Informatique...

Ahh, non mais quel plaisir de la vie, quand même, n'est-ce pas ? Pour Toffee, c'en était presque une passion. Certains aimaient le football, d'autres la natation, certains les timbres... lui c'était les ordinateurs. Quel son est plus relaxant que le bruit des touches d'un clavier qui s'enfoncent à une vitesse folle ? À part peut-être la voix de Gaby lorsqu'elle chantait, probablement rien. Il était fanatique à ce point qu'il possédait trois ordinateurs. Mais attention, pas de ces espèces de vieilles machines lourdes et lentes à souhait, non non. Un portable Mac et deux ordinateurs fixes, soit un autre Mac et un pc avec Windows, mis à jour constamment et tout le tralala. Et il n'avait aucunement l'impression d'en avoir trop, au contraire. Il lui restait assez d'espace dans sa computer room pour placer un autre bureau et un autre ordinateur s'il en ressentait le besoin. Il aimait trop ça.

Mais puisqu'il avait tant d'ordinateurs performants, on pouvait bien se demander ce qu'il foutait dans ce laboratoire informatique, n'est-ce pas ? En fait, il n'avait pas trainé son Mac avec lui, et il avait un cours une heure plus tard. Pas le temps de retourner le chercher chez lui, évidemment, et de se tourner les pouces dans les couloirs n'était pas non plus une option. Autant aller passer le temps, commencer à chercher de l'information pour son prochain sujet d'article pour son cours. Il détestait avoir à parler de médicaments. La prof devait le savoir et ne pas l'aimer, allez savoir, elle lui offrait toujours les pires sujets possibles.

Son sac à l'épaule et ses énormes lunettes dans son visage, il passa donc la porte du local d'informatique, scrutant comme toujours l'endroit des yeux pour vérifier les meilleures places -autrement dit, les ordinateurs les moins lents. Surprise, surprise : tous étaient pris par des geeks possiblement encore plus geeks que lui. Certains le virent entrer, le regardèrent, il en avait l'habitude. Il rougissait toujours autant, cependant. Beaucoup pensaient encore qu'il ne faisait que jouer la comédie, qu'il était en fait un délinquant de première. C'était facile à voir, et ceux qui pensaient ça ne méritaient pas leurs bonnes notes s'ils s'imaginaient vraiment que Toffee n'était pas qui il disait être. Enfin. Toutes ces têtes se ressemblaient. On ne voyait jamais de gens différents dans le local, ou alors presque jamais. Des têtes blondes et des gros seins : une impossibilité.

Raison pour laquelle il fut plus que surpris de reconnaitre un dos et un derrière de tête qui lui étaient plutôt familiers... et qui n'avaient rien à voir avec le pattern de l'endroit. Ah, bah c'était sympa de pas être le seul à se faire transpercer de regards curieux. Ça changeait. Il n'avait cependant aucune intention de réellement aller jaser avec Zacky, jusqu'à ce qu'il voit de derrière le désespoir total de celui-ci et qu'il entende sa réplique qui, ma foi, laissait l'imagination travailler. Souriant malgré lui, Tofer ramassa une chaise à un poste qui se trouvait à proximité et la plaça à côté de l'autre jeune homme pour s'asseoir.

« Il était temps que tu t'en rendes compte, » lâcha-t-il, souriant toujours, avant de jeter un coup d'oeil à l'écran d'ordinateur. Manip de noob, évidemment. C'en était que trop drôle. Il n'eut même pas besoin de réfléchir, tout fut d'un automatisme accablant. Redémarrer l'ordinateur par la base, attendre qu'il soit de nouveau en état de fonctionner et sortir la clé USB pour la remettre dans le trou immédiatement. Lire deux ou trois trucs, cliquer où il le fallait, attendre quelques secondes, avoir la liste des fichiers et dossiers de la clé en plein milieu de l'écran. « Avoue que j'viens d'te sauver la vie. »

Et il souriait toujours, parce que s'il y avait bien une personne qui ne l'aurait jamais laissé se sentir... intimidé, disons, c'était bien Zacky. Mignon comme personnage. Attachant. Un peux collant aussi, mais plutôt sympa.

