21 ans | Née à Oxford (Oxfordshire), au Royaume-Uni, le 10 septembre 1991 | Ancienne étudiante en criminologie. Pianiste au Ginger's à temps partiel. Actuellement en train de lancer sa propre entreprise. | En couple avec Caleb Hemsworth. | Bisexuelle. | Membre des Artists.
And who am i?
Quelles sont tes caractéristiques ? Sed ut tum ad senem senex de senectute, sic hoc libro ad amicum amicissimus scripsi de amicitia. Tum est Cato locutus, quo erat nemo fere senior temporibus illis, nemo prudentior; nunc Laelius et sapiens (sic enim est habitus) et amicitiae gloria excellens de amicitia loquetur. Tu velim a me animum parumper avertas, Laelium loqui ipsum putes. C. Fannius et Q. Mucius ad socerum veniunt post mortem Africani; ab his sermo oritur, respondet Laelius, cuius tota disputatio est de amicitia, quam legens te ipse cognosces.
Quel est le caractère de ton personnage ? Inter has ruinarum varietates a Nisibi quam tuebatur accitus Vrsicinus, cui nos obsecuturos iunxerat imperiale praeceptum, dispicere litis exitialis certamina cogebatur abnuens et reclamans, adulatorum oblatrantibus turmis, bellicosus sane milesque semper et militum ductor sed forensibus iurgiis longe discretus, qui metu sui discriminis anxius cum accusatores quaesitoresque subditivos sibi consociatos ex isdem foveis cerneret emergentes, quae clam palamve agitabantur, occultis Constantium litteris edocebat inplorans subsidia, quorum metu tumor notissimus Caesaris exhalaret.
my little secret
Ton prénom ou ton pseudo & ton âge → Wild Hunger (Jilly), dix-neuf ans et des poussières. Des tonnes de poussières. Comment es-tu arrivée ici ? → J'ai été victime d'un kidnapping. Si, si, je vous assure. Ce personnage est-il un double compte ? → Cette question est beaucoup trop compliquée pour que je puisse y répondre en quelques mots seulement. Cependant, c'est ma deuxième fiche avec ce personnage, puisque j'ai eu une pulsion pour compléter son histoire. Présence sur le forum → Trop ? Oui, sans doute. Personnage inventé ou scénario ? → Personnage inventé. Crédit images → Bazzart, tumblr. Désolée d'être aussi peu précise, mais pour être tout à fait honnête je ne sais plus.
Mon exemple de RolePlay:
→ Poster ici un rp que vous pourrez utiliser plus tard comme premier rp sur le forum, ou bien un ancien rp écrit par votre main. L'exemple de RP doit avoir un minimum de 15 lignes complètes, comme demandé sur le NYCL.
Take my hand, show me the way, we are the children who can't be saved.
Oxford, Septembre 1991 « Tu l’as entendu ? Tu as entendu son rire ? » 10 septembre 1991, quelque part dans l’après-midi. Clinique privée d’Oxford, chambre numéro deux cent quarante-deux, pièce située à droite au fond d’un couloir, non loin du cinquième ascenseur de l’accueil. Le soleil inondait cette chambre aux couleurs douces et rares pour un endroit pareil, qui accueillait un lit simple, proche de l’unique fenêtre laissant percevoir d’immenses chênes couverts de feuilles encore vertes. Une femme brune et mince était assise dedans, les cernes sous les yeux, le regard fatigué, et serrait les doigts de son mari comme si c’était la seule chose à laquelle elle pouvait encore se raccrocher. Dans la folie des deux derniers jours, elle en avait oublié qu’elle n’était pas toute seule. Dans la folie des deux derniers jours, elle en avait oublié qu’elle n’était pas seule, qu’Aaron Tennessee était toujours là, à ses côtés, pour l’aider. Et elle s’était également souvenue qu’elle avait besoin de lui. Son monde venait de s’écrouler autour d’elle : sa fille, son bébé, cette nouvelle-née de quelques heures à peine, était une prématurée. Elle l’avait mise au monde bien trop vite, elle avait voulu voir la Terre bien trop tôt. Système respiratoire immature, tout comme son système immunitaire. Kathleen se tenait personnellement responsable de cela. Elle l’avait porté. Elle avait été le fruit de son travail. Rien n’était parfait : pourtant, dans l’esprit de cette mère, cela prenait des allures d’erreurs. « Oui, je l’ai entendu. Elle est incroyable. » Incroyable. Le mot qu’avait choisi Aaron pour répondre à sa femme était pile celui qui convenait pour qualifier la petite Tennessee miniature, qui avait semblé rire le premier jour du reste de sa vie. Un véritable petit rayon de soleil, quelque part entre la vie et la mort, semblerait-il. Voyant qu’elle ne se déridait pas, l’homme finit par prendre sa femme dans ses bras, la serra aussi fort qu’il put contre lui, comme pour tenter de l’apaiser. Même si cela ne semblait pas faire grand-chose, et semblait même être vain. Il ne voyait pas, à ce moment-là, comment apaiser les traits de son épouse, comment lui faire comprendre qu’elle n’y avait été pour rien, que cela avait été le destin qui en avait décidé ainsi. Il aurait souhaité lui dire tellement de choses. Seulement, le Tennessee n’était pas réputé pour dire ce qu’il pensait, et encore une fois, garda tout ce qu’il avait à dire pour lui. Il se contenta de caresser les cheveux bruns de la jeune femme d’un geste apaisants, et de tenter de lui faire comprendre si qu’avec ses mains qu’il était fière, qu’il était comblé malgré la peur. Et qu’il l’aimait, à sa manière, d’un amour pourtant faux et non-sincère. Ils avaient respectivement trente-cinq et trente-sept ans. Ils étaient tous deux épanouis dans leur profession. L’un travaillait dans le cabinet d’avocats familial et réputé, l’autre était professeur et chercheur en microbiologie dans l’université d’Oxford. Les deux jeunes gens s’étaient rencontrés par leurs familles ; leur réussite avait été comme gravée dans le marbre. Ils avaient déjà eu ensemble deux fils magnifiques âgés de quatre et six ans, le premier ayant vu le jour deux ans après leur mariage. La troisième et dernière grossesse de Kathleen avait été accueillie comme un miracle, une chose inespérée et absolument merveilleuse : dans leur perfection, ils avaient finalement la petite fille qu’ils avaient toujours voulue. La vie leur donnait tout ce qu’elle avait : beauté, argent, bonheur. Il fallait se l’avouer, cette famille semblait provenir tout droit d’un conte de fée, et d’une certaine manière, était écœurante à en faire vomir certains. Seulement, il y a toujours un élément perturbateur qui venait tout mettre en l’air, dans n’importe quelle histoire pour enfant. Et celui-là n’était que le premier d’une longue série d’embuches. Toujours dans les bras de l’un et de l’autre, leur étreinte froide finit par prendre fin quand une infirmière pénétra dans la chambre de Kathleen. S’ils s’aimaient à leur manière, ils tenaient bien plus à une autre chose ; l’honneur. Se bécoter en public faisait partie des choses interdites, dans le code que leurs familles avaient mis en place durant des générations entières. Tenue correcte, classe, distinction obligatoire, principes de base inflexibles. Les Tennessee, en d’autres termes. Famille bien trop compliquée, bien trop stricte. De loin, les pleurs d'Heaven s'entendaient, remplaçant les gazouillements de nourrissons qu’elle avait eus d’il y a quelques heures. Comme si elle avait déjà compris où est-ce qu'elle était tombée.
