Aiden Clançy était un étudiant mais je n'étais pas son professeur. En effet, le Théâtre ne faisait pas parti de son emploi du temps. Pourtant, j'ai été mené à le voir assez souvent ces derniers temps. Outre le fait que nous nous étions croisés bon nombre de fois dans les couloirs de l'université, je le rencontrais réellement lors d'une soirée dans un bar. Ce dernier semblait s'attaquer à Casey et cette charmante Texane semblait être sur le point de l'étriper. Du moins, ce fut la façon dont je voyais les choses. Après m'être tout bêtement interposé, je compris que finalement, je n'avais rien à craindre, que les deux jeunes gens étaient amis, victimes de l'amour vache. Ah d'accord... autant pour moi. Depuis, je voyais Aiden très souvent, sans réellement le vouloir. En effet, ce dernier venait souvent à ma rencontre afin de me poser des questions assez... indiscrètes? Gênantes? Perturbantes? Souvent, celles-ci était de nature assez privée dans la mesure où il me demandait sans cesse comment devait agir un étudiant avec son enseignant et vice-versa. D'un côté, cela me faisait prendre conscience que peut-être il connaissait mon histoire avec Casey. D'un autre, cela était impossible dans la mesure où nous étions tout deux discrets et je n'imaginais pas notre charmante Texane crier cette aventure sur les toits. Donc, peut-être que ces questions n'avaient aucun sous-entendus avec moi.

Aiden : "Professeur. Excusez moi de vous dérangez mais je voulais vous posez une question."

M'annonça-t-il lorsque je sortais de la salle des professeurs, un gobelet, contenant du café, dans la main droite. En effet, j'étais parti avec l'idée que j'allais fumer une petite cigarette. En voyant Aiden, tout mes grands espoirs venaient de s'envoler d'une rapidité étonnante. Quelle allait être sa question cette fois ci? Je me doutais qu'il n'allait pas me parler des cours.

Aaron : "Je vous en prie, allez-y."
Aiden : "J'aurais aimé savoir ce que vous pensez des professeurs qui fantasment sur leurs élèves?"

Alors que je venais de prendre une gorgée de ce café brûlant, j'eus de la peine à l'avaler. Durant quelques secondes je restais là, devant lui, les sourcils haussés, les yeux écarquillés. Alors soit c'était de lui qu'il parlait, ou bien de moi. Mon esprit paranoïaque me faisait peur.

Aaron : "Et bien... je pense que les professeurs sont avant tout des êtres humains. Et... il n'est pas impossible, ni étonnant qu'un enseignant fantasme sur un de ses étudiants dans la mesure où nous sommes à l'université et que les élèves sont de jeunes adultes, donc pas des adolescents pré-pubères."

Je marquais une pause. J'avais besoin d'humidifier ma gorge...

Aaron : "Enfin, c'est naturel si cela arrive. Après il y a une différence entre fantasmer et agir. Là, ça devient un autre problème. Pourquoi tu me demandes ça? Un professeur t'as fait des avances?"

Me risquais-je.

Aiden : "Non, aucun professeur ne m'a fait des avances. Dommage, je serais pas contre venant de certaines mais en fait, ça concerne une amie à moi."