Mais pourquoi, tout simplement pourquoi est-ce qu'il essayait ainsi de faire changer Zacky d'idée ? C'était déjà impossible à la base, autant dire qu'avec aussi peu de conviction ou d'autorité qu'il en avait, c'était un rêve utopique auquel il n'aurait même pas dû songer. C'était tellement horrible. Franchement, lui, en robe ! En robe de mariée, en plus ! Ou plutôt en robe de marié sans "e" ! Ça sonnait absolument mal à ses oreilles, et de se voir dans ces tissus, avec le voile sur la tête et tout le tralala, ça lui donnait presque envie de pleurer sur le coup. Dans quoi est-ce qu'il s'embarquait, franchement ?

Zacky, en tout cas, était franchement décidé, c'était bien clair. Il le voulait lui, pauvre Christofer, dans cette robe, pour ce projet. C'était quoi déjà le numéro de l'agence de voyages, question qu'il déménage au plus pressant dans un pays isolé ? Le Tibet, peut-être ? Ou pourquoi pas le Vanuatu ? L'île de Pâques ? Tout mais pas cette robe !

Dès le moment où Christofer vit Zacky sortir un ruban à mesurer de son sac, il se dit que c'était terminé. L'espoir était inutile, il avait bel et bien perdu cette bataille dans laquelle il avait peiné à se défendre. Il laissa l'autre garçon faire peu importe ce qu'il faisait avec ce ruban, jetant des coups d'oeil inquiets autour de lui. Inutile de dire que tout le monde les fixait intensément avec une curiosité et un étonnement sans bornes. D'une oreille, il écoutait également Zacky lui raconter qu'il était parfait pour l'habit, que ce serait pas trop féminin, qu'il n'aurait qu'à enfiler la robe pour les ajustements et pour... présenter aux profs ?! Oh God. Le meilleur moment pour cracher son breuvage ou s'évanouir. Étant incapable de faire l'un ou l'autre, il figea aussitôt, la crainte se répendant aussitôt en lui. Se montrer en robe devant des gens ?! Oh non, oh non, oh non. Déjà de l'être devant Zacky qui serait enthousiasmé à mort par ce projet serait des plus gênants, qu'est-ce que ce serait devant des profs n'en ayant à moitié rien à cirer ? Au moins, son futur "styliste" avait l'amabilité de lui demander si ça ne le dérangeait pas trop.

« Tu veux la réponse honnête ou la réponse gentille ? », demanda-t-il presque aussitôt, n'osant pas tourner la tête. En fait, il ne bougeait toujours pas. Comment bouger ? Tout le monde dans la salle était maintenant au courant de ses plans de s'habiller en robe de mariée, et aucun doute que ça se répandrait graduellement d'un élève à un autre. Ce serait l'humiliation la plus totale, le stress le plus intense jamais expérimenté, plus encore que la fois où il n'avait pas compris un concept de chimie lorsqu'il était au lycée dans une école dont il ne comprenait pas un mot de la langue et avait cru couler. Il avait au final eu un A- et s'était inquiété pour rien, mais quelque chose lui disait que son inquiétude du moment était beaucoup plus fondée.

Dès qu'il eut à se lever, Tofer ne put s'empêcher de relever la tête, regardant deux ou trois nerds dans la pièce, les fixant du regard avec la très claire expression de "à l'aide, sauvez-moi, je vous en supplie". Évidemment, aucun ne comprit le message. Un eut même probablement peur puisqu'il ramassa aussitôt ses trucs et sortit du local. Toujours agréable de faire peur aux nouveaux à cause des tatouages. Arf. Enfin, il s'exécuta, non pas par plaisir, et se tint le plus droit possible. Tant qu'à être torturé, autant bien l'être.