Oxford, Octobre 1991 « Mèèèèère ! Heaven elle pleure encooore ! Faites quelque chose, j’entends pas mon dessin animé ! » Domicile des Tennessee, le treize octobre de la même année. Une petite voix s’élève dans les escaliers, tandis que Kathleen s’afférait autour de sa fille à l’étage pour la calmer. Hurlant, pleurant, encore et encore. Elle se débattait avec ses petits poings dans les bras de sa maternelle, sans aucune raison apparente. Madame Tennessee-Westfield avait fini par sortir de l’hôpital après de longs jours, et sa fille avait fini par être hors de danger grâce aux excellents médecins qu’ils avaient exigé dans la clinique privée où elle avait vu le jour. Cependant, les nuits étaient dures, les cris fréquents, les pleurs toujours aussi nombreux. Si la petite demoiselle pouvait être un véritable ange, riant aux éclats à la moindre petite grimace d’un de ses frères, elle passait son temps à avoir des larmes qui coulaient le long de ses joues, qu’il n’y ait aucune raison qui puisse la pousser à pleurer. Pendant un moment, les deux jeunes parents avaient pensé qu’elle était bipolaire, déjà à cet âge. Mais il se révéla juste qu’elle était lunatique, extrêmement lunatique, et qu’elle pouvait facilement passer par toutes les émotions en un temps record. Il n’y avait pas d’explication à cela. C’était ainsi. Point. Ils devaient faire avec. Ils devaient lui faire comprendre qu’une demoiselle ne pleurait pas pour rien ; qu’une demoiselle ne montrait pas ses émotions, tout simplement. Cependant, ils en oubliaient presque que la petite Heaven n’était âgée que de quelques mois. Et, ainsi, ils lui volaient une partie de cette enfance qui venait tout juste de commencer. Kathleen déposa soigneusement sa petite fille dans son berceau, et déclencha la petite musique que faisait le mobile installé au-dessus de son berceau. Cela devrait marcher. Cela marchait à chaque fois. Pendant un instant, la petite demoiselle continua à hurler à plein poumons, puis après avoir hoqueté à plusieurs reprises, elle finit par fixer les chevaux qui tournaient sous ses grands yeux bleus. Bouche en O parfait, elle était littéralement émerveillée comme à son habitude, et elle suivit les sujets des yeux, tout en écoutant la douce musique, encore et encore. Le lac des cygnes. Avec beaucoup de délicatesse, Kathleen vint caresser sa joue toute douce, comme pour l’encourager à fermer les paupières. C’était toujours un calvaire pour l’endormir, du moins, jusqu’à ce qu’ils entrent en possession de ce mobile : c’était comme si Heaven aimait la musique qu’il émettait, comme si elle trouvait l’apaisement en écoutant la douce mélodie qui s’échappait des jouets en peluche et en bois dansant au-dessus d’elle. Voyant qu’elle s’endormait avec douceur, Kathleen quitta la chambre après avoir mis en marche l’interphone pour la surveiller. Elle descendit l’escalier sur la pointe des pieds, et finit par retrouver son mari dans le salon, lisant son journal comme à son habitude, en compagnie d’Andrew, leur fils de six ans. Elle recoiffa avec assurance les cheveux de son enfant, et soupira en s’asseyant avec grâce. Droite sur le canapé, elle observa son mari. « Elle dort. » Aaron lui adressa un demi-sourire par-dessus son quotidien scientifique, et se replongea dans sa lecture. Elle regarda alors son fils, et fronça les sourcils. « Andrew Rudy Stefan Peter Tennessee, cela fait combien de temps que tu regardes la télévision ? » L’enfant se retourna vers elle, ses grands yeux bleus surpris s’agrandissant encore plus encore, alors qu’il commençait à prendre conscience de sa bêtise. Il se mit à rougir, et alla à la télécommande pour éteindre l’engin, docilement, espérant que cela couperait court à toutes les discussions possibles. Sa mère lui lança alors un regard glacial, et se leva pour lui prendre la lui prendre des mains. Elle lui avait pourtant dit, elle lui avait pourtant fait comprendre qu’elle ne voulait pas qu’il regarde trop longtemps la télévision. Combien de fois allait-elle le répéter ? Elle en profita pour lui donner une fessée, un coup à la fois sec et qui en disait long. Elle rangea la télécommande dans un petit tiroir à verrou non loin du canapé, et se retourna vers son fils ainé, les bras croisés, les sourcils toujours froncés, tandis qu’Andrew sentait les larmes lui monter aux yeux. « Je te l’ai déjà dit cent fois Andrew ! Pas plus de trente minutes dans la journée ! File dans ta chambre. Privé pour une semaine. Il faut que tu apprennes à respecter les règles. » Le petit garçon la regarda pendant quelques secondes, et finit par baisser le regard, à la fois honteux et blessé. Il se retourna, avança dans le salon lentement dans l’espoir que son père vienne s’opposer à sa mère, mais rien ne vint. Comme d’habitude. Aaron n’eut aucun regard pour son fils. Il monta les escaliers, les larmes coulant le long de ses joues, pas encore habitué à ces punitions à répétition. C’était normal chez les Tennessee, assez fréquent d’ailleurs. Les punitions fusaient. Les punitions fusaient, et cela n’était pas pour grand-chose dans la plupart des cas. Mais c’était la seule manière qu’ils trouvaient pour faire comprendre à leurs deux fils, et bientôt leur fille, qu’il fallait respecter les règles à tout prix. Règle numéro un. « Pourquoi tu pleures ? – Laisse, Zach. » Règle numéro deux : ne jamais avoir besoin d’aide. Jamais.
