→ Uvazhaemi dnevnik,
Je ne pense pas pouvoir te dire à quel point cela me change cette opération, en même temps, je ne trouve pas de mots assez forts pour que je puisse te le décrire. Mais comment te le dire en simples mots ? Je suis heureuse, très heureuse, d’enfin pouvoir tenir un stylo entre mes mains, même si mon écriture n’est pas parfaite, mais en tout cas, je peux pour la première fois de ma vie écrire entre les pages d’un cahier, bien sûr en dehors de ceux des cours où autrefois je ne m’exprimais qu’en braille … Oui, parce que grâce à ces mois loin de Lima, de cette opération miraculeuse, je peux enfin employer ces deux verbes ensemble : « pouvoir » mais surtout et non des moindres « voir ». Oui, je te le promets, grâce à cette intervention je peux distinguer le monde qui s’offre à moi et je peux vraiment te décrire chaque détail de cette magnifique planète. Parce que oui, elle est belle à mes yeux, tout comme cette faculté que je n’ai pu acquérir que bien plus tard par rapport à tous les autres jeunes de mon âge …

La plume de son stylo griffonnait avec une hésitation gracile sur son carnet et un fin sourire graciait son visage typique de ces adolescentes des pays de l’est. Il était dans les alentours de six heures du matin, et Lyudmila était déjà réveillée bien avant même le reste de sa famille adoptive. Non pas parce qu’elle n’arrivait pas à dormir mais elle attendait un moment important, celui de voir les premiers rayons de soleil de la journée, encore et encore, jour après jour. Oui, cela pouvait paraître déroutant pour les autres, mais il fallait savoir que le cas de cette jeune fille était tout à fait différent des autres, car elle faisait partie de ces rares personnes à avoir eu cette chance inouïe de pouvoir retrouver la vue. De ce fait, c’était pratiquement tout le monde entier qui s’ouvrait à elle, fini les différences, Lyudmila allait enfin pouvoir vivre comme les autres, ce qui représentait une victoire considérable.

Et elle avait hâte à présent de se rendre au lycée, sa première journée de cours en tant qu’élève normale, de retrouver ses amis et ne plus se fier seulement qu’à la voix pour les reconnaître. Enfin les visages allaient lui apparaître, tout comme ceux de sa famille adoptive qu’elle avait pu découvrir en tout premier temps dès son retour à Lima. Lyudmila avait envie de tous les retrouver et de pouvoir une vie normale, comme eux. C’était tout ce qu’elle voulait. Reposant alors son écrit sur ses genoux, assise sur son lit, un regard gris se releva alors sur la fenêtre fixant avec une brillance d’enfant le ciel qui commençait doucement à s’éclaircir. Voilà le moment qu’elle attendait depuis hier matin et à chaque fois la jeune Bulgare pensait à sa mère qui était restée au pays, et elle aurait tant aimé que cette dernière soit à ses côtés pour partager ça, ses premières visions du monde mais aussi pour retrouver ce lien familial si fort que même sa mère adoptive tentait de combler sans pour autant y arriver. Nadedja lui manquait terriblement et s’était toujours promis qu’un jour, elle retournerait au pays pour la retrouver. Si en est qu’elle serait toujours en vie d’ici-là ...

Lorsque sa famille fut réveillée, Lyudmila alla ensuite les rejoindre pour le petit déjeuner, toujours avec ce sourire aux lèvres rayonnant qui faisait plaisir à tout le monde. Ses parents étaient fiers d’eux de la rendre aussi heureuse et étaient maintenant persuadés qu’elle saurait leur rendre honneur en étant devenant une personne bien, comme eux pensaient l’être. Elle repartit ensuite à son étage pour prendre une douche, s’habiller et ensuite récupérer son sac de cours où se trouvaient nouvellement sa trousse de stylos et cahiers, choses dont elle ne pouvait se permettre d’avoir en étant aveugle.

Il était donc dans les environs de 8 heures lorsque Lyudmila foula pour « la première fois » le sol du lycée et put découvrir enfin, de ses yeux, l’environnement dans lequel elle avait été plongée dans l’ombre pendant pas mal de mois. Tout ce monde d’abord autour d’elle, la surprit. Il y avait tellement d’élèves qui se déplaçaient de droite à gauche que cela fit monter comme une vague de panique dans le cœur de la jeune fille qui n’avait qu’une seule envie, rebrousser chemin. Mais elle se souvint alors de ce qu’un spécialiste à Boston lui a dit, qu’il va falloir qu’elle s’habitue aux transmissions d’informations rapides qui allaient se bousculer dans son cerveau et que le meilleur moyen d’y arriver était de tout simplement les affronter. La jeune Bulgare tenta donc de prendre son courage à deux mains et, tête baissée, se mit alors à marcher d’un pas quelque peu hésitant vers sa salle de classe, au moins pour s’y réfugier et ne plus se sentir oppressée comme dans ses premiers mois de cours où elle perdait subitement son courage et se tétanisait devant la foule qui ne s’arrêtait pas pour elle. Et bien sûr, qui dit regard baissé dit faute d’inattention, surtout lorsque l’on y était pas habitué, car subitement, la jeune fille se prit quelqu’un de plein fouet et s’arrêta tout net à la suite du choc. Bon d’accord, Lyudmila tenait encore debout mais se maudissait déjà d’être aussi maladroite. « excuse-moi … je ne regardais pas où j’allais … » Comme pour se mettre une claque mentale, elle se maudissait en se disant qu’elle aurait bien mieux fait de rester aveugle … Quelle idiote tout de même. Malgré ça, la jeune fille fixa alors le jeune homme qui s’était retourné vers elle suite à l’accorchage. C’était un grand brun aux yeux clairs qui s’était mis à la regarder avec un air tout étonné … Lyudmila en fut presque mal à l’aise mais resta stoïque. Se pouvait-il qu’ils se connaissaient ? Etait-ce un de ses amis ? Lyudmila, malheureusement ne pouvait pas le dire comme cela … Encore fallait-il au moins qu’il décroche un mot, parce que seules les vibrations de la voix de chacun étaient bien imprimées dans sa mémoire.

→ Let's go Knicks.