Et pourquoi ne pas trouver des points positifs à tout ça ? D'accord, sur le coup c'était vraiment très complexe, mais si au moins ça lui changeait un peu les idées, autant essayer. Alors... ce serait une bonne leçon de confiance en soit, puisqu'il devrait se présenter à des gens en tentant d'avoir l'air le moins ridicule possible. Bof, pas génial. Il pourrait voir la maison ou l'appartement de Zacky, aussi ! Ah, mais quelle consolation... Au mieux, Zacky aurait un chien ou un chat avec lequel il pourrait s'amuser un peu. Mieux valait croiser les doigts. Limite il pourrait se contenter d'un poisson rouge. D'accord, inutile de chercher des points forts, il s'endormirait avant qu'un seul ne soit pointé.

« Mais c'est hors de question que Gabrielle fasse la mariée. Elle me voit comme ça, j'vais mourir de honte. Déjà que si elle en entend parler ce sera horrible, mieux vaut qu'elle ne le voit pas en plus. Je t'en supplie, trouve une fille qui n'a aucune idée de qui je suis et vice versa. Ce devrait être facile et ça me simplifierait tellement la vie. »

Mieux que ça : ça lui épargnerait un malaise constant pour toute la durée de sa relation avec Gabrielle. Cette relation étant déjà dans les plus longues qu'il avait pu compter, il ne doutait pas que ça pourrait durer franchement longtemps -pourquoi pas toute une vie ? d'accord, mieux valait penser à plus petite échelle pour commencer-, et il n'avait aucunement envie qu'elle l'imagine en robe chaque fois qu'elle le verrait. Déjà que c'était probablement la réaction que sa mère avait puisque, une fois lorsqu'il avait quatre ans, il avait porté une de ses robes avec ses talons pour se déguiser, il ne demandait absolument pas à ce qu'une autre femme le voit comme ça. Note à lui-même : soit ne jamais laisser Gaby rencontrer sa mère, soit menacer cette dernière pour l'empêcher de parler de ce joyeux détail. Enfin bref, là n'était pas la question.

Mieux valait se préparer mentalement à porter une robe de mariée.

« Et c'est pour quand ? Dans trois jours, deux semaines, un mois ? »

Alléluia, Zacky n’avait au moins pas protesté et tenté de convaincre Chris du fait que d’avoir Gaby comme mariée serait parfait. Ça aurait tout simplement été de trop, il aurait pas pu supporter cette idée-là. En plus, qui sait, ça aurait peut-être mis des idées de mariage dans la tête de la rouquine ; absolument pas ce dont il avait envie. Par contre, la raison, bien qu’un peu logique, était assez vaseuse. Ça faisait toujours un peu bizarre de se faire dire par d’autre que son couple n’était pas très équilibré… verticalement parlant. C’était pas de sa faute si sa copine lui arrivait aux épaules, quand même ! Enfin bref, Zacky pouvait bien trouver toutes les raisons qu’il voulait d’éclipser Gaby parce que, pour une fois, Christofer n’avait franchement pas envie qu’elle soit incluse dans ses projets !

Ouais bon, « ses projets », faut pas trop pousser non plus. « Le projet de Zacky dans lequel ce pauvre Christofer a dû se laisser embarquer » était plus approprié.

Toffee n’eut même pas besoin de répondre à la question que Zacky avait posée. C’était probablement même pas une question, en fait. Évidemment, qu’il pouvait lui faire un câlin. Et, même s’il avait dit non, ça n’aurait rien changé. N’empêche, il n’arrivait pas à savoir si un mois était trop court ou trop long. D’un côté, ça lui laissait peu de temps pour mentalement se préparer mais, en même temps, plus vite ce serait passé et moins longtemps il angoisserait avec ce projet débile. Il préféra ne pas parler pour rien dire, se doutant bien que de laisser Zacky lui faire un câlin serait une réponse acceptable pour lui. Nan mais sérieux, ils seraient deux pays en guerre, suffirait d’un câlin pour ramener la paix. Parfois utile, quand même.

