Comme si c'était facile d'aimer. Comme si c'était facile de faire un choix aussi compliqué que celui auquel Alijah était confronté. Vous ne vous en rendez pas compte vous, là devant votre ordinateur. Mais essayez de vous mettre à sa place ne serait-ce qu'une minute. Vous êtes en face de celle que vous aimez depuis toujours, mais vous lui faites du mal. Tout ça parce que vos parents veulent vous marier de force à une fille que vous n'aimez pas, et qu'en plus, ils vous interdisent de divulguer la vérité. Pourtant, dans le coeur du jeune homme, tout était si simple. Son coeur lui criait de dévoiler l'entière vérité, de prendre Lunà dans les bras et de ne plus jamais la relâcher, de prendre un peu d'argent et de quitter le domicile familial, sauf si ses parents se forçaient à comprendre ce qu'il ressent. Son coeur n'était empli que d'elle, il n'avait besoin que d'elle pour battre. Sa raison elle, détestait Lunàbhee au plus haut point. Car oui, tout le monde sait que raison et passion, même si ça rime, ce n'est pas fait pour aller ensemble, au contraire même. La passion, c'est tout ce que notre raison rejette, et par conséquent, c'est ce après quoi on court. Ce que l'on désire plus que tout. On ne peut pas vraiment l'avoir, du moins si l'on en croit notre raison, c'est pour cela qu'on le désire en quelques sortes. Seulement, c'est ça qu'on aime, désirer. En fait, le désir c'est avoir envie de désirer. C'est étrange, et complètement farfelu, mais c'est pourtant bien ça. Et donc logiquement, quand enfin on a obtenu l'objet de notre quête, on ne le désire plus. Sauf qu'en amour, le désir est illimité, infini. Du moins s'il s'agit du vrai amour, et pas d'une simple passade. Or vous l'aurez compris, Alijah qui aime Lunàbhee, ne désire qu'une seule chose : c'est elle. Il voudrait être avec elle, faire son bonheur, l'entendre rire, comme avant. Mais sa raison le pousse à faire tout l'inverse de ce qu'il veut.

Il écouta attentivement les paroles de Lunà, les yeux pleins de tristesse. S'il avait voulu masquer sa tristesse, il n'aurait jamais réussi. Pas face à elle. Pas face à cette situation. Il aurait pu le faire avec n'importe qui d'autre, mais elle n'était pas n'importe qui. Elle était loin d'être n'importe qui. Il la portait dans son coeur comme il n'avait jamais porté personne. C'est tellement… Indéfinissable par de simples mots. C'est comme quand Charlie entre dans le jardin de Willy Wonka (c'est tout ce que j'ai trouvé…). Enfin, puissance dix milliards même. Depuis toutes ces fichues années elle avait été là, toujours à ses côtés, et il n'avait jamais ouvert les yeux sur la véritable nature de leur relation. Comme s'il avait eu peur de la perdre à jamais. Mais voyez où ils en sont aujourd'hui. Ils s'étaient perdus l'un l'autre, et éprouvaient désormais une peine sans égale. Pourtant, cela pouvait être si simple. Ils pouvaient tout simplement… S'aimer, et se foutre du monde entier. Cette idée ne quittait plus la tête de Alijah. Lui qui n'était pas du tout adepte à ce genre de chose d'habitude, perdait peu à peu sa raison, sa passion prenant le dessus. De toutes manières, c'était évident, la passion l'emportait toujours. Cette passion l'emporterait toujours. C'était irrévocable, intouchable. C'est la sensation que le jeune homme avait au fond de lui même. La situation avait beau être des plus compliquées, au fond, il avait le pressentiment que l'amour qu'il éprouvait pour Lunàbhee ne cesserait jamais. Et ça en était que plus douloureux. Ali' ne quitta pas sa soit disant meilleure amie des yeux, ceux de celle-ci lui ayant énormément manqué. Mais ce qu'il préférait dans ses yeux, c'était cette lueur signe de bonheur à chaque fois qu'il souriait. Cela provoquait chez elle comme un petit pli sous ces paupières, que le jeune homme aimait particulièrement. Là au contraire, il pouvait lire sans trop de difficulté de la rancoeur et du chagrin. C'était insupportable et douloureux de la voir comme ça.

"Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Je pensais peut-être que pour toi, il aurait été évident que jamais je ne puisse te faire souffrir de mon propre gré, mais apparemment je me suis trompé." Il soupira, sentant une larme glisser sur sa joue. C'était si stupide, ils se faisaient souffrir alors qu'au fond ils avaient envie de la même chose...

"Lunà… Il laissa échapper un soupir lorsqu'elle eut terminé, et reprit. Pour moi oui, ça aurait été une délivrance. Il fronça les sourcils. Vivre dans le luxe, être aimé par des personnes qui ne me laissent pas vivre ma vie comme je l'entends… Ca me tue… Il baissa la tête. Si tu savais à quel point les choses auraient pu être différentes si j'avais eu le courage que tu as eu. Alors oui, pour moi cela aurait été une réelle délivrance oui, qu'importe dans quelle situation je me serais retrouvé." Il releva finalement les yeux, les plongea à nouveau dans ceux de Lunàbhee et se mordit la lèvre, histoire de ne pas tout dévoiler, espérant fortement qu'elle comprenne toute seule. Aussi dingue que cela puisse paraître, le jeune Sullivan avait de plus en plus envie d'envoyer ses parents voir ailleurs, et de prendre enfin sa liberté, de vivre et non de subir. Cela s'annonçait on ne peut plus compliqué, mais il était prêt à le faire, du moins il en était persuadé.