Il avait étrangement trop insisté sur les mots "une amie", ce qui me mit la puce à l'oreille. Soit j'étais réellement très paranoïaque, soit il était au courant de quelque chose, ou bien s'en doutait. Mon cœur s'accéléra d'un coup, bien que je tâchais de garder un visage neutre et désintéressé, ce que je parvenais à faire grâce à mon talent d'acteur. Néanmoins, intérieurement, je n'étais pas du tout à l'aise. Il semblait m'observer avec un air étrange qui veut dire "Crache le morceau, je suis au courant". J'espérais sincèrement que ce n'était pas le cas. Non. Peut-être qu'il avec quelques raisons de croire cela et qu'il voulait une confirmation. Au sinon, pourquoi ce serait forcément à moi qu'il le demanderait? Et pourquoi j'aurais tant l'impression que cette amie est Casey? Je ne savais pas quoi répondre à cela, j'avais peur que ma voix hésitante trahisse l'expression neutre de mon visage. Après tout, je ne le connaissais pas assez pour avoir confiance en lui. D'un autre côté, je m'efforçais de croire que s'il était au courant, il n'irait pas jusqu'à trahir sa meilleure amie en le disant à l'administration de l'université ou bien à quiconque. En effet, s'il venait à le faire, non seulement il me ferait perdre mon emploi et je n'aurais pas réellement d'autre solution que de repartir en France pour tenter de remonter sur scène, car j'avais une bonne carrière de quelques années à Paris. Mais allez savoir si j'aurais encore de la chance. Le monde artistique était difficile d'accès, et j'avais un enfant de cinq ans en charge. Et puis sincèrement, je ne me voyais pas obliger ma fille à changer de pays où la langue est différente. De plus, Casey serait également touchée par un tel aveux. Elle perdrait sa place à Fordham, là où elle avait de grande chance de percer dans le journalisme. Oserait-il tout faire foirer? Non, je ne pense pas. Néanmoins, si ils venaient à se disputer un jour violemment et que Aiden décidait de se venger et dévoilant leur petite histoire, juste pour faire chuter sa meilleure amie? Je ne pouvais pas prendre ce risque. Je devais garder le secret aussi longtemps que possible.

Aiden : "Vous pensez qu'il y a un grand écart entre le fantasme et le passage à l'acte? Après tout, des fois un geste ou une parole même anodin de l'élève en question peut pousser le professeur à penser qu'elle ou il d'ailleurs, désire la même chose."

Poursuivit-il avant même que je ne trouve quelque chose pour répondre à sa parole précédente. Je prenais une nouvelle gorgée de mon café brûlant et l'observais placer sa cigarette entre ses lèvres. Oh oui, il fallait que je fume. Ainsi, de ma main libre, je sortis un paquet de l'intérieur de ma veste de costume, l'ouvris d'un geste expert et attrapa une clope avec mes lèvres. Je lui fis un signe de tête vers les grandes portes d'entrée de hall, afin de lui faire comprendre qu'on allait continuer cette discussion à l'extérieur. Je tournais les talons, tenant mon café dans une main, la cigarette dans l'autre. Je me dirigeais avec lui vers le parking de l'université qui se situait juste à l'entrée de celle-ci.

Aaron : "L'écart? J'ai envie de dire que ça dépend des personnes. Pour certains il sera très grand car ils refusent de mettre en péril leur travail. Pour d'autres, ça sera le contraire car ils la jouent plus à la "Carpe Diem". Après tout, l'amour peut exister entre un professeur et son élève. Après... il faut savoir si cet amour ou bien cette attirance doivent filer entre leurs doigts juste à cause de quelques règles."

A présent nous étions à l'extérieur. J'évitais tant bien que mal de croiser le regard d'Aiden afin d'être sûr qu'il ne descellerait pas quelque chose. Je pris mon briquet, allumais ma cigarette puis le tendais au jeune homme afin qu'il fasse la même chose.

Aiden : "Vous êtes plutôt du genre à penser que l'amour, ou l'attirance parce qu'il faut pas aller trop vite en besogne, vaut bien de prendre des risques aussi insensés ou alors que la carrière professionnelle est plus importante qu'une histoire qui sera peut-être sans lendemain?"

Je repensais à la première fois où j'avais rencontré Casey. Sans grand étonnement, ce fut à un cours de théâtre. Rapidement sa beauté et son charme m'avaient captivé, mais je n'étais pas parti dans l'idée qu'il se passerait quelque chose. En effet, plusieurs étudiantes avaient un physique agréable, bien que celui de la jeune Texane était tout simplement... époustouflant. Quand elle s'était mise à rire, elle eut le don de m'achever. Bon Dieu ce qu'elle est intéressante comme jeune femme. Si seulement sa beauté avait été la seule chose de positif chez elle, mais non. Il fallait que son caractère me plaise à un point inimaginable. Nous nous parlions des fois lorsque l'on se croisait. Elle avait un fort caractère que j'appréciais énormément, un côté garçon manqué qui lui allait à merveille, bien qu'elle restait féminine. Je l'imaginais aisément boire une bière comme un homme et allez savoir pourquoi... cette image me faisait sourire et je trouvais cela terriblement sexy. C'était difficile à expliquer mais Casey est le genre de femmes que beaucoup d'hommes aiment, bien qu'elle ait un caractère de feu. En effet, beaucoup estiment que la femme parfaite doit être potiche sur les bords, facile, qui ne donne jamais son avis, qui se tait et subit. Salvadore, elle, est tout le contraire. Elle n'hésite pas à tenir tête, à jouer à celui qui criera le plus fort. Elle agit comme pourrait agir un homme et ça, c'est ce qui la rend fatale et désirable en tout point. Voila pourquoi je passait mon temps à la surnommer la Cow-Girl. Elle était une Texane digne de ce nom, qui n'a pas peur de se salir les mains. Elle n'a besoin de personne pour vivre, elle est indépendante et n'hésite pas à faire bouger les choses. A côté de cela, elle est compliquée, fatigante... et j'adore ça !

