Les mots s'entrechoquaient dans la tête de la jeune femme... Et son esprit se heurta aux leurres du langage. Elle essayait, en vain, de balbutier quelques piètres mots, mais aucun son ne sorta de sa bouche. Mina ne le regarda pas, trouvant le sol de la rue particulièrement intéressant. Tous les deux restèrent un moment ainsi. Elle était gênée des paroles de son père. D'ordinaire, il était loin d'être un père expressif. Il se contentait uniquement de lui offrir une broutille afin de lui faire comprendre qu'il était fier. Fier d'elle. Alors cet entrain soudain lui était étranger et elle ne savait pas comment réagir après ça. Quelques secondes après, elle se décida enfin à relever la tête vers lui. Elle lui décocha un fin sourire, mêlant gêne et joie. Elle prit soin de ne pas sourire à pleine dent. Elle ne voulait pas que son père s'effondre après cet excès de compliment en découvrant les nouvelles caractéristiques de sa progéniture. Non. Il ne devait pas apprendre comme ça ce qu'était devenue sa fille. Monsieur Light s'approcha d'elle afin de la prendre dans ses bras. L'idée de refuser n'effleurera pas l'esprit de la jeune femme. Depuis combien de temps attendait-elle cela ? Depuis un bout de son enfance, certainement. Imitant ses gestes, elle passa ses bras autour de lui et le serra aussi. La voilà qui retombait en enfance. Elle se sentait comme avant. Avant qu'elle ne grandisse. Avant qu'elle ne soit la femme qu'elle était devenue aujourd'hui. Elle se sentait en sécurité dans les bras musclés de son géniteur. Elle se sentait loin de tout ce qui lui pesait dessus, mais vint le moment où ils durent desserrer leur étreinte. Il regarda la montre qu'il portait au poignet et haussa les sourcils, l'air surpris. La voix masculine brisa le silence qui s'était récemment imposé.

« Il se fait tard. Je crois
qu'on devrait rentrer.
Tu veux que je te
raccompagne chez
toi ? »

La jeune femme retint une grimace. Non pas qu'elle ne désirait pas se faire raccompagner par son père - loin de là, elle aimait passer du temps avec celui-ci -, mais ce soir, elle devait rester dehors. S'occuper de quelque chose. Et elle a déjà remit cette chose au lendemain plusieur fois.

« Euh... Non, j'ai encore du travail.
Je dois passer au Ministère bosser
un peu sur une... Affaire. C'était quand
même gentil Papa. Une prochaine
fois ne t'en fait pas. »

Elle lui répondit légèrement embarrassé et aussi légèrement surprise d'avoir réussie à prononcer une phrase sans buter sur l'un des mots. Il sourit puis l'embrassa sur le front, comme si elle avait sept ans et non vingt-deux. Ils se saluèrent puis son père s'en alla. Elle le regarda partir jusqu'à ce que sa silhouette tourne au coin d'une rue et s'efface. Son sourire s'agrandit. Maintenant, elle n'avait plus peur si ses canines démesurés se montraient. Bien sûr, elle était seule. Les vampires n'étant pas encore réellement accepté dans la société, elle faisait en sorte de ne pas dévoiler son autre nature. Chose difficile lorsqu'on est en dessous des projecteurs. Lorsqu'on était Ministre. Mais un jour, elle parviendrait à changer tout ça. Elle le savait. Elle le voulait. La persévérance vient à bout de tout à ce qu'on dit. Mina défit nerveusement l'élastique de ses cheveux et y passa une main rapide avant de relever la capuche de sa longue cape afin de ne pas se faire repérer. Maintenant, l'heure de passer à l'action était arrivée.


