Je me suis toujours demandé comment j'aurais fait si, en plus d'être a moitié folle, la foule eut le don de m'oppresser. Comment tenir dans cette chaleur moite de corps à peine recouverts se trémoussant les uns contre les autres ? La piste de danse n'est plus qu'une vague immense, une vague humaine, mouvante sous les lumières stroboscopiques. Picotée par les basses devenues plus fortes, la vague s'accélère, son eau pacifique devient orage. La plupart des gens ont les yeux fermés, ils profitent de chaque décibel, les notes de cette musique tapageusement électronique parcours leurs corps de haut en bas. Je fais partie de cet amas de gens qui dansent, qui partent dans une autre dimension. J'ai l'avantage qu'aucune substance ne m'y a aidé, pas encore. D'un côté une jolie rousse, de l'autre une petite brune ultra tatouée. Le spectacle me plait. Derrière moi, la main sur mon bassin et le nez dans ma nuque, un grand brun aux yeux clairs. Canon, il ressemble à ma première fois. Peut-être est-ce ce qui m'a charmée. La musique se fait répétitive, la tension de la foule est latente, les bras se lèvent, on attend l'explosion. Deux applaudissements, tous en cœur, et tout avait atteint son paroxysme; c'était comme si la vague, l'amas, venait d'avoir un orgasme. La mélodie change et les corps se délient. Tous ont besoin de se rafraîchir, de reprendre leurs souffles, de retomber un peu pour mieux repartir. Les plus increvables, ceux qui généralement on déjà tellement bu qu'ils ne sentent plus la fatigue, restent au centre de la piste. Ils bougent, mais on ne sait pas ce qui les anime, ils sont tellement loin. La vodka me réchauffe la gorge, au cinquième shot on fait une pause dans un petit rire. Il voulait se mesurer à moi, quelle drôle d'idée ! Il aurait pu choisir un adversaire à sa taille, je m'ennuie. Je le provoque, je n'attends qu'une chose, qu'il achète la bouteille, cinq petits verres ne me suffisent pas. Pas pour toute une soirée. Chacun sa bouteille désormais, on ne joue pas avec des shots, il n'y a pas de défi. Une bouteille par personne, ça ça ressemble à de la compétition. Il est 2.00pm lorsque je fais le compte. Il a vomi, il n'en était qu'au début de la deuxième. La deuxième bouteille. Quel petit joueur ce... comment s'appelait-il encore ? Chris ? Steeve ? Peut-être était ce plutôt Donovan. Rien avoir. Je fais signe au barman de nous en remettre une pour la route. Enfin, surtout pour moi, mais à son compte à lui. J'en serai bientôt à ma troisième bouteille. Promis, arrivée à quatre je rentre chez moi. Je fais sommairement la connaissance d'une demoiselle des plus canon, Hanna, Lola peut-être, et lorsqu'elle m’agrippe la main et m'emmène à l'écart je salive d'avance. Le repas est servi et ce dans une arrière-coure, mal éclairée, assez glauque pour me donner la chaire de poule. Je n'ai pas peur, c'est de l'anticipation, de la jubilation. Le glauque c'est un peu mon truc, je n'aurais pas choisi meilleur endroit pour passer mes mains dans sa petite culotte en lui mordillant le cou entre deux baisers. J'aurais préféré qu'elle tienne le coup également. Pas de chance, une fille qui vomit à trois pas de vous en se tenant au mur, ça vous coupe l'appétit aussi sec. Je fais dans l'extravagant, dans l'inédit, dans le public, dans le violent parfois même; mais la scatophilie, je laisse ça aux autres, j'aimerais que mon petit-dej reste là où il est. Bien que je n'en ai pas pris. Boire sans manger, c'est pas la meilleure des idées maintenant que j'y pense. Lorsqu'elle se retourna pour me retrouver, j'étais déjà partie. Au bout du compte c'est encore bien dans les survivors de la piste de danse que vous trouvez les meilleurs coups. J'en ai la preuve par A+T. Aaron + Timothy. En voilà deux qui n'étaient pas fatigués croyez moi. Aaron avait la chance d'être bien plus sexy que son pote, c'est donc à lui que revint le privilège de me faire toucher les étoiles. Et quel privilège... Une fille pompette, une de plus. Rien d’exceptionnel, tout juste assez minable que pour entacher mon amour propre. Ce genre de coup vous fait vous sentir bien pendant une vingtaine de minute et puis vous redescendez et lorsque vous êtes moi, vous vous sentez sale et violentée. L'alcool rend le viol consentant et quand bien même c'est moi qui l'ai cherché, il n'y a donc aucune raison de parler de viol à moins qu'on ai saisi ma métaphore, j'ai besoin d'une douche pour m'en remettre au plus vite. Presque quatre litres de vodka lorsque je prends la route pour retourner chez moi, à pied bien entendu. Je dis quatre litres, c'est une approximation. Après les cinq shot et les quatre bouteilles de 75cl, j'ai perdu le compte. C'est fou tout ce que peut contenir un corps si frêle n'est-ce pas !?!