Sans que je ne puisse m'en rendre compte, un fin sourire s'était affiché sur mon visage, tandis que je repensais à elle. C'était étrange comme sensation. Je n'étais pas amoureux. En effet, j'étais encore en deuil et l'amour est pour moi quelque chose d'improbable désormais, comme si nous n'avions qu'une seule véritable âme-sœur. Si tel était le cas, alors la mienne était déjà passée. Néanmoins, ce que je ressentais pour Casey était différent. J'étais tombé sous son charme d'une manière étonnante. Elle représentait la femme parfaite à mes yeux. Nous nous comprenions aisément, sans avoir besoin d'utiliser des mots. Passer du temps avec elle est un plaisir énorme. Nous sommes comme sur la même longueur d'onde. Si je n'avais pas été marié et amoureux, j'aurais pu aisément croire que Casey serait peut-être la femme parfaite pour moi.

Puis je me souvenais de la présence d'Aiden. La cigarette commençait à se consumer entre mes doigts, tandis que je souriais bêtement en pensant à elle. Lorsque je fut sorti de mes pensée, je me mis à secouer négativement la tête, comme pour chasser ses images délicieuses afin de me concentrer à nouveau. Me raclant la gorge, je répondais à Aiden avec sincérité, comme si je me sentais concerné. Oui. Mon jeu d'acteur venait d'en prendre un petit coup.

Aaron : "Si ce n'est qu'une affaire de sexe, c'est totalement idiot de prendre le risque de gâcher sa carrière et celle de la seconde personne. Si en revanche il y a plus que ça... si l'élève et la relation valent la peine que l'on ne les laisse pas nous glisser entre nos doigts, alors oui, il faut prendre le risque..."

J'alternais entre gorgées de café et bouffées de tabac. Tout en me soumettant à mes deux drogues, j'observais Aiden avec un étrange pressentiment. J'étais incapable de dire s'il cherchait à me tirer les vers du nez afin de savoir si oui ou non j'entretenais une relation avec une de mes étudiantes, ou bien s'il avait besoin de conseils d'un homme plus âgé qui a sans doute plus d'expérience. Peut-être les deux finalement. Aiden était peut-être conscient que j'étais lié d'une manière ou bien d'une autre à Casey, et c'était la raison pour laquelle il me posait ce genre de questions car lui aussi se trouve dans une position semblable. Si c'était le cas, tout ceci serait un peu plus simple car nous dénoncer serait pour lui, une propre trahison.

Aiden : "J'peux vous poser une question plus personnelle?"

Tandis que je prenais une nouvelle gorgée de mon café brûlant, j'eus de la peine à l'avaler en entendant la parole d'Aiden. Une question plus personnelle? C'était possible? En temps normal, mon cœur se serait mis à battre la chamade, de peur qu'il demande clairement et simplement : "Vous couchez avec Casey oui ou non?". Néanmoins ce n'était pas le cas. Je sentais dans le timbre de sa voix qu'il n'allait pas me demander ce genre de choses. Je ne pouvais pas l'expliquer concrètement, ce n'était qu'une intuition. Voila pourquoi je repris rapidement mon calme.

Aaron : "Je vous en prie, j'ai hâte de voir ce que vous appelez une question plus personnelle."

