Lorsqu’Isaac leva son regard bleu azur afin de savoir à qui appartenait ce bruit de pas mêlant à la fois enjouement et délicatesse, le jeune homme fit face à une personne qu’il connaissait plus ou moins bien puisque tous deux étudiaient la psychologie et étaient en troisième année. Seules leurs options différaient. Ils avaient en effet une vision assez différente des choses et en conséquent des besoins bien souvent aux antipodes. Mais la psychologie était un domaine si vaste que les combinaisons étaient infinies. De surcroît, même si un nombre de trois matières se révélait nécessaire afin de suivre ce cursus dans les règles de l’art, les étudiants n’avaient pas vraiment de limites en la matière et pouvaient s’auto attribuer une charge de travail plus lourde s’ils le souhaitaient, chose qui était récompensée bien évidemment. Mais à trop bouquiner, et à passer à côté de nombreux rassemblements et d’innombrables fiestas, beaucoup préféraient jouer la carte de l’élève type. Même Isaac qui n’était pourtant pas un grand fêtard dans l’âme, même si avec une bonne quantité d’alcool dans le sang beaucoup peinaient à le reconnaître, avait renoncé aux lauriers bonus. Intello mais pas kamikaze au point de passer à côté de sa jeunesse et son insouciance.

Brooklyn et Isaac, eux, n’avaient pour ainsi dire rien en commun hormis leur cursus scolaire prestigieux et leur caractère bien trempé mais par la force des choses ils avaient été amenés à se côtoyer. Fut une époque où fréquenter une Beta aurait été un supplice pour Fletcher, car doté d’une arrogance sans égale il avait pour croyance que seuls les membres de la confrérie Alpha étaient dignes d’intérêts. Les autres avaient atterri à Berkeley par erreur – telle était la supposition qu’avait émis Isaac tandis qu’un jeune homme à la musculature assez importante lui donnait un coup de poing puissant dans les dents, en faisant éclater une ou deux au passage. « Ne t’avise plus de me traiter d’homme non évolué, avorton ! » Tels étaient les derniers mots qu’avait entendu Isaac avant de tomber dans les pommes sous le coup de l’émotion. Oui, une année durant il en avait bavé plus que la plupart des autres étudiants à cause d’un manque d’ouverture d’esprit et d’une fâcheuse tendance à dire tout haut ce qu’il pensait tout bas, même le plus déplacé. A force de la voir ainsi malmené, certains pacifistes étaient même allés jusqu’à se demander si quelque part, il ne cherchait pas volontairement à gagner un œil au beurre noire à chaque intercours. Mais à l’évidence, Isaac Fletcher bien que cumulant les défauts, avait suffisamment d’estime de soi pour ne pas provoquer son autodestruction. Grand bien lui fasse, car il offrait à l’université de Berkeley un spectacle suffisant pour mettre un peu d’animation même lorsque l’université était plongée dans une lassitude sans égale. Depuis, Isaac s’était vu inculquer la notion de modestie et avait suivi de nombreux cours d’acceptation de l’autre prodigués par des étudiants lassés de le voir se faire humilier en permanence et qui depuis ce jour étaient devenus de véritables amis pour lui. Encore aujourd’hui, ce sont eux qui lui viennent en aide lorsqu’il se remet à pencher trop fortement vers le côté obscur de la force, chose qui arrive de plus en plus rarement fort heureusement pour tous.

Après avoir longuement observé la jeune femme, la décortiquant de la tête au pied et s’interrogeant sur la tenue très décontractée qu’elle arborait aujourd’hui, elle qui était si apprêtée et féminine en temps normal. Mais cela faisait partie des points positifs qui faisaient que Brooklyn suscitait son attention : il ne savait jamais à quoi s’attendre avec elle. Cette fille était totalement imprévisible et même si lorsqu’il y pensait à tête reposée, Isaac en venait à la conclusion que si elle s’évertuait à le fréquenter c’était par intérêt, il appréciait de voir son égo flatté au quotidien par au jeune femme au si grand charme qui s’avérait être également dotée d’une grande intelligence. Après des années à se voir trainer dans la boue, tant par ses parents que par ses camarades, Isaac était prêt à jouer les larbins s’il avait un peu de poisson en retour, il était prêt à faire ce sacrifice. Et surtout, si la demoiselle venait à vouloir aller plus loin dans ses noires intentions, Isaac préférait l’avoir à proximité. Après tout, on dit bien qu’il vaut mieux garder ses ennemis près de soi. Mais pour le moment, en dépit d’un témoignage évident d’intérêt hypocrite, Brooklyn s’avérait inoffensive. Aussi, le jeune homme mit ses analyses de côté et répondit du tac au tac à son interlocutrice de son plus beau sourire « Oui j’ai toujours un peu de mal le lundi matin, si je me lève une heure tardive la veille. Ca dérègle totalement mon besoin de sommeil. » Ce qui dans un sens était vrai. Même si Isaac était très studieux, il avait un certain besoin de sommeil et préférait ne pas le dérégler quitte à vouloir balancer son réveil par la fenêtre chaque dimanche matin – et nous parlons d’un réveil estampillé « Star Wars » auquel le jeune geek tient beaucoup alors imaginez. De plus, il avait pris l’habitude depuis quelques mois déjà d’accompagner son cercle d’amis dans des soirées plus ou moins arrosées et même s’il ne serait jamais aussi fêtard que ne peut l’être une beta ou un delta, l’impacte sur son sommeil était bien réelle. Les matins les plus durs restaient tout de même ceux où il s’était laissé aller toute la nuit et avait forcé sur la vodka.

« Mais je m’étonne de te voir si matinale toi aussi, tu n’as pas été à la fête de Seth hier soir ? » Ce jeune homme il ne le connaissait personnellement ni d’Eve ni d’Adam. Ils s’étaient simplement croisés de temps à autre, mais le courant n’était pas passé entre eux. Isaac savait toutefois que Brooklyn était souvent invitée là ou le bon son et où les bouteilles se donnaient rendez-vous et avait supposé à un juger par les légères cernes de cette dernière, qu’elle avait été de la partie. Il en était même pratiquement certain pour ainsi dire et il était rare qu’il se trompe à ce sujet.

« Merci de t’inquiéter pour moi mais tout va bien. Comme tu vois j’étais en train de réviser comme tout bon Alpha » dit-il tout en désignant le livre qu’il avait refermé quelques secondes plus tôt. Il savait que même sans lunettes, il était classé dans la catégorie intello et que beaucoup se jouaient de lui mais à dire vrai il s’en fichait. Il soupira « Les dimanche sont toujours longs, il n’y a pratiquement rien à faire. Je pensais pouvoir passer du temps avec l’une de mes amies mais elle est partie pour le week-end car ses parents la réclamaient. » Tout en disant cela, il roula des yeux, pensant aux nombreux mois qui s’étaient écoulés depuis sa dernière entrevue avec ses parents. « Déception » c’était le dernier mot qu’avait prononcé son père avant q’Isaac ne claque la part. Bien entendu un fils qui étudie à Harvard puis à Berkley ce n’est pas assez bien s’il ne marche pas dans vos traces ou ne vous fait pas grand-père pour ses soixante-cinq ans. L’incompréhension était telle entre eux que le jeune homme préférait ne donner de nouvelles que rarement au grand désespoir de sa mère qui éprouvait de nombreux regrets à mesure que passait le temps.

"Et toi comment vas-tu Brook'?" rajouta Isaac en adressant à la jeune femme un sourire poli.

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