& Penny R. Daniels & Esra Temekhin

C\'était un grand jour, si ce n\'est LE grand jour. Le jour où tout doit marcher droit, fonctionner parfaitement comme on se l\'était imaginé. Si un truc clochait, tout plantait. Pour que tout se passe comme prévu, Esra avait planifié toute sa journée. Le week end touchait à sa fin et il avait été rude. Elle jouait en équipe, en Fed Cup, contre les Etats-Unis. Ah, la Fed Cup, cette capacité de ressouder un peuple peu porté sur le tennis de prime abord en une seule victoire, en un seul week-end ! Les joueurs vous diront qu\'elle a changé leur vie, qu\'elle leur a donné un nouveau tournant dans leur vie professionnelle et personnelle sans vraiment préciser si cela avait été salutaire ou non. Cette rencontre précisément avait un goût de revanche. L\'année dernière, la Turquie que représentait Esra et ses compatriotes avait perdu contre ces mêmes américaines aux des quarts de finale, un stade jamais atteint auparavant. Cette année, Esra était titulaire contrairement à l\'année passé où elle avait usé toutes ses forces à essayer de persuader l\'entraîneur de la laisser jouer et gagner. Enfin, maintenant que Esra avoisinait le top ten au classement féminin WTA mondial, l\'entraîneur devait bien reconnaître certaines qualités à cette jeune femme. Esra espérait ramener la victoire à son équipe mais non à son pays. Elle avait quitté la Turquie alors qu\'elle n\'était encore qu\'une enfant. Le pays qui trouvait sa place dans son coeur était la Russie et elle voulait en porter un jour les couleurs mais elle savait que cela allait être, si ce n\'est impossible, compliqué. En effet, elle habitait New-York depuis un an maintenant... La native d\'Ankara voulait prouver à tous qu\'elle méritait sa place au sein des meilleures joueuses mondiales et elle comptait sur ce week-end pour y arriver. Tout s\'était passé comme prévu. Elle avait joué le vendredi et avait battu sèchement la meilleure joueuse américaine en deux sets. Esra avait à peine souri après cette victoire, c\'était mérité, elle le savait, elle était meilleure, voilà tout, il n\'y avait rien de gratifiant à cela. Tout ceci accentua la peine de l\'américaine d\'avoir perdu mais elle s\'en fichait. « C\'est le sport ma chérie, va travailler et on en reparle » avait-elle envie de dire. A la place, elle se contenta de lui serrer la main, un sourire poli collé sur le visage, la pensée déjà ailleurs. Ensuite, une Turque perdit son match ce qui amena le score de la rencontre à 1 partout. Les Turques recollèrent au score suite au double puis reperdirent un point précieux au match de simple du dimanche matin. Esra était au anges. Tout se passait parfaitement. Elle se ferait supplier par l\'entraîneur national de jouer le dernier simple décisif. Le plan était simple : si les EU gagnait ce match, elles battaient les Turques et vice versa. Le match était à enjeu, la concentration à son comble. Esra affligea une raclée monumentale à la joueuse américaine ce que tous les journaux sportifs et télévisés s\'empressèrent de rediffuser. « L\'espoir mondial féminin est Turc ! » « Esra Temekhin, retenez bien ce nom. Bientôt, sans que vous vous en rendiez compte, elle sera confortablement assise à la place de numéro mondiale ! » Elle était devenue ce qu\'elle voulait être, ou plutôt ce qu\'on voulait qu\'elle soit : un symbole. Le symbole que la Turquie n\'était pas que Midnight Express... Elle était donc sortie fêter cet événement avec ses coéquipières Turques au célèbre et branché Rose Bar. Elle connaissait bien cet endroit et elle y venait souvent. Le but de cette soirée était clair : s\'amuser sans faire d\'excès. Il était tout simplement impensable de boire plus que raison, voire de boire tout court. Les coachs ne toléraient que très peu de retrouver leurs protégées dans un état lamentable et ça pouvait ruiner plusieurs jours, voire un tournoi en entier, de dessaouler. Esra ne prenait jamais de risques, elle n\'avait jamais touché à une goutte d\'alcool de sa vie et ne comptait pas commencer de sitôt. Son oncle qui l\'entraînait avait la double nationalité, c\'était à la fois un Turc pur dur doublé d\'un Russe à la poigne de fer. Inutile de préciser que tout écart était sévèrement puni. Toutefois, Esra ne dérogeait jamais à une règle : toujours être bien habillée. Maintenant qu\'elle est millionnaire, elle se permettait toutes les fantaisies dans le choix de ses tenues, des grands couturiers aux petites boutiques de friperie. Ce soir, elle avait sorti le grand jeu. Elle avait choisi une petite robe bustier Balmain noire qui mettait en valeur ses longues et fines jambes bronzées... Elle y avait ajouté des talons aiguilles et une pochette ainsi que, bien sûr son parfum, Dzongkha de l’Artisan Parfumeur, un savant mélange d\'accords cuivré, musqué avec un effet animal, chaud et sensuel. Elle était prête à faire la fête, à sa façon...