Londres, Juillet 1994 Des jupons blancs volant derrière une chevelure blonde et une petite frimousse. Un ours en peluche déjà usé par le temps, tiré son bras à moitié décousu. Heaven poussa un petit cri allègre en tournant sur elle-même, une fois arrivée en haut de la pente qu’elle s’était appliquée à monter, et observa ses parents descendre de leur voiture, un peu plus bas. Ses yeux se portèrent sur le grand portail en fer noir qui les enfermait à l’intérieur de cette maison. Elle ne savait pas où ils l’avaient emmené ; elle ne savait pas pourquoi elle était là. Elle se souvenait simplement de longues heures de voiture qui lui avaient paru interminables ; elle se souvenait simplement de sa mère la grondant sans vergogne tout simplement parce qu’elle s’était amusée à compter le nombre de voitures blanches présentes sur l’autoroute. Après tout, Heaven avait trois ans. Après tout, elle était encore jeune, pleine de cette joie de vivre communicative. Après tout, elle s’amusait avec très peu de choses. Ses sourires étaient tout en fossettes, son corps était frêle mais son visage si adorable que les passants s’arrêtaient dans la rue pour la contempler, elle et ses yeux bleus. Cependant, cela ne plaisait pas à ses parents. Ils auraient souhaité que leur fille soit plus calme, plus distinguée, plus hautaine malgré son jeune âge. Elle n’avait que trois ans. Pourtant, Heaven était déjà une déception. Sa mère finit par arriver à sa hauteur, non loin du grand manoir surplombant la rue des beaux quartiers de la périphérie de Londres. Elle s’appliqua à lisser la robe blanche de la petite fille avec une rigueur particulière, avant de replacer les rubans dans les cheveux de sa fille. Elle poussa un soupir irrité, témoignant de l’exaspération qu’elle ressentait face au comportement d’Heaven. « Qui y a-t’il, mère ? demanda Heaven, fronçant doucement ses sourcils, sa mine enfantine s’assombrant. – Tiens-toi droite, » répliqua sèchement Kathleen. Madame Tennessee se redressa, avant de saisir le sac que lui tendait son mari, enfin arrivé à leur hauteur. Sur ses talons, Andrew et Zacharie était plongé dans une conversation qu’Heaven ne comprenait pas : pourquoi parlaient-il donc de chiffres ? N’était-ce pas ennuyeux comme la pluie ? Peu importe. Sa mère lui saisit la main et, docilement, elle la suivit à l’intérieur où des cartons s’entassaient. Des personnes habillées en noir étaient occupées à les déballer les uns après les autres. Heaven était persuadée d’avoir reconnu la lampe qui s’était longtemps trouvée dans l’entrée de sa maison à Oxford ; n’était-ce pas le diplôme sous cadre de son père qu’elle venait de voir passer dans les mains de cet inconnu ? La petite fronça les sourcils et leva les yeux vers le visage froid de sa mère, occupée à surveiller l’avancée des choses. « C’est beau ici, commenta la petite fille, guère convaincue par ses propres paroles. Mais quand est-ce qu’on rentre à la maison ? » La mère leva les yeux au ciel, comme si Heaven venait de faire preuve d’une effronterie rare. Sa fille était-elle intelligente ? Parfois, elle se le demandait sincèrement. Cependant, elle oubliait que son enfant était âgé que de trois ans. Trois toutes petites années, qui faisaient encore d’elle une nouvelle habitante de cette Terre. Elle était jeune. Beaucoup trop jeune. Elle était également incomprise ; ses parents, élitistes, en demandaient déjà trop. Elle devait être parfaite alors qu’elle avait encore du mal à marcher ; elle devait être parfaite alors qu’elle découvrait encore sa vie. Mais les Tennessee étaient comme cela. « Nous ne rentrons pas, Heaven, répondit sa mère d’un ton presque exaspéré. C’est notre nouvelle maison. – Mais pourquoi on change de maison ? Elle n’était pas bien la nôtre ? » la questionna la petite fille. Kathleen fusilla du regard son enfant, et Heaven se tût automatiquement, baissant la tête, observant ses chaussures avec un intérêt soudain. Dans ces moments-là, elle avait arrêté de se mettre à pleurer face à cet air dégoûté que lui renvoyait sa mère. Elle avait appris à s’incliner, tout simplement parce qu’il y avait uniquement de cette manière qu’elle pouvait espérer un regard froid, ou mieux, un regard neutre. Elle avait trois ans, cependant, elle avait déjà appris la règle numéro trois des Tennessee : ne jamais poser de questions qui pourraient être jugées inutiles. Et, à trois ans, on l’avait forcé à considérer ce manoir sombre londonien comme étant sa maison et à oublier son ancienne demeure à Oxford, tout cela sans lui expliquer ce qu’il se passait. C’était la règle numéro quatre : ne jamais considérer les enfants comme des êtres égaux aux adultes.
Londres, Septembre 1996 « Heaven, mets correctement ta robe ! – Mais mèèèèère ! Vous savez bien qu’elle tient pas en place ! » 1996. Une petite demoiselle blonde aux traits encore poupins, haute comme trois pommes, défiait du regard sa mère qui la rouspétait devant ses frères, comme si sa vie pouvait dépendre de la façon dont était habillée sa fille de cinq ans. Heaven Emile Leah Meadow Tennessee-Westfield avait grandi. Elle n’était plus ce petit bébé fragile, pleurant à la moindre occasion, et était encore moins celui qui avait frôlé la mort le jour de sa naissance. Elle n’était plus cette petite fille à la longue chevelure dorée s’inclinant devant les yeux froids et assassins de sa mère. Si elle semblait être plus jeune que son âge réel, elle semblait bien mûre pour une petite fille de cinq ans. Elle avait vite compris comment ses parents fonctionnaient, encore plus vite que ses frères, et n’hésitait pas à battre des cils pour obtenir des choses venant d’eux, que cela aille de la poupée dans un magasin au grand caprice sur les vêtements. Elle réussissait à les mener par le bout du nez parfois, et profitait de son statut de benjamine de la famille. Cependant, les deux parents n’étaient plus beaucoup présents. S’ils s’étaient quand même débrouillés pour pouvoir assister aux premières années d’Heaven sur Terre, ils avaient quand même fini par reprendre chacun leur travail lorsque celle-ci était entrée à l’école maternelle, et avait confié la tâche de les éduquer à une gouvernante, Mrs. Eastwood. Mégère encore pire que les géniteurs. Comme si cela fût été possible. Cependant, bien que peu présents, les parents prenaient quand même le temps d’emmener leurs enfants à une synagogue de Londres, ou alors les emmener à des déjeuners le dimanche, avec leurs amis au même rang social. C’est d’ailleurs à un de ceux-là qu’ils se rendaient. Madame Yates et son mari organisaient un brunch. Et Heaven détestait Madame Yates. Et les brunchs, aussi, puisqu’il n’y avait jamais de Nutella ou de brioches comme celle de la pâtisserie à quelques rues de chez elle. Ainsi, alors que la petite demoiselle tentait tant bien que mal de mettre sa robe blanche pleine de dentelle prévue pour cela, ses deux frères étaient chacun assis sur une chaise du salon, en train de la regarder se débattre parmi les rubans et la dentelle. Exaspérée, Kathleen s’approcha d’elle, et tout en ignorant ses plaintes, lui accrocha la ceinture blanche autour du ventre avec de petits coups brusques. « Heavy t’es trop leeeente. » Heaven tira la langue à son frère pendant que celui-ci mettait son manteau, et sa mère lui donna une petite tape sur la main. « C’est quoi ces manières Heaven ? – Excusez-moi, mère. Zacharie est méchant. – T’es quand même trop lente, Heaven ! – C’est parce qu’elle est petite. – Je ne suis pas petite ! – Ton excuse elle est pourrie Andy ! Arrête de toujours la déf... » Zacharie s’arrêta dans son élan quand il croisa le regard de son père, et se tut tout en se baissant pour faire ses lacets, mais aussi pour éviter toute main baladeuse qui serait venu le frapper. Les Tennessee ne frappaient pas. Ils éduquaient. Pourtant, la différence était bien mince, et les trois enfants avaient bien du mal à saisir la nuance imaginaire de leurs parents. Heaven finit par mettre ses chaussures cirées avec une mine boudeuse, et enfila son manteau tout en faisant la moue et en fronçant les sourcils. Les disputes entre elle et ses frères étaient fréquentes, bien que généralement, Andrew – âgé de onze ans – prenait sa défense contre Zach, du haut de ses neuf ans. Elle vivait plutôt mal le fait d’être la petite dernière avec eux. Ils la charriaient tout le temps, étaient toujours à la critiquer et à la trainer de petite, dans tous les sens du terme. Elle aurait particulièrement adoré jouer la chef, les voir à ses pieds en esclaves, leur faire faire tout ce qu’elle désirait d’eux. Mais ce n’était pas le cas. Elle était forcée, en quelque sorte, de murir comme eux, et d’être plus grande que ses cinq ans. Si elle voulait suivre la course et participer à l’aventure, bien entendu. Et puis, de toute manière, elle voulait absolument être avec eux. Elle n’aimait pas se sentir exclue. Aaron, après avoir arrêté de fusiller du regard ses enfants, finit par ouvrir la porte de leur manoir situé aux limites géographiques de Londres et déverrouilla sa voiture pour que sa famille puisse pénétrer à l’intérieur. Positionnée entre les deux garçons, Heaven regarda l’intérieur avec ses grands yeux, un sourire ineffaçable sur ses lèvres. Si elle avait gardé une chose de sa période bébé, c’était bien son sourire. Et son côté sensible. Mais cela, il fallait mieux ne pas le dire. Elle regarda le plafond, puis se mit à jouer avec les plis de sa robe toute blanche, étriquée, guère confortable, qu’elle n’avait surtout pas intérêt à salir si elle ne souhaitait pas avoir une gifle. Mieux vaut paraître qu’être : règle numéro six de cette longue liste qu’elle avait été contrainte d’apprendre par cœur.
Deuxième chapitre;
But even if we survive the collapse of our sun, we will not survive forever.
Londres, Décembre 1996 « Mademoiselle Tennessee ! » Heaven tressaillit en entendant cette voix grave et stricte la rappeler à l’ordre, et elle détacha ses yeux du tableau qui décorait le mur à sa droite. Elle tourna doucement sa tête vers le vieux professeur assit à ses côtés, et il lui désigna le piano à queue avec une mine sévère. Automatiquement, elle déposa ses doigts sur les touches noires et blanches de l’instrument, sans réellement savoir ce qu’elle allait faire, et attendit les instructions de cette personne engagée par ses parents. Elle n’avait pas eu son mot à dire dans tout cela, bien entendu. Elle ne l’avait jamais eu depuis qu’elle avait vu le jour il y a cinq ans ; la petite fille n’imaginait même pas que cela soit possible d’ici quelques années, d’ailleurs. Elle avait été contrainte et forcée de s’asseoir devant le piano, accompagnée d’un des meilleurs professeurs particuliers de la région : elle était contrainte et forcée de le refaire durant des semaines durant, voire même des mois, ou des années. Ses frères avaient connu le même sort, après tout. Pour les Tennessee, la musique était la voie princière pour éveiller l’intelligence, pour travailler l’intellect de leurs héritiers afin qu’ils surpassent leurs capacités pour toujours être premiers. Pour toujours être les meilleurs. Andrew s’en était tiré avec la flute traversière ; Zacharie, quant à lui, avait dû étudier depuis ses cinq ans le violon, pour finalement se tourner vers le violoncelle. Son ainé avait jugé cela comme une véritable torture mais s’était abstenu de tout commentaire ; son frère plus jeune, cependant, avait trouvé une véritable vocation dans la musique. Heaven espérait sincèrement qu’elle en ferait de même. Cependant, elle se trouvait étrangement mal partie. Elle était bien incapable de focaliser son attention sur ces touches noires et blanches ; elle était bien incapable de se souvenir où se trouvait la touche du do, ce qu’était les noires et les blanches. Le vieux professeur semblait parler une autre langue à ses yeux. Et puis, autant se l’avouer : ce qu’il se passait à l’extérieur avait l’air bien plus intéressant. « Ce sera tout pour aujourd’hui, annonça le professeur d’une voix passablement agacée. Pour la prochaine fois, je veux que tu me travailles les enchainements que je t’ai inscrit sur ton cahier. – Oui monsieur. Merci. Au revoir, monsieur, » répondit-elle de sa voix douce et fluette, avant de se lever et partir ailleurs. Elle passa devant sa mère, les bras croisés, patientant dans l’encadrement de la porte. Elle lui fit un petit sourire qui ne trouva aucune réponse ; Kathleen était bien trop occupée à s’avancer vers l’homme pour faire le point de cette première leçon de piano. Heaven se retourna, et continua son chemin pour retourner dans sa chambre et jouer avec ses poupées, tentant d’oublier cette désastreuse leçon. « Votre fille est incroyablement distraite, » lança le professeur à Madame Tennessee. Celle-ci fronça les sourcils, frustrée : cela ne l’étonnait guère. A vrai dire, elle avait passé ces cinq dernières années à essayer de recadrer sa fille pour en faire une demoiselle absolument parfaite ; cependant, les traits de caractère de la petite blonde ne semblaient pas vouloir s’effacer facilement et ses essais semblaient se révéler vains au bout de quelques jours à peine. « Nous sommes actuellement en train de l’éduquer pour corriger ce point-là, répondit la mère d’une voix froide et distante. Pensez-vous pouvoir lui enseigner correctement le temps qu’elle apprenne à se concentrer ? – Cela risque d’être difficile, mais je pense que cela est possible. J’ai déjà eu des élèves bien pires qu’elle, j’ai mes propres méthodes pour en venir à bout. J’espère ne pas devoir y avoir recours avec la petite, répondit le professeur de piano. – Oh, n’hésitez surtout pas à être sévère. Il faut qu’elle soit recadrée, enchaina sa mère. Employez les méthodes que vous avez pour les cas les plus difficiles, il n’y a que de cette manière qu’elle comprendra que cet enseignement est primordial pour son éducation. » Le professeur opina, avant de se lever. Il s’appelait monsieur Haynes. Kathleen le raccompagna à la porte, puis la referma derrière lui après l’avoir salué avec cette distance qui la caractérisait tant. La porte aussitôt fermée, elle monta à l’étage, puis entra dans la chambre de sa fille. Heaven était occupée à brosser les cheveux de sa poupée ; elle l’interrompit sans vergogne, et la força à se relever. « Ecoute-moi attentivement, Heaven, dit-elle, à la hauteur de sa fille, le regard dur et les traits tirés. La prochaine fois que tu me refais une honte pareille, je t’envoie en camp de redressement. » Heaven devint blême. Kathleen la gifla, d’un geste vif et précis, avant de se redresser. « Nous dinons dans dix minutes. Ne te fais pas attendre. » Elle tourna simplement les talons, avant de passer l’encadrement de la porte de chambre. Heaven demeura figée, incapable de réagir. Le geste n’avait pas été obligatoire. Ses mots auraient suffi. Cependant, sa mère s’était appliquée à bien faire passer le message. Après tout, Heaven avait enfreint la règle numéro six : ne jamais salir le nom des Tennessee. Jamais.
