sa vie telle qu’elle l’était avant. Elle tombait de Charybde en Scylla, entrant plus loin encore dans un monde nocturne où elle pouvait s’oublier l’espace d’une soirée, puis d’une autre…
C’est la mort de sa mère, lorsqu’elle eut dix-sept ans, qui agit comme un réveil trop brutal. Elle pleura des litres de larmes, elle passa des semaines enfermée sans voir âme qui vive, mis à part son propre père qui errait comme une âme en peine dans leur maison désormais trop triste de Californie.
C’est grâce à Melody, sa meilleure amie d’enfance, que Grace reprit pied. Ce fut elle qui la força à travailler deux fois plus pour avoir son bac, puis ses examens d’études supérieures. Ce fut elle qui l’incita à poursuivre ses rêves, ses envies, malgré les démons qui la guettaient toujours. Ce fut Melody qui la félicita lorsqu’elle obtint son poste de journaliste. Et sournoisement, derrière ces encouragements, ces félicitations, ces moments passés avec elle, Grace sentit doucement leur amitié de toujours se muer en quelque chose d’indéfini, mais de plus fort, de plus ambigü. Prenant peur, la jeune femme décida progressivement de s’éloigner de celle qui l’avait pourtant soutenue à travers sa dépression, et revêtit cette carapace qu’elle porte désormais constamment. Les hommes, les femmes se succédèrent dans son appartement désormais new-yorkais, dans son lit sans pourtant jamais réussir à s’introduire dans son cœur et ce fut à nouveau Melody qui récupéra son amie à la petite cuillère lorsque celle-ci se rendit compte qu’elle était tombée enceinte à la suite d’une énième aventure sans suite. Incapable de se souvenir qui était le père biologique de cette enfant, Grace mit au monde une petite Elizabeth Sarah Melody Hawkes, surnommée Lily.
Sa meilleure amie devint un tel soutien dans sa vie quotidienne, qu’aujourd’hui Grace n’envisage même pas un seul instant de s’en séparer. Melody est la marraine religieuse et de cœur de la petite Lily, et elle décida même de quitter San Francisco pour venir s’installer à New York.

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Olivia
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