Les yeux fermés, Sadie ne faisait plus attention au monde qui l’entourait, au monde réel. Seule sur son petit nuage, elle ne fixait sa concentration, que sur ses doigts qui effleuraient avec douceur les cordes tendues de la guitare, et laissait vagabonder son esprit dans son passé, ses souvenirs. Durant toute sa vie, elle n’avait fait que ressasser sans cesse ce passé, qu’elle aurait pourtant tout fait pour oublier. On pouvait le comparer à un boomerang, à peine l’avait elle lancé pour s’en débarrasser, qu’il revenait au grand galop, la frappant de plein fouet, en plein cœur, brisant encore le peu d’espoir qu’elle avait d’avoir une vie comme les autres. Jouant une musique nostalgique, elle se souvenait de tous les agréables et joyeux moments qu’elle avait passé à l’orphelinat, elle se rappelait tout ces Noëls où comme des petits fous, les enfants se précipitaient sous le grand sapin que l’on avait dressé pour eux à l’occasion, à la recherche des cadeaux qu’on leur avait gentiment donné. Ces souvenirs étaient s’en doute les plus beaux qu’elle avait, des instants que Sadie n’oublierait jamais, ces gens avaient tous été là pour elle, ils l’avaient élevé et éduqué comme cent autres enfants, mais en même temps comme leur propre fille, et ce qu’elle était aujourd’hui, elle leurs devait en partie.

La brise fraîche, qui ne cessait de faire bruisser les feuilles des arbres, vint caresser son visage. La jeune fille rouvrit les yeux, mais un instant éblouie pour le soleil, elle ne put rien voir jusqu’à ce que les petits points de lumière se fussent estompés. Reprenant pied, un court instant dans le monde qui l’entourait, elle regarda sa montre, 17h30, les gens commençaient à sortir de leurs habitations, et venaient profiter des derniers rayons du soleil. Il y avait des couples, qui se tenant la main, marchaient comme ci rien n’aurait pu les séparer. Aussi elle ne pouvait les voir, mais leurs cris de joie étaient portés par le vent, il y avait des enfants qui jouaient sans aucun doute sur l’air de jeux, jeune et innocents...Sadie esquissa un léger sourire pour elle-même, ils avaient raison, la vie était beaucoup trop dure pour ne serait ce que gâcher quelques minutes de son insouciance. Puis enfin ils y avaient les fidèles, les personnes âgées qui se regroupaient tous les jours, à une heure précise, accompagnées de leur plus fidèle compagnon, leur chien. Une fois ensemble, elles se mettaient à jaser à qui voulait l’entendre, sur le dos de l’un ou de l’autre des habitants de Forks. En entendant cela, Sadie ne désirait plus qu’une chose…Ne jamais devenir comme cela, des personnes usées par la vie, qui ne savaient plus quoi faire pour remplir leur journée, et qui attendait une seule chose, que la mort vienne les chercher. Triste vie…

Après quelques temps, le parc se vida de nouveau, petit à petit de tous les gens qui s’y promenaient. Il redevint alors calme, désert comme ci personne n’y avait jamais mis les pieds. Le soleil commençait à descendre à l’horizon, la luminosité faiblissait, bientôt il ferait nuit et la lune se lèverait pour remplacer le soleil et illuminer la nuit. Comme la population humaine de Forks, les animaux aussi allaient se préparer pour la nuit, les derniers s’abreuvaient avant de disparaître dans les fourrées, tandis que les animaux nocturnes prenaient la relève, on pouvait déjà entendre un chouette hululer au loin. Le vent monta, celui-ci se fit plus pressant et plus frais sur le visage de Sadie, la jeune fille lâchant rien qu’un instant son précieux instrument, attrapa la fermeture de son blouson et la remonta jusqu’à en haut, espérant ainsi échapper à la fraîcheur de ce début de soirée. Elle aurait pu rentrer, mais elle n’en avait pas envie, comme beaucoup des habitants de la ville, elle désirait profiter des derniers rayons du soleil, car elle avait pu apprendre depuis qu’elle était arrivée à Forks, qu’ici, les jours sans pluie étaient plutôt rares. Elle tenait donc à profiter jusqu’à la dernière miette du soleil éclatant, car elle ne pouvait dire quand est ce qu’elle le reverrait.

S’arrachant à sa contemplation, Sadie reprit son instrument et se remit à jouer, imperturbable, une douce mélodie comme ci elle désirait accompagner le coucher du soleil. Pour la jeune fille, la musique était une véritable drogue, elle ne pouvait absolument pas s’en passer, elle n’irait pas jusqu’à dire que sa guitare était la chose la plus importante qu’elle possédait, mais elle savait très bien que si un jour elle devait partir précipitamment, elle n’emmènerait qu’une seule chose, son instrument. La musique lui permettait de se détendre, certaines faisaient du yoga, Sadie préférerait de loin la musique. Elle lui permettait de réfléchir, de se poser, de faire le vide en elle, et de ne plus penser, où au contraire justement de ressasser ses idées noires, et au final d’y trouver du positif. Alors qu’elle avait une fois de plus fait abstraction du monde qui l’entourait, elle n’entendit pas l’inconnu qui s’était approché d’elle, jusqu’à ce que sa voix ne la fasse sursauter. Cessant brusquement de jouer, elle se retourna…Et le reconnu immédiatement. Grand, un air de rebelle constamment accroché sur le visage, et oui, elle ne pouvait le dire beau…Ce garçon n’était autre que Calvin, et pas un inconnu. Bizarrement, elle avait du mal à y croire, elle qui pensait ne jamais le revoir !! Elle scruta un instant son visage, afin de voir si ce qu’il avait dit, il le pensait ou s’il ne faisait que plaisanter. Elle eut bien la vite la réponse à sa question, car elle pu apercevoir la trace d’un sourire sur ses lèvres. Esquissant à son tour un sourire, elle l’observa un moment avant de jouer quelques notes de musique, puis arrêta et laissa les dernières notes s’évaporer dans l’atmosphère avant de dire :

« Il faut bien vivre…Eh bien, j’attends ma pièce. »

Elle resta silencieuse quelques instants l’observant, il n’avait pas changé, elle avait toujours du mal à réaliser qu’il se trouvait devant elle. Puis posant avec délicatesse son instrument, elle se leva mais ne s’approcha pas se contentant de s’adosser au banc :

« Je ne m’attendais pas à te revoir… »

OKAY BY JUNE