Y'a des jours avec, et des jours sans. Sauf qu'en ce moment, Tyler avait plutôt tendance à voir des "sans". A croire qu'il trimballait sa poisse derrière lui, il ne lui arrivait que des emmerdes. Tout avait commencé le jour où il s'était retrouvé le canon d'un flingue entre les deux yeux, un balle dans l'épaule, un arrêt de travail, pas de tunes. Résultat, il faisait des heures sup' pour pouvoir payer ses 3mois de loyers de retards, les dernières charges du médecin (ça lui apprendra à avoir une couverture sociale à deux balles), et puis de quoi bouffer aussi tiens. Il marchait (j'ai l'impression que Tyler passe son temps à marcher sur ce forum.) jusqu'à chez lui sans spécialement se presser, songeant à manger un hamburger sur la route puisqu'il n'avait plus rien dans son frigo et que son ventre criait famine. Il était tôt, mais étant donné qu'il s'était tapé une nuit entière de boulot, avait enchainé sur une matinée plutôt mouvementée et un début d'aprèm difficile, il était plutôt crevé. En ce moment au programme : Surveillant d'un parking la nuit, homme de ménage à la fac du coin le matin et projectionniste l'aprèm : tout un programme !

Je disais donc, il marche. Et le récit aurait pu s'arrêter ici, on aurait assisté à une autre journée pathétique de la vie du Jeune Tyler Raspburgh résumée en 15 lignes, et fin de l'histoire. Mais non, today is a special day car le destin (ou tout autre entité supérieure indéterminée) l'avait décidé ainsi. Et ce jour n'était pas spécial du fait que l'hamburger qu'avait Tyler dans la main était plutôt très bon (pour une fois), ni du fait qu'il évita de marcher dans une merde en l'esquivant au dernier moment. Nan, par contre, quand un chien violet lui sauta dessus pour boulotter son sandwich au moment même ou il franchit la grille du parc municipal, il se dit que aujourd'hui était vraiment une journée de merde. Et que faire, quand un chiot mâchouille les derniers restes d'un steak (qu'il aurait préféré manger lui) à part rester là, à le fixer les bras ballants. "Pas de quoi s'énerver" se répète t-il en boucle, surtout contre un pauvre chien trempé, il était mignon en plus le sale cabot et puis il devait certainement en avoir plus besoin que lui. Mais pourquoi était-il violet au fait ?

Après une petite tape amicale sur la tête, Tyler s'apprêta à continuer sa route peinard jusqu'à chez lui où il pourrait enfin (hallelujah) dormir. Mais voilà, le chien (appelons le Pao) semblait ne pas en avoir finit avec lui. Voilà qu'il se mettait à mâchouiller son jean maintenant. Pire, il semblait même vouloir le tirer quelque part, probablement vers une planque secrète à steak. Ou alors il venait d'être choisis pour intégrer un gang de chiens violets super fermé dont le but est de mener une guerre sans pitié contre les facteurs de Miami. Enfin bref.

Il n'en revenait pas de suivre un clebs, mais bon après tout pourquoi pas, enfin je veux dire qui ne tente rien n'a rien, bien que dans le cas présent il n'attendait pas grand chose de ce petit détour en compagnie d'un chien, mais sait-on jamais.

"Si tu me comprenais, je te dirais de lâcher mon futal."

Et là, Ô miracle, le canidé le lâche, chose qui laisse Tyler plutôt perplexe. Un peu plus et il penserait que ce chien l'a comprit, mais ne délirons pas trop : le froid a certainement engourdit ses neurones déjà bien stagnants. Et puis de toute façon ils étaient arrivés, enfin ça le monsieur n'en savait rien, mais le chien lui s'était arrêté devant une étendue d'eau plate et probablement sale. Et quoi ? Rien, à part une fille à quelques mètres de là, enfin une fille je dis ça je dis rien, après tout il n'en voyait que la tête qui peinait à rester hors de l'eau. Une tête qui lui disait quelque chose et pour sur, il l'avait vu ce matin même. Une petite artiste en herbe au joli minou, ça ne s'oublie pas.

*J'hallucine...*

"HEY TOI LA BAS ! C'EST QUOI CA, UNE PERFORMANCE ?" 

Le spectacle avait un petit quelque chose de drôle, il ne savait pas si c'était à cause de l'eau qui, avec son nouveau panel de couleurs, avait un petit quelque chose de clownesque, ou si c'était la jeune fille en son centre qui semblait rire de désespoir. Mais ne la voyant pas bouger, là, au milieu de son lac, et pire l'entendant pleurer de rire, il commença à douter sérieusement du bon équilibre psychologique de la demoiselle. Il n'avait pas envie de jouer les super héros en herbe ni de se prendre pour David Hasselhoff en enfilant un short de bain rouge, néanmoins devant les jappements du toutou qui semblait s'impatienter devant son inaction, il retira sa veste et ses godasses, et plongea dans la flotte multicolore. Froide oui elle l'était, pt'être même que l'hamburger qu'il aurait pu boulotter si Pao ne l'avait pas fait à sa place lui aurait été fatal. (Tyler a tendance à réfléchir à des trucs totalement cons à des moments inopportuns.) Bref, en quelques secondes de crawl il avait rejoins la demoiselle qui avait elle aussi pris quelques teintes bleues à cause du froid. De la fumé blanche s'échappait de leurs lèvres, trahissant les degrés qui venaient à manquer ici. L'eau glacée lui brûlait la peau, la jeune fille devait mourir de froid.

"Tu ne comptes quand même pas te suicider de cette manière hein ? Quoique je reconnaisse l'originalité de l'acte.
... Allez accroche-toi."

Il passa les bras de la demoiselle autour de ses épaules pour nager tant bien que mal (si vous saviez comme c'est dure de nager en trainant quelqu'un...) vers la terre ferme. Le chien les attendaient sur la berge, remuant la queue, hésitant à poser une patte dans l'eau pour s'en éloigner vite fait, apeuré. Ils eurent bien vite pieds, et Tyler qui commençait à être engourdit par le froid, hissa la fille sur ses épaules pour rejoindre rapidement la terre. Il la posa au sol, à côté de ses affaires, frictionnant ses bras et ses jambes pour qu'elle ne meurt pas littéralement de froid. Il lui passa sa veste sur les épaules.

".... Ça va ?"

C'était demandé sur un ton ni trop compatissant ni trop effrayé: plutôt neutre en fait. Il se risqua à lancer un regard vers la demoiselle qui avait eu très chaud (haha, joke). Il ne savait pas bien pourquoi elle s'était retrouvée dans cette situation, mais au fond il s'en moquait.

"Tu peux dire merci à Pao, sans lui tu y serais encore."

Dit-il désignant d'un mouvement de tête le chiot qui avait grimpé sur les genoux de la demoiselle, pour la câliner/léchouiller d'un air compatissant.

Statue of Liberty