Lui répondis-je sur un ton légèrement emprunt d'ironie. Je glissais ma cigarette à mes lèvres afin d'en prendre une bouffée. Ainsi je libérais quelques secondes une de mes mains qui rangea enfin le briquet dans la poche intérieure de ma veste de costume noir.

Aiden : "Cela vous ait déjà arrivez de ne pas parvenir à vous sortir quelqu'un de l'esprit tout en sachant qu'entre vous ce n'était pas possible?"

Malheureusement oui... C'est le principe d'une grande attirance ou bien d'un amour sincère. Je me mis à froncer légèrement les sourcils, non pas par méchanceté, plutôt par sérieux. Aiden pouvait aisément lire dans mon regard que ma réponse était positive et que j'étais justement en train de chercher les mots adéquates pour le lui expliquer. Ainsi, je restais quelques secondes silencieux, me contentant d'observer droit devant moi les quelques groupes d'étudiants qui discutaient entre eux, fumaient, riaient, jouaient pour certains. Finalement, lorsque je fus en mesure de répondre, je tournai la tête vers le jeune homme afin de croiser son regard avec sérieux.

Aaron : "Ça arrive à beaucoup de personnes. Le fait que ce ne soit pas possible, l'interdit donc, attirent la plupart des êtres humains qui ont le goût de l'aventure. Ça peut être un élève qui craque sur son professeur, le contraire, un patron charmé par une de ses employées, des collègues à qui il est interdit ce genre de relation et j'en passe... Donc oui, c'est déjà arrivé et pour vous aussi apparemment."

Terminais-je en continuant de froncer légèrement les sourcils. Je finis par m'asseoir sur le petit muret de pierres, tout en plaçant mes deux mains autour du gobelet de café, afin de les réchauffer un peu. Un court instant je portais mes yeux sur cet objet en plastique.

Aaron : "Venez en aux faits Clancy. Expliquez moi ce qui vous tracasse au lieu de tourner ainsi autours du pot."

J'allais peut-être regretter cette phrase mais j'avais besoin de savoir.

J'ai également toujours été persuadé qu'il n'existe qu'une âme-sœur pour chaque personne sur Terre. En partant avec cette idée, je me bloquais complètement aux autres, j'étais incapable d'entretenir une relation sérieuse avec une femme pour deux raisons : la première est que je suis toujours en deuil. Commencer à voir quelqu'un d'autre aussi "rapidement" était comme une trahison. La seconde est qu'en partant du principe qu'une seule personne est faite pour nous, plu jamais je ne ressentirais de l'amour pour qui que ce soit. Mon âme-sœur a été ma femme, j'en suis sûr à cent pour cent. Désormais, j'étais incapable d'aimer à nouveau. Voila un peu plu d'un an que j'étais veuf, et pour tout avouer, je n'avais fait l'amour qu'à deux personnes différentes. La première était Naomie, ma meilleure amie, lors d'un petit moment d'égarement que nous semblons regretter tout les deux. La seconde n'est autre que Casey. Et là, tout se complique. Bref. J'étais loin d'être un coureur de jupons, même si je semblais avoir grandement mes chances dans ce milieu. Je reste un éternel romantique victime d'un amour destructeur.

Aiden : "J'ai le goût du risque et de l'aventure, c'est un secret pour personne."

Je ne pus m'empêcher d'esquisser un fin sourire en entendant Aiden prononcer cette phrase. Il venait tout simplement de me faire comprendre qu'effectivement, il avait vécu une relation interdite. Pouvais-je le blâmer? Absolument pas. Je l'aurais certainement fait s'il était un jeune homme obsédé qui ne cherche qu'à étendre son tableau de chasse. Néanmoins, j'en doutais fort. Une intuition probablement. Et puis, je lisais facilement dans son regard qu'il n'était pas ce genre de types. A présent, je souhaitais qu'il cesse de tourner autours du pot. Néanmoins, lui, ne semblait pas de cet avis. Voila pourquoi il ignora complètement mon désir pour me poser une nouvelle question totalement décalée, afin non, pas totalement car elle restait un minimum dans le sujet.

Aiden : "Comment on peut savoir si c'est de l'attirance ou vraiment de l'amour?"

