Noël. Tout le monde associe Noël à l'enfance, aux rires, aux cadeaux, à la bonne humeur ... la neige ... On se souvient tous de ce Noël si spécial quand enfant, quelque chose de presque miraculeux à nos yeux est venu embellir notre journée. Ce souvenir, on le retrouve avec plaisir le soir où on décore le sapin, en retrouvant de vieilles décorations qu'on nous a fait faire à la garderie quand on était hauts comme trois pommes. Du moins ça serait beau si ça fonctionnait toujours ainsi.

Kiera avait fini par se faire à l'idée de Noël parce que Jacob ne cessait d'en parler depuis deux semaines. Mais en vérité elle n'avait aucun souvenir de cette fête : il était si enfoui - si loin sous des souvenirs douloureux, éprouvants, qu'elle n'avait même pas le courage de les faire ressurgir pour essayer de chercher plus profondément en elle - qu'elle ne se rappelait pas avoir un jour décoré un sapin. Ou sa joie quand elle ouvrait ses cadeaux alors qu'elle avait toujours ce qu'elle avait demandé. La délicieuse traditionnelle pile de pancakes aux noix de pécan de sa mère qui les réveillait, quand le petit déjeuner était prêt à être avalé. Les rires ... Jacob avait essayé plusieurs fois de lui rappeler des blagues qu'elle avait pu leur faire, les bons moments passés ensemble, mais elle n'avait rien compris. Aucun souvenir ne perçait. C'est pour ça qu'elle était venue jusqu'au marché de Noël aujourd'hui : si ils y allaient vraiment tous les ans, elle devrait se rappeler quelque chose !
Mais la seule chose qu'elle ressentait était l'appréhension alors qu'une boule se nouait dans son ventre. Il faisait froid. La neige s'était remise à tomber et tout le monde en semblait heureux, mais les flocons mordaient la peau de ses mains nues et de ses joues. Il y avait des lumières. Des tonnes de lumières dans tous les sens, aveuglantes, qui restaient incrustées sur la rétine quand on essayait de les fuir. Les rires des enfants tournaient en rond dans sa tête comme un bruit de fond qui ne cessait jamais. Et le Père Noël ... Cet espèce de vieil homme qui prenait les enfants sur ses genoux et caressait leurs petites joues en leur offrant des bonbons ... Quelle sorte de malade était-ce donc ? Pédophile ? Psychopathe ? Tout le monde était heureux de le voir sans que personne ne se demande pourquoi ce barbu en costume rouge pouvait être heureux de voir autant de monde. D'enfants. La blonde ricana devant tant de naïveté - ils devraient plutôt veiller à la sécurité de leurs enfants avant de les emmener voir un vieillard étrange et inconnu - et détourna les yeux en essayant de trouver quelque chose de positif dans cette allégresse bruyante à laquelle elle n'arrivait pas à trouver le moindre intérêt. Les gens étaient juste ... bruyants. Pénibles. Et ils dépensaient sans compter pour s'acheter quelques bonbons ou louer des patins comme si l'acheteur le plus compulsif se verrait offrir un cadeau assez précieux pour qu'ils fassent crier leur portefeuille pour un bonheur qui ne durerait de toute façon pas plus que quelques heures. C'était pathétique. Elle s'arrêta alors une seconde et regarda autour d'elle, ses yeux scrutant encore une fois la foule incessante. Et allez savoir pourquoi son regard se porta sur Emma. Peut être parce que son calme contrastait avec les parents alentour ? Peut être parce qu'elles avaient la même écharpe, épaisse et chaude, pour protéger leur gorge de cette pluie glacée et blanche qui s'obstinait à tomber ? Ou peut être qu'une raison étrangère lui avait montré cette jeune blonde, dont le calme était rassurant. Surtout ... ici.