Londres, Février 1997 « Comment tu t’appelles ? – Riley. Et toi ? – Moi c’est Heaven. – Dis Heaven, tu veux bien être mon amie ? » Deux enfants étaient allongés par terre, contre un carrelage froid, et parlaient à voix basse pour ne pas se faire repérer par les personnes en train de prier et d’écouter ce qu’il se passe. Ils se regardaient bien droit dans les yeux, semblaient se comprendre en un seul regard. La petite blonde sourit en voyant le regard interrogateur du blond qui se trouvait en face d’elle, et hocha la tête avec beaucoup de ferveur : bien sûr qu’elle voulait être son amie. Quelle question idiote et sans intérêt. C’était la seule âme en peine dans cet endroit ennuyeux et ennuyant dans lequel elle était trainée régulièrement qui voulait bien jouer avec elle pour faire passer le temps. Cela faisait quelques semaines qu’ils avaient pour habitude de se retrouver à côté de la Chandelle Eternelle tandis que les parents Tennessee et la gouvernante de Riley étaient occupés à prier, sans observer où pouvait bien partir leur progéniture. Les parents Tennessee étaient des Juifs pratiquants, et ne laissaient jamais une occasion d’aller à la synagogue passée. Ainsi, ils espéraient donner à leurs enfants la foi qu’ils pouvaient avoir. Cela constituait la septième règle : croire en Dieu. Une règle portant le chiffre parfait, le chiffre de la chance, le chiffre magique. Sauf que pour l’instant, Heaven avait encore du mal avec tout cela, et s’ennuyait à chaque fois. Puis elle avait rencontré Riley. Et ce n’était que maintenant qu’ils faisaient les présentations, entre deux bêtises. « Tu sais quoi ? On a qu’à être meilleurs amis. – Meilleurs amis pour la vie, alors. – Oui. Meilleurs amis pour la vie. » Ils s’échangèrent un sourire étincelant avant de prendre chacun un feutre qu’Heaven avait pris dans sa poche avant de partir de chez elle, et ils entreprirent de dessiner sur le sol, comme si cela était la chose la plus normale du monde. S’ils avaient un an et demi de différence, leur âge mental était exactement le même en cet instant : ils adoraient provoquer les personnes présents, adoraient jouer ensemble et se prendre pour les rois du monde. Des amitiés comme cela, il en existe des milliers. Les enfants sont les maîtres dans l’art de se trouver des meilleurs amis tous les jours, voire même toutes les heures pour certains. Seulement, du haut de ses cinq ans, la petite demoiselle blonde avait l’étrange sensation que cela serait plus. Que cela durerait plus, que ce n’était pas comme avec les autres amis qu’elle avait pu avoir. Fronçant les sourcils, elle se pencha sur son dessin, légèrement énervée que celui-ci s’efface au fur et à mesure qu’elle le continuait. Le carrelage n’était pas un endroit propice à son expression artistique, donc. Elle se releva, soupira, puis regarda Riley, qui à son tour avait fait de même. Ils se sourirent, posèrent en même temps un doigt sur leur bouche, et se faufilèrent dans un coin. Si Heaven pouvait être considérée comme une enfant sociable, elle avait beaucoup plus d’affinités avec les garçons qu’avec les filles. C’était simple : avec eux, elle se sentait chouchoutée, elle se sentait comme reine, et elle aimait ça. Elle adorait être au centre de l’attention, elle adorait voir que les personnes pouvaient se plier en quatre pour satisfaire ses moindres désirs. Capricieuse, oui. Un peu. Elle préférait également l’esprit des garçons, plus joueurs, moins impressionnables, beaucoup plus enclins à faire des bêtises avec elle. Cependant, Heaven était dans une école pour filles uniquement, avec un uniforme, un règlement intérieur strict, et n’avait pas l’occasion de réellement voir des garçons pour jouer avec. Les seuls qu’elle voyait, c’était les amis de ses frères, bien trop vieux pour accepter de se rouler dans la terre ou bien faire des châteaux de boue quand il pleuvait. C’était donc au parc, avec sa gouvernante, qu’elle allait, qu’elle faisait du toboggan avec ses alter egos masculins. Mais Riley restait de loin son ami préféré. « Heaven ? Où es-tu ? » La demoiselle se redressa, lança un regard paniqué à Riley, puis se leva en dépoussiérant sa robe blanche. Elle lui fit un signe de la main comme pour lui dire ‘au revoir, et à la semaine prochaine !’ et mit ses feutres dans sa poche avant de se précipiter vers sa mère. « Je suis là, mère ! » Kathleen lui fit un pâle sourire, puis regarda derrière sa fille. Elle aperçut la tête blonde de Riley, et soupira, avant de remettre le manteau d’Heaven sur son dos, et de la pousser vers la sortie, tentant de l’empêcher de se retourner. « Je n’aime pas trop quand tu restes avec ce garçon, Heaven. Pourquoi n’es-tu pas amie avec les filles de madame Hendrick ? – J’aime pas les filles de Madame Hendrick. Elles sont méchantes. – C’est parce que tu leur tires les cheveux. – En tout cas, Riley est mon meilleur ami. – Je ne veux pas le voir à la maison. » Heaven leva la tête vers sa mère, et croisa son regard assassin, qui en disant long sur ce qu’elle pensait à propos de Riley. Instinctivement, elle baissa la tête, comme pour se protéger, comme aurait pu faire ses frères à sa place. Après tout, il y avait la règle numéro huit : ne jamais tenir le regard de Madame Tennessee. Au grand jamais.
