J’avais réussi au moins à le faire réagir avec mes propos. Sans doute avais-je eu une mauvaise idée en lui disant qu’il avait une sale tronche. J’avais peut-être remué le couteau dans la plaie? Mais je n’avais pas pu m’empêcher de dire des paroles aussi désagréables. C’était dans ma nature, après tout. Et Elyan était au courant de ma façon de le faire bouger. Il était habitué et je dirais même qu’il y était abonné considérant le nombre de fois que je le retrouvais ainsi, en mauvais état. « Hn, sans blague ! » grinça-t-il, visiblement déjà écœuré de ma présence. Et en fait, pour tout avouer, cela ne me dérangeait pas de lui faire du mal par les mots. Si cela l’aidait, alors tant mieux! Parce que les gens comme lui avaient besoin de grands coups de pieds dans le derrière et c’était ce que je m’évertuais à faire du mieux que je le pouvais!

C’était pourquoi je lui avais proposé un café. Au moins cela le réchaufferait de ce muret froid et sans vie. Mais à la place d’accepter et de me suivre, Elyan s’allongea de tout son long sur le muret. Peut-être faisait-il cela pour m’exaspérer ou bien souhaitait-il que je m’en aille? Mais encore là, il se mettait le doigt dans l’œil! Je n’en avais aucune envie! Et on ne se débarrassait pas de moi comme ça! Il le savait pourtant! Mais n’allait-il jamais apprendre que moi, j’étais dotée d’une persévérance sans faille?

« Tu venais là pour quoi, Jules ? » me demanda-t-il. En fait, je restai interloquée quelques instants. J’étais venue pour de la drogue, cela va s’en dire… mais étrangement, je n’en avais plus envie. J’avais presque envie de dire que j’étais venue là pour lui, pour le voir. Surtout pour savoir s’il allait bien. Mais pourquoi cet aussi grand intérêt pour cet épave? Non, je ne le trouvais pas de mon goût, non, il n’était pas mon ami… Il n’était que mon dealeur de drogue à mes yeux… Mais cela reviendrait à me voiler la face. Peut-être était-il un reflet de moi-même? Peut-être voulais-je l’aider pour ne jamais lui ressembler? Parce que j’aurais pu être à sa place sur ce muret. Mais j’avais été construit de sorte que j’avais plus de résistance. J’étais plus endurante que lui. Peut-être que l’aider m’empêchait de craquer à mon tour? Parce que Dieu sait que des fois, j’aimerais ça me laisser abandonner à cela. Ce serait terriblement plus facile.

« Si c'est de la came que tu veux, j'ai. » me dit-il avant de fouiller dans sa poche pour y dénicher une cigarette. « Je n’en ai plus envie. » lui dis-je, sincèrement.

Et c’était vrai, le voir ainsi, m’avait stoppé l’envie nette. Et si je voulais l’aider, ce n’était pas en lui en achetant que j’allais y parvenir! « T'as rien de mieux à faire, sérieux ? Tu dois avoir d'autres contacts un peu moins décevants, non ? » Je lui souris et grimpé finalement sur le muret en pierre pour être assis à côté de lui. À ma droite, il y avait sa tête qui tantôt me regardait, tantôt regardait le ciel, y cherchant peut-être des réponses à sa vie misérable ou du pourquoi je me trouvais encore là à le supporter. « Non, j’ai rien de mieux à faire. Et puis, t’es le plus intéressant de mes contacts. On ne s’ennuie jamais avec toi! » lui dis-je. Et c’était vrai. Les autres se contentaient de me refourguer leur came et moi, je l’achetai sans dire un mot. Il n’y avait pas d’échange. Au moins, Elyan parlait et réagissait, même si ce n’était que des grognements… Et il y avait de l’intérêt, aussi minime soit-elle.

Mais peut-être pensait-il que j’allais prendre mal ses paroles, puisqu’il me tendit sa cigarette telle un calumet de la paix. Je la pris et commençai à la fumer. Je n’étais pas une grosse fumeuse loin de là, mais en fumant de la drogue, on développait inévitablement une addiction pour ce fléau. « T’as pas répondu à ma question tantôt… Quoi de neuf? » Non, je n’allais pas partir. La soirée ne faisait que commencer. Et Elyan semblait plus réceptif qu’à l’habitude. C’était déjà un bon début auquel j’allais certainement m’accrocher!