Ce fut le soleil qui le premier dérangea Eden ce matin. Ses stores mal fermés avaient laissé passer la lumière du jour, et l'astre luisant l'avait bien vite tiré de ses rêves. Ses rêves enfin ... Son rêve. Il ne rêvait toujours que de la même chose : voir son jumeau le rejoindre pour habiter avec lui. Mais cela ne resterait probablement qu'un beau rêve. Il se résigna donc à ouvrir les yeux et les larmes les firent briller aussitôt qu'il vit toutes ces valises qui l'entouraient. Il se souvenait de son départ. La façon dont il avait balancé leurs quatre vérités à ses parents. La façon dont ils s'étaient traités de tous les noms. La façon dont il était ... parti. Tout simplement. Enfin sorti de cure de désintox (puisque cette fois serait la bonne, il le savait) il avait voulu une vraie vie, une vie à lui où il ne serait obligé à rien. Où il aurait le droit de décider seul des choses et de comprendre. De sortir. D'aimer. De vivre. Alors il était parti à New York, dans cette grande et belle ville où il avait toujours rêvé d'aller entre deux vols pour Dubai, Berlin ou Rome. Il avait pris ses affaires et il était parti. Comme ça. Mais ce matin, alors qu'il regardait par sa fenêtre la ville qui sous lui ressemblait à une énorme fourmilière, il réalisa ce qui se passait : il était seul. Seul dans une ville complètement inconnue, à des centaines de km de la seule personne pour qui il ait un minimum d'importance, avec certes un compte en banque tellement généreux qu'il pourrait rester ainsi à ne rien faire de sa vie mais sans personne pour la partager. Mais alors à quoi ça servait de vivre ? Si personne n'était là pour partager sa liberté, son soulagement et son envie de découvrir la réalité ? A ... rien. Il n'était à rien et à vrai dire il se sentait même carrément inutile. Personne ne savait qu'il était ici et personne ne savait qui il était où même qu'il existait. Mais est ce qu'il savait seulement ce que c'est, d'exister ?

Un grand macchiato brûlant avec double dose de caramel. Voilà ce qu'avait commandé Eden à la serveuse du Starbucks où il descendait maintenant depuis six mois. Habituées, les filles n'avaient même plus besoin qu'il vienne leur dire ce qu'il voulait mais le brun venait toujours au comptoir passer commande, en profiter pour leur dire bonjour et parfois même discuter un peu avant de se mettre au travail. Parce qu'il avait réussi à trouver un boulot ! D'abord simple réparateur informatique il avait un jour osé modifier une monstrueuse erreur de design sur l'écran d'un infographiste pourtant expérimenté - soi disant - ; bien sûr les modifications s'étaient bien vites vues et le résultat avait tellement plu au responsable, Derek, qu'il avait offert au jeune homme une place dans son équipe. Un gros coup de bol en somme. Cela faisait déjà six mois que l'américain est arrivé à New York, et même si son compte reste encore bien enflé - il y a encore tellement de zéros alignés sur ses relevés de compte qu'on arrive à peine à les compter - avoir un travail l'aide beaucoup. A descendre sur terre. A savoir pourquoi il se lève le matin. A apprendre des choses. A en comprendre d'autres. Et même si il n'a pas encore tissé de réel lien avec qui que ce soit il ne se presse pas. Après tout des amis, il a le temps de s'en faire.