Ses pas étaient silencieux dans cette allée miteuse. La cape tombant sur ce sol, elle semblait légèrement flotter. Une vieille sorcière s'approcha d'elle, un plateau à la main, crachant qu'elle vendait des ongles humains. Mina fronça les sourcils et accéléra son pas. Arrivée devant un grand bâtiment numéroté 13, un sourire malsain se dessina sur ses fines lèvres. Sans se presser cette fois-ci, elle poussa la porte après avoir rajustée une dernière fois sa capuche. Pour une boutique de magie noire, la jeune femme fut encore une fois surprise par l'éclairage de la pièce. Elle fut aussi déçue de ne pas voir de vieillard au comptoir, mais une vieille femme. Lasse, elle s'avança jusque celle-ci. La femme la regarda, en fronçant doucement les sourcils. Mina fut rassuré qu'elle ne voyait pas son visage ce qui lui arracha un nouveau sourire. Toujours un sourire malsain. La Ministre s'éclaircit la voix avant de questionner la jeune femme sans ménagement.

« Je voudrais parler à Barjow. »

Aucune politesse. La vielle femme se renfrogna.

« Il n'est... Pas ici. »

Celle-ci insista sur les deux derniers mots. Les deux mains de Mina vinrent se poser sur le comptoir, griffant lentement le bois de celui-ci. Elle savait parfaitement qu'il était ici...D'après de bonne source.

« Je vais recommencer. Je voudrais
parler à Barjow. »

Les prunelles argentés devinrent tranchantes. Ses mains se stoppèrent pour venir agripper fermement le comptoir. Son autorité était palpable. Tout comme sa magie. Derrière elles, la porte s'ouvrit. Mina soupira. Les yeux de la femme se détournèrent d'elle puis revinrent sur elle.

« Repassez une prochaine fois. »

Ébahie devant sa réaction la jeune femme se redressa. Ici, les vendeurs étaient surement habitués à la mauvaise humeur des clients. Cela n'allait pas marcher comme ça donc... Une minute passèrent. Puis deux, trois jusqu'à ce qu'une voix masculine gronda presque la vieille femme en parlant d'argent. Lentement, elle fit basculer sa tête en arquant un sourcil. Rapidement, elle fut stupéfaite de voir un jeune homme marchander ici. Et elle les regarda. Jusqu'à ce que la conversation soit terminé. Lorsqu'il se dirigea vers la porte - apparemment tout aussi déçu qu'elle - la jeune femme fit mine de ne pas les avoir espionnés. La vendeuse revint vers elle et au moment où elle voulut lui parler, Hermina sortit à son tour. Elle suivit l'adolescent jusqu'à ce qu'il rentre dans un bar. Décidément, celui-ci n'avait pas froid aux yeux... Boire quelque chose ici. Dans l'Allée des Embrumes... Son esprit protecteur fit surface. Elle ne pouvait pas laisser quelqu'un qui paraissait si... Jeune dans cet endroit mal-famé. À contre coeur - puisqu'elle s'était donné un autre but que de surveiller une personne-, elle entra. Repéra rapidement le jeune homme puis vint s'installer au bar. Comme toujours, elle prescrit un Manhattan puis se mit à guetter le jeune homme. Il semblait si sur de lui. La jeune Ministre - Manhattan en main - s'approcha de sa table, capuche toujours sur sa tête afin de ne pas être identifié. Elle s'installa sur la chaise tout près de lui. Pendant quelque instant, elle laissa naitre une sorte de malaise dans l'esprit du garçon puis daigna enfin chuchoter quelque chose, qu'il pouvait entendre malgré le fin brouhaha de la pièce grâce à leur proximité.

« Et bien... Je me demande
ce qu'un adolescent peut faire par ici. »