A présent, ses questions m'amusaient plus qu'elles ne me mettaient mal à l'aise. En effet, j'avais l'impression d'avoir à faire à un jeune homme qui fait ses premiers pas dans l'amour et qui souhaite mille et un conseils pour être sûr de lui. Je trouvais cela à la fois amusant et attendrissant. Est-ce que le fait que j'ai connu l'amour se lisait tant que ça sur mon visage? J'en avais l'impression oui, au sinon, pourquoi serait-ce à moi qu'il poserait toutes ses questions?

Aaron : "Au risque de paraître trop romantique, je pense que l'attirance, c'est lorsque tu n'as qu'une envie, et je ne te ferais pas de dessin. Au contraire, l'amour, c'est être capable de passer une nuit avec elle, sans arrière pensée, juste avec l'envie d'être dans ses bras et la regarder dormir. L'amour c'est... s'intéresser à chaque petit détail de sa vie et comprendre qu'il n'y a pas que le sexe comme point positif."

En effet, le but premier envers une personne qui nous attire n'est que le sexe. Avec la personne que l'on aime, le sexe est secondaire, d'autres choses nous intéressent davantage. D'un autre côté, je n'étais pas totalement sûr de mes paroles dans la mesure où avec Casey, lui faire l'amour est loin d'être ma première et unique envie. A côté de cela, passer un moment avec elle à discuter et à rire, est quelque chose de merveilleux. Je pourrais l'observer durant des heures sans me lasser, m'endormir avec son odeur pour être davantage à l'aise. Et pourtant, je suis incapable de dire que c'est de l'amour. Donc, c'est bien plus compliqué que ça.

Aiden : "J'ai une de mes amies, enfin vous la connaissez, c'est Casey. En fait, elle sort avec un type qui est certes très bien mais qui n'est pas vraiment son genre. Je sais qu'elle est pas heureuse avec lui mais je sais pas comment lui faire comprendre sans la vexer. Vous croyez que j'ai le droit de m'immiscer dans sa vie comme ça?"

D'un coup, sans que je ne puisse le contrôler, mon cœur se mit à battre rapidement. Était-ce seulement dû à l'évocation de Casey, ou bien au fait qu'elle avait un petit ami? Je ne devrais pas être surpris par ce genre d'aveux. Après tout, Casey est une jeune femme charmante, intelligente, drôle, bourrée d'autres qualités. Beaucoup d'hommes devaient être à ses pieds. De plus, malgré notre petite aventure, je n'avais pas le moindre droit sur elle, elle n'avait aucun compte à me rendre. Si elle voit quelqu'un d'autre, je n'ai absolument rien à dire, de même si les rôles étaient inversés. Néanmoins, tout en étant conscient que nous ne sommes absolument pas ensemble, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un sentiment de jalousie. La simple idée qu'un autre homme puisse la toucher, l'embrasser, lui faire l'amour, me torturait. Le pire dans l'histoire, c'est que je devais rester silencieux, faire comme s'il ne s'était rien passé. Oui, ça devait être le plus compliqué dans ce genre de situations. Je m'efforçais de rester neutre le plus possible, bien qu'un œil expert aurait pu voir que je ne l'étais pas pour le moins du monde. Je finissais mon café en plusieurs gorgées, puis le jetais dans une des poubelles extérieures. Et par-dessus tout ces sentiments, quelque part, dans un coin, deux autres se battaient. Le premier était la joie que ce type ne la rende pas heureuse. Oui, j'aurais eu mal à l'idée qu'elle tombe amoureuse d'un autre homme, même si ça ne tardera peut-être pas à arriver. Le second? Le fait que justement, elle ne soit pas heureuse. J'aurais aimé le meilleur pour elle. Je ressentais donc deux sentiments totalement contradictoires. Décidément, elle allait me rendre fou cette Texane.

Aaron : "Si c'est ton amie, fais ce qu'il y a le mieux pour elle, protège la, conseille la."