J'ai les oreilles qui bourdonnent, ma vue est trouble, même pire que ça, et j'ai retiré mes talons pour être certaine de ne pas me casser la gueule. Il me semble que j'arrive à marcher plus ou moins droit, du moins j'en ai l'impression. Mais j'évite de m'arrêter, car c'est à ce moment-là que le monde entier se met à tourner. Pris dans la valse folle du trop plein d'alcool. La terre est une alcoolique, mais on dit que c'est normal qu'elle tourne, alors on ne lui fait pas de reproche à elle, on essayerait même pas de l'emmener aux AA. Je ne suis pas à Londres depuis longtemps, je trouve ça vivifiant un peu de nouveauté, mais je dois avouer qu'aujourd'hui je m'en serais bien passé. Je n'ai pas la moindre idée d'où je dois aller pour rentrer chez mes parents et comme je ne connais pas encore mon adresse, le nom des rues ne m'aident aucunement. Quelle vie de chien et pas un chat dans la rue pour lui demander le chemin. Hampstead, je vous prie ? Même saoule je sais me montrer polie. Pour finir je me dis que je pouvais toujours essayer de trouver mon appartement. Je n'ai pas le droit d'y habiter, pas encore, mais il m'appartient déjà. Tel est le bonheur d'être fille de riches. Mon sang c'est du 30% et toutes les rues se ressemblent d'un coup. Je guette donc l'immeuble qui portera le numéro 42 et lorsque je l'eus trouvé, arriva la dure réalité des escaliers. Pourquoi m'avaient-ils acheté un appartement au troisième étage ? Ne leur était-il pas venu à l'idée qu'en sortant de discothèque où j'aurais fréquenté tous les endroits les plus exiguës possibles, entourée toute entière par une atmosphère des plus pesantes, je n'aurais en aucun cas l'envie d'aller me foutre dans un ascenseur qui aurait tôt fait de remuer tout l'alcool ingurgité en démarrant ? Plus grave encore, peut-être aura-t-il la malice de se bloquer le bougre ! Je ne suis pas claustrophobe, mais disons que me retrouver dans une pièce si ridiculement petite, pas même consciente de ma propre ivresse, frôlait la haute probabilité de me faire péter un câble. Du moins, je l'imagine. De toute évidence, non, ça ne leur était certainement pas passé par l'esprit. D'un côté je ne suis pas certaine que j'y aurais pensé non plus si ce problème ne s'était pas imposé à moi ce soir et puis, encore faut-il qu'ils se mettent dans la tête que leur gentille Kerrian n'a plus cinq ans et qu'elle boit pour oublier qu'elle mourra certainement un jour de la main de sa propre folie. Le seul avantage à prendre les escaliers en étant beurré, c'est que cela semble passé plus vite que d'habitude. Aucune notion du temps n'est plus tronquée que celle qui se fie à quatre litres de vodka, croyez-moi. A tel point que j’atterris au quatrième étage sans même m'en rendre compte. Le désavantage maintenant, à prendre les escaliers en étant beurré c'est qu'il est plus facile de les monter que de les redescendre... « Scheiße! Es funktioniert nicht!» Même si vous ne comprenez pas un mot d'allemand vous aurez compris que je ne suis pas très contente et que l'anglais en étant bourrée c'est pas toujours très facile pour moi. « Bullshit ! » Ah si, apparemment ça fonctionne. J'aimerais en dire autant de mes clés. J'en ai pas des centaines, à peine quatre, et aucune ne rentre dans cette fichue serrure. J'essaye d'être discrète, mais ça commence sérieusement à m'emmerder, j'ai envie d'une douche et pas envie de dormir devant ma porte ce soir. Si proche du but, ça serait ridicule. Je soupçonne un complot de mes parents, ils auraient bien été capables de faire changer les serrures pour être certains que je n'y élise pas domicile sur-le-champ. Pas une seule seconde, parmi les scénarios les plus farfelus de mon esprit alambiqué, je n'envisageai que peut-être ce n'était pas mon appartement. Pourquoi donc ? Quoi que maintenant que je le dis, je ne me souvenais pas qu'il y eut un paillasson "Welcome" devant ma porte. Toutefois, ce n'était pas un élément suffisant pour me faire douter, j'étais à la bonne destination, mais le monde se liguait contre moi et le trou de la serrure me riait au nez. Quelle vie de chien et pas un chat pour m'aider. A 5.30am, rien d'étonnant.

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