Le sourire sournois s'effaça laissant place à un visage neutre. Elle était étonnée, mais essayait de ne pas le laisser paraitre. Hermina ne s'attendait pas à une réponse aussi sage après son geste qui semblait rire au nez des conventions. Celle-ci s'attendait plutôt à une remarque bourru venant du directeur pour avoir osé lui rajouter une note qu'il n'avait pas voulu. M'enfin soit, son attitude était raffinée et elle admira en silence. Elle répondit alors à son sourire dévoilant subtilement deux canines qui lui sortaient de la mâchoire, puis se pencha en avant afin de récupérer son verre qu'elle porta à ses lèvres. Raide comme un piquet, elle but lentement et revint déposer le godet. Dire qu'il fut un temps où elle s'était privée de ce plaisir. La douce voix du vampire retentit lentement à nouveau, la questionnant sur le ministère. La jeune femme s'empêcha opiniâtrement de grimacer. Ah, le ministère. Que de travail en ce moment. Le ministère pouvait s'apparenter à une ruche sans poser le moindre problème. Heureusement qu'elle s'autorisait ses sorties en week-end, car sinon elle deviendrait aliénée. Il y avait tellement de choses à faire depuis qu'elle s'était fait nommer ministre. Certes cela allait bientôt faire quelques mois, mais les diverses manifestations mangemortes ou contraire au chemin de l'ordre du phénix n'en finissait plus. Soit, elle ne devait pas parler de ce dernier point. Son regard vagabonda un instant entre le liquide, une table avoisinante et leur table pour finir par se poser sur le visage de l'homme au teint pâle. Elle tenta de détourner la question à sa faveur c'est-à-dire en y répondant en quelque sorte indirectement en feignant l'étonnement.


« Et bien et bien. Vous ne lisez
donc pas, comme la plupart
de nos condisciples sorciers,
le Chicaneur ou la Gazette
des Sorciers? »

Mina suggéra le Chicaneur en premier, car elle avait légèrement plus d'estime pour ce journal depuis qu'il avait osé exposer la version des faits de Potter sur le retour de Voldemort en juin quatre-vingt-quinze. Les prunelles argentées plongés dans celles de Benjamin flamboyèrent tandis qu'elle retenait une remarque acerbe. La sorte d'irritation qui enveloppait la ministre semblait s'envoler soudainement. Pourquoi être mauvaise alors qu'ils s'offraient tous les deux une agréable soirée ? Elle glissa ses mains dotées de longs ongles dans ses cheveux noirs, tout en dégageant son visage d'une mèche encombrante. Un souffle humide arriva jusqu'à elle. La jeune femme tourna la tête et vit que cela venait de la porte. Une personne - qui lui était vaguement familière - venait de rentrer. Ce sentiment de déjà vu se révéla juste puisque ladite personne lui fit un signe de la main. La jeune femme salua à son tour poliment d'un geste lent de la tête avant de détourner rapidement celle-ci vers Reeves pour qu'assez vite il se rende compte qu'elle était en galante compagnie et qu'il n'était pas nécessaire qu'il vint à sa rencontre. Mina décocha un sourire en coin à son partenaire de table avant de lui ajouter sur le compte de l'arrivant que c'était une « bonne connaissance ». Pourquoi se sentait-elle obligé de se justifier ? Aucune idée. Coupant court à ce bref passage, Mina, qui fumait toujours, enchaina avec une question travail, encore, en ricanant gentiment. Intérieurement, elle espérait quand même que leur conversation ne tournerai pas qu'autour du boulot.


« Et vous ? Comment se déroulent
ses arrivées massives de prisonniers
ses derniers temps ? Cela ne pose
pas trop de problème aux détraqueurs ? »

Bien entendue, elle savait pertinemment que non, cela ne dérangeaient pas les détraqueurs. Être gardien de prison était - on peut le dire - dans leur gènes (à condition qu'ils en ont...) donc forcement, cela ne leur posaient aucun problème. Et puis, pourquoi ressentirait-elle de la compassion pour ses horribles créatures qui vont jusqu'à rendre les gens fous ? Ce qui l'intéressait plus particulièrement notre brunette, c'était l'opinion du directeur sur tous ses prisonniers. Une opinion sans doute important qui pourrait la faire avancer sur certains campement de positions. Son sourire se grandit à l'instar de sa curiosité et de son ébahissement. Pourquoi ébahie ? Pour une jeune femme plutôt froide d'accoutumée - du moins avec les adultes, les enfants ou ados ne subissaient généralement pas son mauvais tempérament -, elle fut comme d'habitude, étonné de cette sorte de facilité avec laquelle elle parlait à Benjamin, mais aussi au nombre de sourire qu'elle pouvait lui adresser sans même qu'il ne soit véritablement volontaire ou faux. C'est donc dans un rejet de fumée et de canines à nouveau voyantes - pour ceux qui scruteraient les petits détails - qu'elle attendit la réponse du blond.

fordham rocks.