C&T - We met and we talked and it was epic. But the sun came up and reality set in. (2023) ► Sans un bruit, Thomas se glissa hors du lit, et traversa tout doucement la chambre pour rejoindre le reste de la maison.
Il poussa un soupir satisfait avant de se diriger vers la cuisine à pas feutré, profitant du calme de ce dimanche matin. Il fallait dire, les filles n’arrêtaient pas de leur en faire voir de toutes les couleurs. Si, séparément, elles étaient comparables à de vrais petits anges (ou presque), une fois mises toutes les deux Lucy et Charlotte semblaient avoir pour unique but dans la vie de tuer leurs parents. C’était exaspérant, le tout étant presque du même niveau que les désaccords qu’avaient leurs parents… C’était pour dire. Pourtant, Callie et Tom avaient fini par en attendre un troisième, volontairement. Les choses avaient changé au cours des dix années qui avaient précédé le bordel de leur relation, et ils étaient très certainement les premiers surpris de l’immense avancée qu’ils avaient faite.
Qui aurait pu croire, en 2013, qu’ils finiraient ensemble ? Qu’ils élèveraient leurs deux filles dans une vraie famille unie, dans une belle maison dans la banlieue de New York ? Installé à la table de la cuisine, coincé dans un flashback saisissant, Tom mesurait l’ampleur des changements qui s’étaient opérés dans sa vie. Dorénavant, il avait trente-cinq ans, était en couple, était papa de deux petites filles et d’un autre bébé en route. Il aimait sa famille plus que tout et s’il avait à choisir, il referait exactement les mêmes choses et les mêmes erreurs dans sa vie pour elle. Le chemin avait été long et sinueux, miné et destructeur, mais ce qu’il vivait dorénavant avec Callie valait toutes les batailles.
Il alla se servir un café. Au moment même où il s’installait de nouveau dans sa chaise, Callie fit son entrée dans la cuisine. Tom ne put s’empêcher de sourire face à cette femme qu’il aimait de manière démesurée, et l’embrassa pour lui dire bonjour. Son regard s’attarda sur son ventre, qui commençait légèrement à s’arrondir, alors que Callie s’installait sur ses genoux. Il releva la tête pour plonger ses yeux dans les siens, et il lui adressa un sourire. Elle était belle. Tellement belle.
« Je me suis levé il y a dix minutes. » répondit-il en haussant les épaules. « Je tenais à profiter des quelques minutes de répis que les filles nous accordent pour boire un café tranquillement… »
Dans une dizaine de minutes, cela ne serait plus le cas. Thomas adorait ses filles, mais il fallait le reconnaître : elles ne leur accordaient pas une seule minute. Mais ce n’était pas grave. Ils étaient une famille, après tout.
« C’est vrai que ce n’est pas normal qu’on ne les ait pas encore entendu… Tu penses qu’elles sont mortes dans leur sommeil ? » demanda-t-il en toute innocence.
Il sentait le coup venir. Le coup psychologique, s’entend. Malgré les années, Callie ne s’était jamais véritablement habituée à des remarques bidons et/ou déplacées, mais il avait fini par se contrôler. Tout du moins, il avait réussi à grandir dans sa tête. Là, il était encore un peu trop pour qu’il puisse complètement se retenir de dire les pires conneries de l’univers… Rapidement, il se racla la gorge pour ne pas laisser le temps à Callie de répliquer.
Quand même, il n’était pas masochiste. Pas tout à fait, en tout cas.
« Je rigole. Je suis allé vérifier, elles dorment à poings fermés. C’est à croire que tu leur as filé un somnifère à toutes les deux hier soir. »
Il lui adressa un sourire. L’innocence incarnée, ou presque.

C&T - We met and we talked and it was epic. But the sun came up and reality set in. (2023) ► Tout semblait irréel, lorsque l’on faisait un état des lieux de l’avant et de l’après, mais pourtant cela semblait presque évident, au fond. Ils avaient passé des mois – voire même des années – à se faire la guerre pour finalement rendre les armes et admettre une chose qu’ils avaient toujours essayé de nier. Leur combat avait créé – ou révélé – des sentiments qu’ils n’auraient jamais soupçonnés. Mais on ne disait pas que la frontière entre la haine et l’amour était très mince ? Tom s’était toujours moqué de cette vieille idée reçue, mais dorénavant il la remettait en question : ce qu’il leurs était arrivé, à Callie et lui, mettait un peu en scène cela. Mais là n’était pas la question la plus importante. Ils étaient une famille dorénavant ; peu importe tout ce qu’ils avaient bien pu endurer pour y arriver.
Et puis, rien n’était plus important qu’une famille, alors toutes ces questions et tout ce parcours semblaient bien dérisoires.