Mes paroles ressemblaient davantage à une demande qu'à un conseil. Comme si je le nommais "Ange gardien de Casey" parce que moi, je ne pouvais pas l'être sans que les gens ne se posent des question. Puis, quand je me rendis compte de cette bourde, du ton que j'avais pris pour lui dire cela, je compris vite qu'il pourrait en conclure certaines choses. Ainsi je me renfermais pour mettre toutes les chances de mon côté. C'est alors qu'une expression sévère s'inscrivit sur mon visage, tandis que je lui lançais :

Aaron : "Et puis sincèrement, les petites histoires entre élèves... ce n'est pas pour être méchant, mais ce n'est absolument pas mes affaires. Je suis payé pour faire cours, pas pour jouer les psychologues..."

Chose totalement fausse d'ailleurs. J'étais justement connu en tant que professeur pour être proche de mes étudiants dans la mesure où ils peuvent me parler de tout et de n'importe quoi. J'ai toujours été très ouvert, et c'est ce qui fait que j'ai un très bon feeling avec les élèves, contrairement à quelques collègues. Néanmoins, j'avais besoin de faire croire l'opposé à Aiden afin de me protéger, et de protéger Casey par la même occasion. De ce fait, je reportais de nouveau ma cigarette à mes lèvres, puis tournais les talons dans le but de m'éloigner un peu, comme pour mettre un terme à cette discussion que je faisais croire trop familière.

J'avais cette désagréable impression que malgré mon changement de caractère - peut-être trop direct pour le considérer comme crédible - Aiden avait deviné pour ma relation avec Casey. Et, en plus de cette certitude, je m'en voulais de me faire passer pour le professeur qui ne pense qu'à son salaire en fin de mois, et qui se fiche pas mal de l'opinion de ses étudiants. Ainsi, je tournais les talons avec deux choses qui me mettaient mal à l'aise.

Aiden : "Et bien allez y, allez donner votre cours."

Un soupir peu audible s'échappa de mes lèvres tandis que je marchais à l'opposé d'Aiden dans le but de m'éloigner de lui et que cette conversation prenne fin, bien que sa compagnie était loin d'être désagréable. Je n'aimais absolument pas l'image que je lui donnais de moi-même. Ce n'était pas moi. Je décidais de passer par-dessus sa remarque afin de partir, sauf que le jeune homme continua sa provocation.

Aiden : "J'pensais que vous étiez différent des autres connards de profs qui ne pensent qu'à faire leur cours et à récupérer leur salaire en fin de mois mais vous aussi vous êtes un sale fonctionnaire de merde. J'avais entendu du bien de vous mais j'me rends compte que vous valez pas mieux que les autres. C'est bon, j'me barre."

Je n'étais pas capable de dire si oui ou non il pensait réellement ce qu'il disait. En effet, d'un côté, ça n'aurait pas été étonnant qu'il réagisse de la sorte étant donné que je lui avais donné une image de moi négative, bien que fausse. D'un autre côté, je sentais dans le timbre de sa voix - et Dieu sait que j'ai un don pour déceler une attitude mensongère - qu'il n'était pas totalement sincère dans son discours. Ainsi je finissais par me retourner vers lui. Fort heureusement, aucun autre étudiant ne prêta attention à nous et à notre comportement réciproque face à cet instant précis. A présent, c'était Aiden qui se trouvait dos à moi. Il abandonnait trop facilement, ça en devenait louche. Si il en avait vraiment eu contre moi, il serait resté, ne serait-ce que pour voir ma réaction. Ainsi j'en déduisais que ses paroles étaient fausses. Je fis plusieurs pas rapides jusqu'à lui afin de le rattraper et arriver à sa hauteur. Il venait de confirmer mes doutes, il était quasiment sûr que j'avais une relation extra-professionnelle avec Casey.

Aaron : "Je sais que tu ne penses pas ce que tu dis. Je suis comédien, je reconnais les moments de sincérité et celui là n'en était pas un. De deux, j'aimerais que... ça reste entre nous."

Je parlais bien entendu de ce qu'il avait deviné. Je continuais de marcher à côté de lui, tout en lui adressant la parole sur un ton peu élevé, dans la confidence.

Aaron : "Je pense que tu es conscient de la gravité des sanctions qui seront prises si ça venait à se savoir. Donc garde le silence, ne serait-ce que pour elle s'il te plaît."