Londres, Juin 1998 Toute l’attention d’Heaven était portée sur le contenu de son assiette. Silencieuse, elle réussissait même à ne plus esquisser de grimaces lorsqu’elle portait à sa bouche ces répugnante cuillérées de pommes de terre ; Dieu qu’elle détestait la cuisine de madame Hendrick. Un domestique vint remplir son verre d’eau vide, et elle lui adressa un imperceptible petit sourire : elle gardait encore en mémoire la leçon que sa mère lui avait attribué quelques semaines auparavant, lorsque celle-ci avait eu le malheur de voir sa fille remercier un moins que rien. Non. Les Tennessee ne saluaient pas le travail de leurs inférieurs. Après tout, n’était-ce pas leur travail ? D’être au service des personnes à qui tout souriait ? Ils se considéraient déjà comme bin généreux de leur offrir un travail et un salaire. Heaven n’était pas d’accord avec ces idées-là. Mais Heaven se taisait, parce qu’à chaque fois elle avait bien trop peur de sa mère. Heaven se taisait, parce qu’elle avait appris qu’il valait mieux tout garder pour soi plutôt que protester. Elle faisait comme ses frères : elle s’asseyait et elle suivait les règles. En suivant les règles, tout allait bien. En suivant les règles, tout irait bien. « Comment s’est passé la première année de primaire, pour Heaven ? demanda alors madame Hendrick, de sa voix haut perchée qui donnait envie à Heaven de rouler des yeux. J’ai entendu dire qu’elle surpassait presque votre fils ainé, Andrew. – Heaven est absolument excellente ! » s’exclama Kathleen, dans de grands gestes démesurés. La petite fille plongea de nouveau son regard dans son assiette, espérant se faire oublier. Dans deux mois à peine, elle fêterait ses sept ans ; pourtant, la pression qui pesait sur ses épaules était telle qu’elle se demandait si elle réussirait véritablement à répondre à toutes les attentes de ses parents. Elle n’était même pas sûre que leurs affirmations étaient fondées. Elle avait, certes, reçu de très bons résultats pour cette première année de primaire, mais son frère ainé était absolument brillant. Dans ce monde de faux-semblants et de mensonges, la petite fille qu’elle était ne réussissait pas à se retrouver. Elle était perdue ; perdue dans ce que ses parents lui disaient, perdue dans ce qu’elle était censée être, perdue dans cette réalité qui semblait disparaître à chacun de ses pas. Qui était-elle réellement ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus. Elle était une petite fille à qui on avait volé l’enfance ; une petite fille contrainte de cohabiter avec un nombre incalculables de règles. Heaven devait être parfaite. Et, à force d’entendre cela, la petite fille qu’elle était avait fini par croire que cela était une absolue nécessité ; qu’il n’y avait que cela qui puisse rendre ses parents fiers d’elle, un jour. « Je suis sûre qu’elle s’entendrait à merveilles avec notre fils, Henry, poursuivit alors madame Hendrick. Il a, certes, deux ans de plus que votre merveilleuse fille, mais elle me semble beaucoup plus mure que les autres enfants de son âge. » Le visage de Kathleen sembla s’illuminer durant quelques secondes, avant que celle-ci ne retrouve le même regard froid et insensible qui lui était propre ; cela était presque malsain, comme réaction. Opportuniste. Mais dans l’univers dans lequel vivait les Tennessee, cela semblait normal de voir dans le futur. D’imaginer, qu’un jour, Heaven puisse s’appeler Hendrick en se mariant à une personne de la même catégorie sociale qu’elle. « Cela serait merveilleux, répondit Kathleen. N’est-ce pas, Heaven ? – Absolument, mère, » répondit la petite fille avec un sourire poli, qu’elle adressa à son hôte. Les adultes repartirent dans des conversations qu’elle ne tint plus à suivre ; son assiette même la dégoutait encore plus qu’au début du repas. Elle regarda successivement ses parents, puis ses frères, puis les filles des Hendrick, puis le fils, assit à l’autre bout de la table. Elle étouffait. Elle étouffait réellement. Mais qu’aurait-elle pu faire de plus ? Elle ne faisait que suivre les règles, comme elle avait fini par l’apprendre. Et elle s’en souvenait très bien : la règle numéro neuf énonçait très clairement qu’un Tennessee ne devait côtoyer que des personnes du même rang social. Mais que voulait réellement dire côtoyer ? Heaven n’était même plus sûre de rien.
Londres, Août 1998 L’été 1999 s’était annoncé beau et agréable, pourtant. Le soleil avait inondé les rues de Londres durant tous les mois de juillet et d’août ; Heaven avait presque oublié la torture que constituait de faire ses devoirs de vacances et d’aller au marché avec sa gouvernante tant le ciel avait été bleu. Elle avait passé son temps à courir dans son jardin, à espionner les oiseaux gazouillant dans les bras des plus grands arbres. Mais la réalité l’avait vite rattrapée. La réalité l’avait rappelé à l’ordre dans toute cette insouciance qu’elle avait connu durant sa huitième année d’existence sur cette Terre. « Tu vas me manquer, dit-elle doucement en pénétrant dans la chambre de son frère. Tu vas beaucoup, beaucoup me manquer. – Toi aussi, petite sœur, » répondit Zacharie en posant ce qu’il avait dans les mains au-dessus de sa valise, ouverte au beau milieu de sa chambre. La petite blonde s’avança, observant les murs d’un blanc immaculé, avant de s’assoir en tailleur au milieu de la pièce vidée de toute l’existence de son frère. Son bureau, où de vieux papiers et crayons dépareillés semblaient avoir été oubliés, et son armoire avaient été presque intégralement vidés. Zacharie s’en allait en internat. C’était aussi simple que cela. L’école dans laquelle il se rendait était spécialisée pour les enfants comme lui ; les parents Tennessee n’avaient pas voulu passer à côté du don que leur fils cadet possédait. La musique. Le violon. Le violoncelle. Le solfège. Les clefs de sol, de fa et d’ut. Les croches et les triolets. Les orchestres. L’établissement où il se rendait était hors de prix, situé en plein milieu de Londres ; ils n’avaient pas fait les choses à moitié, comme à leur habitude. Zacharie avait hâte. Il était heureux de pouvoir saisir cette chance que leurs parents lui donnaient…. Forcément qu’il était heureux de s’en aller loin d’eux et de leur façon de penser psychorigide. Quelque part, Heaven l’enviait. Elle l’enviait parce qu’en entrant au collège, il avait cette possibilité de partir loin. « Tu m’enverras des lettres ? » demanda-t-elle de sa petite voix fluette. La tristesse de voir son frère s’éloigner était présente sur son