Malgré le bruit des détonations et des armes de mes hommes, les battements de mon cœur m’assourdissaient. La douleur qu’ils me provoquaient était, quand à elle, comparable à des coups de marteaux sur le crâne. Cette bien faible souffrance ne réussissait cependant pas à me déconcentrer. Mes yeux étaient rivés sur Andrew, celui qui devait donner le signal. Un simple geste de la main de sa part et j’étais déjà debout à appuyer sur la gâchette de mon AK-47. Pour l’instant, la situation n’était pas trop critique, mais j’aurais du me méfier de ce sifflement soudain. Le temps de me retourner, deux de mes soldats étaient atteints par un missile. Quelques longues secondes passèrent avant que la poussière ne retombe. Affolé et calme à la fois, je cessai le feu et couru à toute jambes vers les blessés. Je me jetai à genou près du plus jeune et appuyai mon index et mon majeur droits dans son coup, à l’endroit où passait la carotide. Plus de pouls. Tandis que je levais la tête pour constater le décès d’un autre de mes hommes, ce même sifflement strident me déchira les tympans. J’eus à peine le temps de hisser l’un des cadavres sur mon épaule qu’une explosion m’expédia quelques mètres plus loin. Déboussolé, j’essayai de me redresser. Une vive douleur me déchira les côtes et me cloua au sol. Assourdi par la détonation qui avait bien faillis m’arracher la vie, je n’entendis pas les cris affolés d’Andrew. Une nouvelle explosion, puis plus rien.


Ce fut cette atroce douleur aux côtes qui me réveilla. J’ouvris lentement les yeux, mais je fus tout de même ébloui par la clarté de la pièce. Peu à peu, je m’habituai à la lumière ambiante et pus examinai ce qui m’entourais. Mes prunelles glissèrent des néons jusqu’au plancher, de la porte jusqu’au bureau à ma gauche. Tout était si… blanc. Mon regard descendit doucement le long de mon corps, examinant mes bras, mon tronc puis mes jambes. Un unique et large pansement entourait ma taille, me convainquant que je n’étais pas dans le meilleur des états. Où suis-je? Me demandai-je intérieurement. T’es à l’hosto mon vieux, répondis une voix plus que clair. Fouillant la pièce du regard, je ne trouvai pas à qui appartenait cette voix drôlement familière.

- Qui est là?, soufflai-je, hésitant.
- Je suis le Dr. Scavo. C’est moi qui m’occuperai de vous à partir de maintenant, s’exclama bruyamment l’homme chauve qui venait d’entrer dans la pièce.

Je le dévisageai craintivement. Un homme dans la cinquantaine, dégarni, bedonnant et souriant. Je n’avais surement rien à craindre de lui. Un gros nul, marmonna la même voix de tout à l’heure.

- Pardon?, demandai-je.

J’eus droit à un regard confus de la part du docteur. Ignorant ma question, il tripota quelques sacs suspendus à ce qui ressemblait à un porte-manteau et griffonna sur sa tablette.

- Que m’est-il arrivé?
- Vous étiez en mission et une explosion vous a projeté contre un rocher. Vous vous êtes frappé la tête et cassé quatre côtes, expliqua le Dr. Scavo le plus naturellement du monde. Vous avez été victime d’un traumatisme crânien de catégorie moyenne, ce qui explique votre perte de conscience. Ça aurait pu être pire.

Étirant brusquement le bras, je passai la main sur ma tête et sentis, en effet, le tissu rugueux d’un pansement. Par contre, je ne me souvenais pas d’avoir été en mission où que ce soit. Avais-je perdu la mémoire? Sentant l’angoisse me serrer la gorge, j’attrapai le verre d’eau qui ornait le bureau et l’avalai d’un seul trait. Je le reposai doucement et levai un regard inquiet sur l’homme qui se trouvait toujours au pied du lit.

- Pourquoi n’ai-je aucun souvenir de cette mission?
- Il arrive souvent que les gens soient victimes de perte de mémoire après un gros choc. Ne vous inquiétez pas, vous vous souviendrez de tout bien assez tôt.

Partant d’un rire bruyant comparable à celui d’un phoque, il s’approcha à nouveau des sacs suspendus. Il sortit une seringue d’une de ses poches de saros et injecta un liquide dans un de ces fameux sacs de plastique. Pour la première fois depuis mon réveil, je remarquai qu’ils étaient reliés à moi par de grosses aiguilles plantées à l’intérieur de mes coudes.

- Avec ça, vous pourrez dormir et arrêter de vous tourmenter, m’indiqua gentiment le docteur.

Je voulu protester, mais il avait déjà disparu. Tu vois que c’est un gros nul, s’exclama la voix inconnue. Mes paupières devenant rapidement de plus en plus lourdes, je décidai d’ignorer la remarque et de m’abandonner au sommeil.