Tom adorait ses filles, mais il fallait admettre qu’elles prenaient facilement le rôle de véritables petits monstres à leurs heures perdues. Callie était du même avis que lui, alors qu’elle était installée sur ses genoux. Ils appréciaient ce moment de calme avant la tempête ; cela devenait si rare que s’en devenait presque paradisiaque. Cependant, cela ne les avait pas empêché de vouloir un troisième petit monstre. Comme quoi…
« Quoi que, les connaissant, je suis même sûr que le somnifère aura aucun effet sur elles… » lâcha-t-il alors que Callie se relevait.
Elle alla préparer le déjeuner, et Tom ne lui proposa pas son aide, sachant pertinemment qu’elle ne voudrait pas de lui dans ses jambes. La cuisine était son univers après tout. Le roux ne se débrouillait pas trop mal, mais il laissait Callie se charger de tout cela, évitant à tout prix les disputes. C’était le fruit du long processus du « on apprend à vivre ensemble ». Thomas savait à quoi s’en tenir, désormais.
Il l’observa faire des toasts, prendre du jus d’orange. Il termina son café, et Callie s’installa à côté de lui avec son petit déjeuner, inquiète pour ses filles.
« Je suis sûr qu’elles vont bien. Aller à Central Park hier a dû les exténuer, je pense. » dit-il en haussant les épaules. « Je vais aller voir si tu veux. »
Tom se leva, puis déposa un baiser sur le sommet du crâne de Callie, avant de se diriger vers les chambres des filles. Il passa discrètement sa tête dans l’encadrement de la porte de Lucy, et la trouva dans les bras de Morphée. Un petit sourire aux lèvres, il alla voir du côté de Charlotte, qui, elle, semblait tout juste d’émerger.
« Maman a fait des toasts, ma puce. » dit-il en allant lui faire un baiser sur le front.
Cela fût comme si Tom venait de dire la formule magique. Aussitôt, Charlotte sembla plus alerte, et elle se leva lentement. Ils rejoignirent la cuisine, où une odeur de pain grillé flottait dans l’air, et sa fille alla dire bonjour à sa mère.
Thomas prépara la table en déposant bols, petites assiettes, lait et confiture pour préparer l’arrivée de leurs filles, sachant que Lucy n’allait pas tarder non plus. Il poussa un soupir de satisfaction, puis s’appuya contre le plan de travail en observant Callie.
« Lucy dors encore, mais plus pour très longtemps je pense. » dit-il.
Plus pour très longtemps… Leurs filles étaient adorables quand elles étaient toutes seules, mais bientôt la troisième guerre mondiale sera de nouveau déclarer : à elles deux, c’était explosif.

C&T - We met and we talked and it was epic. But the sun came up and reality set in. (2023) ► Thomas était allé voir du côté de ses filles pour voir si elles étaient toujours vivantes, afin de rassurer en partie Callie. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il les aurait laissé tranquilles : il ne s’inquiétait pas du tout. Mais il avait quand même pris la peine de se déplacer pour elle, pour Callie. Ils avaient trouvé une sorte d’équilibre tous les deux ; à force de concession et d’efforts, ils s’étaient à peu près attendus sur certaines choses pour finalement réussir à vivre ensemble. C’était peut-être un équilibre instable mais ils s’y étaient faits ; ce n’était peut-être pas facile tous les jours mais leur famille en valait la peine. Leurs filles en valaient la peine. L’amour qu’ils se portaient également, bien qu’il ait été complètement insoupçonné durant de longues années, de longues années de conflits et d’incompréhension. Tom était incapable de savoir comment ils avaient fini par se rendre à l’évidence que, oui, ils s’attiraient. Que, oui, ils étaient peut-être faits l’un pour l’autre, comme des âmes sœurs imparfaites. Le rouquin ne savait pas si cela avait été l’œuvre du temps ou s’ils avaient toujours eu cette alchimie entre eux. Qui savait réellement ? Althea avait toujours vu cela comme une évidence, tandis que Savannah avait considéré cela comme une immense bêtise. Le cœur a ses raisons que la raison ignore, dit-on, après tout. Cette expression leur collait à la peau désormais. Ils n’étaient qu’un couple plein de surprises, aux antipodes l’un de l’autre, mais pourtant soudé. Soudé dans ce concept qu’est la famille, soudé dans ces sentiments forts et déstabilisants.
Il amena Charlotte dans la cuisine, rassurant Callie à propos de Lucy qui dormait certainement encore. Entre-temps, la maman tenta de sauver le pain grillé sur le point de brûler, et, légèrement moqueur, Tom esquissa un sourire tandis que leur petite deuxième était déjà partie faire un bisou magique sur les doigts de sa mère. Il l’aida à s’installer à table, rajoutant sur la table – déjà bien remplie – le cacao en poudre, et il ébouriffa affectueusement les cheveux de Charlotte.
« Eh, princesse, ne t’endors pas sur la table non plus ! » lança-t-il alors que la petite fille semblait sur le point de s’écrouler dans son bol.
Il s’installa en face de Callie, s’occupant de tartiner les toasts de Charlotte de confiture à la framboise, sa préférée. Il était appliqué, consciencieux. Papa jeune mais papa prêt à tout pour ses filles. Il avait vite appris à s’occuper d’enfant. Il n’avait pas eu le choix, d’un certain côté.