visage, mais elle savait que c’était pour le mieux. « Je reviens les week-end, Heaven, » répondit son frère en riant doucement. Après tout, le centre de Londres n’était pas si loin de la périphérie. Faire le trajet ne lui demanderait qu’une heure à peine, aller-retour, tous les jours ; cependant, ses parents souhaitaient qu’il se consacre entièrement à ses études. Prendre les transports en commun serait donc une perte de temps. Parce que si Heaven devait être parfaite, il en allait de même pour ses frères. Zacharie connaissait le même tarif que toute sa fratrie : règles, manière de vivre, grand futur, carriérisme. Les enfants Tennessee n’étaient pas des ratés : les enfants Tennessee étaient faits pour briller de mille feux, pour se trouver sous les projecteurs. Ils étaient nés pour le renom, pour perpétuer leur nom de famille à travers les générations en conservant ce même prestige qui le caractérisait tant. « Tu m’enverras des cartes quand même ? insista la petite fille. – Si tu y tiens, répondit son frère avec amusement. – Ne te moque pas de moi, s’offensa-t-elle, la mine boudeuse. C’est juste que je vais m’ennuyer durant la semaine, sans toi. – Je suis sûr que dans deux semaines tu auras déjà oublié comment c’était quand j’étais à la maison, » répliqua-t-il. Heaven se renfrogna, ce qui ne fit qu’accentuer les rires de son grand frère cadet. Doucement, il s’assit en face d’elle, ébouriffant ses cheveux blonds. Elle secoua la tête, puis replaça avec application les mèches désordonnée en faisant la moue. « Tu deviens comme maman, commenta son frère. Il ne faut pas que quelque chose dépasse. » Heaven ne dit rien. Que pouvait-elle réellement répliquer à cela ? Il avait peut-être raison. A force de vouloir voir sa fille devenir parfaite, peut-être que Kathleen Tennessee déteignait sur sa benjamine. Mais n’était-ce pas le but final ? De faire de son enfant une copie d’elle-même ? Qui pouvait réellement savoir, après tout. « Promets-moi que tu m’enverras des lettres, insista Heaven. – Je te le promets, petite sœur, » dit Zacharie, solennel. Heaven eut un sourire satisfait. Elle savait que son frère le ferait, parce qu’après tout, la règle numéro dix était très clair ; un Tennessee tient toujours parole. C’était également vrai lorsque sa mère la menaçait de la gifler si elle continuait à agir de telle ou telle sorte. C’était toujours vrai.
Dernière édition par Heaven L. Tennessee le Mer 14 Aoû - 22:20, édité 2 fois
I just can't keep hanging on, to you and me, I just don't know what is wrong, with you and me.
Londres, Novembre 2001 « Je ne me sens pas bien, monsieur Haynes, » dit fébrilement Heaven, une main sur son ventre, le teint blême. Son professeur de piano tourna la tête vers elle, soucieux, avant de pousser un soupir. Leur première rencontre remontait à cinq ans, maintenant. Cinq longues années où le vieux professeur s’était tué à essayer d’enseigner cet art à la demoiselle. Cependant, si Kathleen Tennessee lui avait demandé d’être strict avec Heaven, jamais, au grand jamais, il n’avait mis en application ses plus méthodes les plus drastiques. Cela avait été comme s’il avait pris en pitié la demoiselle ; comme s’il avait deviné que cela n’était pas facile tous les jours dans sa famille, et qu’Heaven était beaucoup trop fragile pour subir des craintes supplémentaires. Il avait été doux, attentif, pédagogue, d’une patience rare. Lui apprendre les bases n’avaient pas été facile ; le reste s’était révélé être une partie de plaisir, un véritable soulagement. Au final, Heaven aimait la musique. Elle n’aimait tout simplement pas être forcée. « Respirez, mademoiselle Tennesseee, lui répondit-il de sa voix de vieil homme. Vos parents tiennent à ce que votre présentation soit parfaite. – Je ne vais pas être parfaite, répondit-elle aussitôt, palissant davantage. – Bien sûr que si, lança-t-il. Vous connaissez le morceau par cœur. Ne laissez pas l’angoisse vous retirer cela. » Heaven lança un regard suppliant à son professeur, mais cela était peine perdue. Elle ne pouvait pas se défiler. Pas maintenant. Cependant, la peur lui rongeait le ventre. La peur la rendait malade. Elle avait dix ans. Dix petites années. Pourtant, la pression sur ses épaules était telle qu’elle finirait par tout lâcher, un jour ou l’autre ; la pression était telle qu’elle était en train de mourir de stress, littéralement. Cela n’était pas grand-chose, pourtant, après tout. Cela n’était qu’une représentation de piano, une parmi tant d’autres. Elle n’avait à jouer qu’un morceau qui durait à peine deux minutes et trente secondes ; elle n’avait qu’à s’installer derrière le clavier et enchainer les notes qu’elle avait passé des heures à apprendre, en plus du rythme. Cependant, elle voulait satisfaire les espérances de ses parents. Des espérances pourtant bien trop grandes pour la gamine qu’elle était. Comme à chaque fois, on lui en demandait trop. Comme à chaque fois, la barre avait été placée si haute qu’elle ne savait pas si elle réussirait à l’atteindre un jour. « C’est à vous dans trente secondes. » Heaven hocha doucement la tête, ravalant la bile qui lui montait dans la gorge. En plus d’apprendre le piano, ses parents l’avaient également mise à la guitare. Et au chant. Cela signifiait trois fois plus de représentations. Trois fois plus de stress. D’angoisse. Elle n’était pas au bout de ses peines, elle en avait conscience. Lorsque cela fût à son tour, elle s’avança d’une démarche tremblante, avant d’arriver à la hauteur du piano, situé en plein milieu de l’estrade surplombant le public, majoritairement composé de parents. Heaven s’installa derrière le clavier, et posant délicatement ses doigts sur les touches. Elle prit de profondes inspirations, préférant prendre son temps avant de se laisser tête baissée dans ce morceau qu’elle avait répété, encore et encore. Les notes se mélangeaient dans sa tête, encore et encore. Les enchainements s’emmêlaient dans des symphonies dissonantes. Dans un dernier soupir, Heaven balaya ces confusions, et démarra les premières notes dans de grandes gestes légers. Elle joua parfaitement. Lorsqu’elle se releva, sous les applaudissements du public, elle salua timidement l’assemblée, avant de croiser le regard de ses parents. Ils étaient satisfaits. Mais cela ne l’étonnait guère : elle avait parfaitement respecté les règles. En jouant, elle n’avait pensé qu’à un seul et même article. Règle numéro onze : un Tennessee donne toujours le meilleur de lui-même pour impressionner les autres et redorer son nom.
