Qu’avait-il eu en tête alors qu’il avait envoyé ces messages ? Avait-il réellement cru qu’elle accepterait de lui parler et que d’une tape dans le dos, ils repartirais rabibochés comme si de rien n’était, comme s’ils n’avaient pas trompé June en s’embrassant durant cette soirée là ? Il lui arrivait parfois de repenser à ce baiser et pourtant, les versions de ses souvenirs n’étaient jamais les mêmes, se transformant et se déformant au fil de ses pensées, s’amplifiant pour finalement devenir presque insoutenables pour le barman, non pas pour ce qu’il avait fait à June mais pour ce qu’ils n’avaient pas fait avec Fauve. Après tout, un baiser ce n’était pas grand chose dans ce bas-monde, ce n’était pas une déclaration d’amour ni même une demande en mariage comme il avait pu le faire quelques années plus tôt auprès de sa grande sœur, non un baiser pouvait tout signifier et son contraire. Habituellement cela se passait effectivement ainsi, il faisait ce qui lui passait par la tête sans réfléchir aux conséquences mais pas cette fois. Pour la première fois en quatre ans, il avait rencontré celle qui pourrait briser son couple qu’il avait pourtant toujours cru insubmersible. Sa relation avec Fauve n’avait pourtant jamais été particulièrement marquante jusqu’à présent, elle était certes très jolie mais des jolies filles, il en avait déjà croisé et serré des tas avant elle, elle n’était pas spécialement gentille non plus, ni très drôle pour être honnête mais cela s’expliquait sans trop de mal : avec leur différence d’âge, ils n’avaient pas eu grand chose à se dire la première fois qu’ils s’étaient vus alors à part quelques banalités sans intérêt, ils ne s’étaient pas trouvé de passion commune…jusqu’à ce que la drogue entre dans leur vie. Pour Joshan, ce n’était pas une découverte, il était dans le milieu depuis de nombreuses années déjà mais Fauve était trop jeune pour cela, trop jeune pour savoir vers quoi elle se dirigeait après tout, elle n’avait que seize ans à l’époque. A cet âge là, elle avait probablement déjà allumé son premier joint mais franchement, Joshan ne pensait pas que cela puisse allez plus loin pour une fille comme elle. Ce n’est que plus tard qu’il l’avait recroisée lors de quelques soirées. Ils s’étaient bien sur parlés à plusieurs occasions et il lui était même arrivé de la dépanner mais…entre entretenir de bonnes relations et s’embrasser, il y avait un gouffre et aujourd’hui encore, Joshan cherchait à quel moment ils avaient merdé. A quel moment ils avaient glissé sur cette pente raide.
Ils étaient tombés mais n’y avait-il pas moyen pour eux de se relever ? C’était le doux espoir que caressait Joshan en même temps qu’il retirait d’un geste doux la larme des joues de Fauve et si cette dernière demeurait calme, ce n’était que pour mieux préparer la tempête mais ça il l’ignorait encore. Il sentait bien qu’elle était trop calme pour que cela soit normal mais quand elle reprit la parole, il resta un instant silencieux, redoutant un peu la signification de ce sourire qui se peignait sur ses lèvres. Depuis le temps qu’il pratiquait, il avait fini par apprendre à déchiffrer le comportement des femmes et celui de Fauve à ce moment n’avait rien d’agréable, rien de rassurant. Elle avait ce sourire de vipère, comme ces filles se pensant trop bien pour lui. Conasses. Mais Fauve n’était pas une connasse, elle n’était pas comme toutes ces autres. Quand enfin elle reprit la parole, il encaissa le coup sans broncher. Au fond, il s’était préparé à ce qu’elle lui sorte une merde du genre, il s’attendait à ce qu’elle accuse la drogue, l’alcool, le voisin, les nuages, bref, tout le monde sauf la réalité : elle en avait eu envie. Mais tout ça, n’était-ce pas lui qui l’avait décidé ? Et si elle disait vrai ? Et si elle ne voulait vraiment rien savoir de lui, et si elle avait effectivement agi sous le coup de l’alcool ? Pourquoi refusait-il seulement de l’admettre ? Pare qu’il était le dernier des cons, cherche pas plus loin Josh ! Fauve continua sur la lancée, de plus en plus vindicative dans ses paroles, de plus en plus agressive comme si soudain, toute la rage en elle éclatait. A sa gueule. Sauf qu’elle n’avait pas fini, le rejeter ne lui suffisait pas, non il fallait qu’elle l’écrase, qu’elle le traine dans la boue, qu’elle lui crache au visage. Détournant un instant le visage, un petit rire vint soudain illuminer son visage mais la lueur de son regard n’avait rien de joyeux et quand il releva à nouveau le visage pour l’observer de son sombre regard, un petit rictus sauvage le traversa, celui qui laissait présager quel type d’homme il était réellement. « Tant de haine pour un putain de baiser dénudé de sens ! » fit-il d’un petit sourire en levant un sourcil en se foutant clairement d’elle. Il savait bien que cela n’arrangeait rien d’agir de la sorte mais blessé dans son amour propre, ses émotions prenaient le dessus et de toute évidence, il ne pouvait se laisser attaquer de la sorte sans réagir. S’éloignant d’elle de quelques pas, il sortit de sa poche son paquet de clope pour s’en visser une aux lèvres et l’allumer d’un geste impatient. . « Tu crois vraiment que j'pourrais ressentir un truc pour un mec comme toi? Putain » Devant ses paroles, il se tourna vivement vers elle et le jugement complètement brouillé par la colère et la blessure qu’elle lui infligeait, il donna un coup dans le mur, juste à côté de son visage. « Ta gueule ! » De quoi l’impressionner ? Non mais ce petit jeu là ne se jouait qu’à deux et malgré ses vingt-six ans, il manquait clairement de discernement. « Tu te crois meilleure peut-être ? T’es rien qu’une petite pétasse qui joue à la grande ! » C’était dit mais le pensait-il ? Peut-être, peut-être pas mais comme un animal blessé, il attaquait à son tour sans réellement prendre conscience de ce qu’il était en train de faire. Se reculant alors d’elle, il fit un petit geste de la main comme pour signifier qu’elle ne valait même plus la peine qu’il s’y intéresse. « Tu sais quoi, va te faire foutre » Sur ces mots, il tourna les talons pour la laisser en plan, à la fois blessé par ses paroles et la tournure des évènements. Merde, c’était pas ce qu’il voulait, c’était pas comme ça que ça devait se passer. Mais là tout de suite, il avait plus urgent à faire. Il avait absolument besoin de se détendre et vite.