« Vous m'avez même pas attendu pour manger ! »
Et le deuxième petit monstre faisait son entrée.
Automatiquement Tom poussa un soupir, posant le toast qu’il était en train de tartiner pour se retourner vers Lucy, qui avançait lentement dans la cuisine, la mine boudeuse. Elle avait un sacré caractère. Celui de sa mère, à la réflexion… Ou un mélange étrange et opposé des deux caractères de ses parents.
« Tu dormais, Lulu. » dit-il. « Et on dit bonjour maman, bonjour papa, bonjour Charlotte avant de bouder tout le monde. »
Elle croisa les bras, s’installant nonchalamment sur sa chaise, à côté de Tom.
« Allez, vas faire un bisou à maman pour lui dire bonjour. »
« Non. »
Il devait garder patience, calme. Tom ne broncha pas, ignorant le mauvais caractère matinal de sa fille pour lui faire comprendre que cela ne servait à rien d’en faire qu’à sa tête, puisque c’était lui qui aurait le dernier mot. Il jeta un coup d’œil à Callie. Courage.

C&T - We met and we talked and it was epic. But the sun came up and reality set in. (2023) ► Gérer deux filles, ce n’était pas simple tous les jours… Voir même jamais. Tom avait très régulièrement envie de s’arracher les cheveux. Il ne savait pas si cela était lié à son incompétence totale de comprendre la gente féminine ou bien si c’était le cas de tous les pères, mais de temps à autre, la perspective de se jeter du haut du pont de Brooklyn lui semblait être une solution envisageable pour échapper aux adorables monstres qu’étaient ses filles. Certes, Charlotte était encore à la fin de l’enfance, connaissait encore cette insouciance propre aux petits ; cependant, Lucy, elle, entrait dans la préadolescence. Toutes les sautes d’humeur et la rébellion la guettaient et, à vrai dire, le roux ne savait pas trop comment ils allaient bien pouvoir se débrouiller avec Callie. Cela promettait d’être épique. Suicidaire. Le comble, dans tout cela, était qu’ils avaient eu la très bonne idée de vouloir un troisième enfant en pleine phase de transition de leur ainé. Ils n’étaient pas logiques. Mais d’un côté, il s’agissait de Tom et de Callie, le contraire aurait été étonnant.
Et puis, ils avaient voulu faire les choses correctement. Avoir un bébé voulu, se discuter moins sur les sujets infimes. Certains désaccords persistaient tout de même (quand même, ils n’étaient pas non plus devenus des guimauves, cela aurait été trop facile), mais tout allait mieux. C’était comme s’ils avaient muri.
Il était temps, aussi, à vrai dire.
Lucy débarquant en boudant était le parfait exemple. Elle s’installa à côté de son père, et Tom tenta de la convaincre de dire bonjour à sa mère du mieux qu’il pouvait. Sincèrement, bouder parce qu’ils ne l’avaient pas attendus ? Elle avait bien le caractère de sa mère. (Bah quoi ? Autant être franche : Callie avait donné le fort caractère à leurs filles, Tom, lui s’était contenté de les rendre rousses. Ils s’étaient répartis les taches équitablement.) Il garda cependant son calme, résonnant sa fille, qui souhaitait visiblement n’en faire qu’à sa tête. Très bien. Elle avait décidé d’être têtu ? Lui aussi. L’ignorant avec superbe, il se mit à tartiner un toast en ne faisant plus attention à son ainé, lui faisant comprendre qu’elle ne gagnerait pas la bataille. Lucy sembla plus tenace que d’habitude, et Callie finit par intervenir en ayant recours à la jalousie. Elle avait deux autres enfants pour lui dire bonjour. Tom eut un sourire en coin, et remercia Callie d’un regard.
Lucy rendit les armes en grommelant un petit bonjour. Thomas soupira comme si cela relevait du miracle, et frappa dans ses mains.
« Bravo Lucy, je suis fier de toi. C’était pas si dur, quand même, si ? »
Elle le fusilla du regard. Ah, bah, apparemment si.
« Tu veux de la confiture ou du Nutella ? » demanda-t-il, changeant littéralement de sujet.
Il ne se laissait pas démonter par sa propre fille. Il savait gérer, après tout, à sa manière. Sa nature calme et pacifiste semblait être parfaitement adaptée à son rôle de père.
Le petit-déjeuner se poursuivit, le reste de la matinée également. C’était une journée typique pour les Darling-Evans, entre crises de Lucy, disputes et leçons à faire. Cependant, Tom n’échangerait cette vie pour rien au monde. Il avait mis du temps à avoir une vraie famille, et celle-ci représentait tout ce qu’il y avait de bien plus précieux à ses yeux. C’était les fondements de sa vie, les piliers de son existence. Ce n’était peut-être pas parfait, mais c’était largement suffisant. Il était heureux, là. Il était heureux avec Callie. Et c’était tout ce qui comptait.

(rp terminé)