Le sujet dériva cependant d’un coup vers... les cheveux roux. Il ne fallut qu’une seule seconde à Christofer pour faire le lien entre les paroles de Zacky et sa relation avec Gabrielle. Oh non, oh non, oh non… S’il y avait bien une conversation dans laquelle il n’avait jamais cru se retrouver plongé, c’était bien celle-là, et Dieu sait que ça lui convenait totalement ! Un peu sous le choc, il attendit d’avoir à nouveau posé ses fesses sur sa chaise pour répondre. Ou plutôt tenter de répondre.

« Eh… non ? Ça te fait bien, cette couleur-là. »

Pas très utile, mais ça avait au moins le mérite d’être franchement neutre. Il regarda Zacky écrire une débilité sur le clavier en marmonnant, puis effacer sa connerie et commencer à se rattraper dans ses paroles. Évidemment, le soupir qui suivit retira toute crédibilité à sa phrase. Oh Seigneur, ça ne pouvait être qu’un rêve ! Ou plutôt un cauchemar. Zacky ne pouvait pas décemment être jaloux de Gabrielle, quand même ? Ça n’avait aucun sens…

Tofer le regarda parler de bustier et de torse et de peu importe quoi, ne l’écoutant que d’une oreille.

« J’ai des gros mamelons, ça va être moche sans le haut, répondit-il avec empressement, ne pouvant s’empêcher de revenir sur le sujet précédent. Mais pourquoi tu m’as posé cette question-là ? J’suis pas avec Gaby parce qu’elle est rousse, je… »

Je ne sais plus quoi dire. Ou plutôt, comment formuler des tonnes de phrases qui arrivaient toutes en même temps dans son esprit et qu’il n’arriverait jamais à sortir de sa bouche. La principale étant le fameux « T’es jaloux ou j’me fais des films ? » puisque, malgré la situation qui laissait peu à l’imagination, il avait bien peur que la deuxième option soit en fait la bonne. Franchement, qu’est-ce qu’il avait de si génial pour tout simplement arriver à créer de la jalousie autour de lui d’une façon ou d’une autre ? À part ses notes –et encore là, on lui avait souvent fait comprendre que c’était mal vu d’avoir de si hautes notes-, clairement pas grand-chose. Du moins à ses yeux à lui.

L’envie de sortir un truc dans les eaux de « t’avais qu’à tenter ta chance avant elle, si tu y tenais tant que ça » se fit sentir mais, évidemment, tout resta à l’intérieur. Il soupira légèrement, presque en silence, et jeta un coup d’œil à l’écran d’ordinateur de Zacky. Ouais, aucun doute, ce projet allait lui en faire baver, et encore plus qu’il ne l’aurait cru si jamais un malaise se créait.

Nan mais, peu importe que Tofer tente de se convaincre qu’il avait le cerveau un peu trop créatif dans l’instant. C’était tout simplement trop clair, le coup de la couleur de cheveux. Un sous-entendu que même lui avait pu saisir, et ce n’était pas nécessairement une bonne chose. Franchement, il lui aurait bien expliqué qu’il aurait totalement approuvé à peu près n’importe quoi les concernant tous les deux avec un lit et sans vêtements du temps où il était encore célibataire, il préféra tout de même ne pas en faire mention. Mieux valait éviter de donner de faux espoirs à Zacky (voire même des mauvaises idées) ou de s’attirer des ennuis si quelqu’un autour entendait seulement à moitié et allait répéter. En même temps, il n’allait pas non plus s’excuser d’être en couple. Ahh, mais pourquoi c’était toujours aussi compliqué quand quelque chose concernait Zacky ?

« Sérieusement, qu'est-ce que tu me dis pas, là ? » finit-il par réussir à s'extraire de la bouche, d'un ton pas tant désespéré ou fâché que résigné. Ça ne lui faisait aucunement plaisir de poser une question aussi claire et demandant une réponse qui, il le savait, ne lui conviendrait peut-être pas vraiment. C'était vraiment rare qu'il s'autorisait de tels écarts. Gaby commençait peut-être bien à déteindre sur lui.