Parfois, il y a des gestes qu'on ne contrôle pas. Au fond de nous, on a envie de les faire, mais notre raison nous dit le contraire. Cependant, les sentiments de Alijah dépassaient de loin ce que sa conscience pouvait lui conseiller de faire ou de ne pas faire. Il avait donc pris Lunà dans ses bras. Et c'est à ce moment là qu'elle éclata en sanglots. Ali' en souffrait encore plus, la voir pleurer, elle qui était si forte, ça lui déchirait le coeur. Il sa haïssait sincèrement de lui faire ça, et il était sûr de ne jamais pouvoir se le pardonner. Jamais il ne pourrait se regarder dans un miroir sans avoir envie de se frapper lui-même. Cela peut vous paraître exagérer, dans ce cas ça signifie que jamais vous n'avez aimé quelqu'un aussi fort que Alijah aime Lunàbhee. Car voir souffrir la personne que l'on aime plus que n'importe qui d'autre apporte bien plus de souffrance qu'une torture physique quelconque, aussi dure et atroce soit elle. Du moins, pour Ali' c'était bien plus douloureux que ça. Sentir le corps de son "amie" secouée pour tant de chagrin lui donnait l'impression de recevoir une balle en plein coeur à chaque secousse, ce qui le faisait pleurer également. Il essaya cependant de se calmer, se rendant compte qu'il y avait du monde autour d'eux, mais au fond il en avait que faire. Il en avait marre de se sentir prisonnier du regard des autres. Entre deux sanglots, la demoiselle le traita d'idiot.

"Tu as raison, je ne suis qu'un idiot…" Certes ce qu'il vivait était difficile et cette situation il ne l'avait pas choisi, du moins ses fiançailles, mais il était un idiot dans le sens où s'il en avait trouvé la force, il aurait refusé ses fiançailles, et il aurait avoué la vérité à ses parents, qu'importe les conséquences que cela aurait pu avoir. "Lunà, tu ne me perdras plus, plus jamais… Je… Je…" Ali' ne pouvait pas continuer cette phrase, il ne le pouvait pas. Il se contenta de soupirer, baissant la tête. Il y avait ces trois petits mots, ces huit petites lettres qui lui trottaient dans la tête. Il voulait lui les dire, mais cela ne ferait qu'empirer la situation. Lunàbhee n'en serait que plus confuse, et peut-être que cela agrandirait davantage son chagrin, ce que le jeune homme voulait essayer d'éviter au possible. Il la faisait déjà suffisamment souffrir pour lui infliger encore plus de douleur. Il avait l'impression d'être un tortionnaire, et de torturer le coeur de sa "meilleure amie". Pourtant, en cachant la vérité, en masquant ses sentiments, il avait l'impression d'être un lâche. Il avait l'impression de fuir devant quelque chose qu'il ne pourrait pas fuir toute sa vie. Et puis il en avait assez de fuir, de fuir sa vie. On a qu'une seule vie, alors mieux vaut ne pas la rater. Et Ali' avait le sentiment de rater la sienne. Du moins, il avait déjà gaspiller beaucoup de temps, et ce à cause de ses parents. Pourquoi avait-il fallu que ce soit ceci qui lui ouvre les yeux, pourquoi n'avait-il pas compris tout cela bien plus tôt ? Pourquoi ? Il n'avait jamais été bête, toujours intelligent et mature. Mais toute sa vie il avait vécu ainsi. Ses parents étant ceux qui lui avait donné la vie, et qui le nourrissait, le logeait et prenait soin de lui, il se sentait obligé de leur obéir en contre partie. Etait-ce cependant une raison pour être malheureux toute sa vie ? Des parents ne voulaient-ils pas le simple bonheur de leurs enfants au fond ? Les réponses à ces questions étaient évidentes, et quelque part, Alijah l'avait toujours su. Il avait toujours su que sa vie était le simple choix des ses parents. Mais les larmes de Lunà lui ouvraient les yeux, et lui donnaient la force d'agir une bonne fois pour toute. Il ne savait pas comment s'y prendre. Il espérait quelque part, son amie puisse l'aider. Il avait choisi d'agir oui, c'était certain. Il le ferait. Le plus rapidement possible. Mais avant cela, il voulait le dire. Dire ces fameux trois mots. Voir quelle réaction pourrait bien avoir Lunàbhee lorsqu'elle les entendrait. Pour cela, il fallait qu'il puisse voir son visage. Il s'écarta doucement d'elle, posa ses deux mains sur ses joues de manière à sécher ses larmes avec ses pouces. Le visage du jeune homme était déchiré par le chagrin, tout comme celui de Lunà. Il inspira un bon coup, et prit un air sincère, très sincère. Il ouvrit alors la bouche, sans qu'aucun mot n'en sorte. Il la referma, et se lança à nouveau. "Je t'aime."

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