Londres, Janvier 2004 « Heaven, as-tu fait ton devoir d’histoire ? – Oui. – Tu as révisé tes mathématiques ? – Aussi. – Tu as révisé tes pièces de piano et de guitare ? – Egalement. » Madame Tennessee savait que sa fille ne lui mentait pas. Règle numéro douze, ne jamais mentir, quelque soit la situation. Kathleen regarda sa fille avec dédain, et finit par hausser les épaules, avant de reporter son attention sur ses dossiers. Avocate, elle n’avait guère le temps de consacrer quelques minutes à sa benjamine, rien que pour lui demander si sa journée s’était bien passée. Heaven resta à côté d’elle quelques minutes, attendant encore la réponse de sa question posée quelques instants avant l’interrogatoire de sa génitrice. Elle n’avait pas grand espoir, non. Mais elle trouvait que croire en l’impossible pouvait l’aider à avancer. Elle se leurrait, bien entendu. Mais c’était dans sa nature d’être ainsi : jeune, insouciante, souriante, croyante en des choses impossibles et ironiquement irréalisables. Madame Tennessee finit par relever la tête vers sa fille, et soupira d’un air indigné. Elle retira ses lunettes, passa sa main sur ses yeux, et attendit encore quelques instants avant d’ouvrir la bouche. « Qu’est-ce que tu attends, Heaven ? – Et bien, vous savez bien, mère. Je vous ai demandé si je pouvais aller chez Riley cet après-midi, » répondit la petite demoiselle avec sa voix mélodieuse. Regard assassin. Heaven baissa docilement les yeux, respectant encore et toujours les règles, comme si cela allait attendrir sa mère. « Il en est hors de question. File dans ta chambre. » La blonde resta figée là pendant un moment, n’en croyant pas ses oreilles. C’est seulement quand elle s’aperçut que sa mère la regardait avec agacement qu’elle fit volteface pour monter quatre par quatre les grands escaliers et se précipiter dans sa chambre. Elle passa devant Zacharie, jouant du violon, encore et encore, puis devant Andrew, casque sur les oreilles en train de lire un livre aussi gros que lui. En passant la porte de sa chambre encore toute rose, elle se mit à sentir sa gorge se serrer, puis se mit à sangloter bêtement sur son oreiller. 2003. Douze ans et quelques jours qu’elle était sur cette Terre, qu’elle était coincée dans cette famille à la fois rigide et soucieuse des apparences. Douze ans, et elle n’en pouvait déjà plus de cette vie qu’elle n’avait jamais souhaité. De cette vie trop dure et insupportable pour une personne aussi fragile qu’elle. Son regard embué de larmes se promena dans sa chambre, cherchant quelque chose contre lequel s’appuyer. Rien. Ses murs étaient blancs, comme ceux d’un hôpital, et rien ne laissait paraître qu’une adolescente vivait ici. Même dans sa chambre, même dans son territoire, Heaven n’avait rien le droit de faire, et était comme emprisonnée dans sa propre tête. Ce qu’elle faisait ? Travailler, travailler, encore et encore, tout cela rien que pour récolter un regard dédaigneux de sa mère, un soupire de son père presque jamais là. Elle faisait son possible pour faire tout ce qu’ils voulaient d’elle, jamais, pas un regard satisfait, pas une étreinte. Pour eux, c’était normal, l’excellence. Après tout, elle était une Tennessee, elle se devait de faire tout cela. Si Zacharie avait fini par aller en internat pour revenir que les week-ends, comme ce jour-là, Andrew avait quand même réussi à supporter cela. Et le supportait toujours. Mais, elle, ne pouvait plus. Elle s’affaissa sur son lit, caressa du doigt les dessins qu’elle avait pu laisser sur sa couette avant de descendre faire la requête à sa mère. Elle les observa, les larmes coulant encore contre ses joues. Monde cruel, monde injuste. D’un geste brusque, elle retira la cravate qui faisait partie de son uniforme, la jeta au loin dans sa chambre. La tristesse, dans sa tête, se transformait peu à peu en colère. Elle avait peur d’exploser, mais elle savait que cela arriverait. Fatalement. Cette famille ne lui correspondait plus, elle ne réussissait plus à se conformer à leurs règles. Elle en avait marre de n’être qu’une personne indigne d’intérêt à leurs yeux, de n’être qu’une bonne à rien. Elle était là, elle vivait à Londres, elle allait dans une école pour filles, travaillait deux heures et demi par soir pour avoir de bons résultats, était une fille modèle, rentrait toujours directement en revenant des cours, ne loupait aucune classe, avait des résultats excellents, continuait encore ses cours de piano, guitare, violon. Et au final, elle n’avait même pas le droit d’aller voir son meilleur ami que ses parents jugeaient sans importance et bien trop bas dans la société pour être fréquenté par une Tennessee… Mais c’était les règles après tout. Ce tas de règles qu’elle connaissait par cœur. Ce tas de règles sortit tout droit de l’imagination de ses parents psychorigides. Elle soupira. Ses doigts fins se posèrent sur un de ses dessins où elle avait tenté de dessiner sa mère, puis elle le saisit à pleine main, le déchira sans se contrôler. Encore. Encore. Encore. Des confettis, à l’image de l’amour qu’elle avait eu pour elle qui volait en éclat. « Heaven, qu’est-ce que tu fais ? » Zacharie se trouvait dans l’encadrement de la porte. Essuyant ses larmes, elle releva la tête pour le regarder en faisant paraître une façade pleine d’assurance. Elle respira plusieurs fois, compta jusqu’à dix dans sa tête. Elle cacha les morceaux de feuilles dans sa main. La révolution était en marche. « Moi ? Rien du tout. » Règle numéro douze des Tennessee : ne jamais mentir. Et pour la première fois de sa vie, Heaven venait de la transgresser, enfreignant en même temps la première. Ne jamais transgresser les règles.
Londres, Janvier 2004 « T’es pas sérieuse, là, Heaven ? » La Tennessee regarda sa meilleure amie avec de grands yeux, puis passa une main dans ses cheveux fraichement coupés. Lendemain du fameux jour où elle avait craqué, et qu’elle s’était sentie inutile dans sa famille. Juste après sa crise de larmes, elle avait pris sa paire de ciseaux, l’avait approché de ses longs cheveux blonds lui arrivant jusqu’aux hanches, et d’un coup bien précis, les avait coupé au niveau de la nuque. Dans ce geste, elle était allée à l’encontre même des bases de sa famille : la religion. Dans la communauté juive, il est interdit de se couper les cheveux durant un an, suite au décès d’un proche. Cela ne faisait qu’à peine huit mois qu’une de ses tantes avait rendu son dernier soupir. Mais elle s’en fichait. Elle s’en fichait complètement. Après cela, la coloration avait suivi. Noir d'encre. Elle avait été satisfaite, au départ, par la symbolique de son geste, puis avait trouvé cela pas très joli. Elle avait donc coupé de nouveau, de plus en plus court, pour se retrouver avec une coiffure identique à celle de son frère Andrew. Pas trop courts, pas rasé comme certains hommes, mais plus de longues boucles venant lui chatouiller le visage. Ce n’était pas grand-chose : après tout, dans les familles normales, les adolescents avaient souvent des réactions ainsi. Simplement, pour les Tennessee, cela voulait dire beaucoup. Beaucoup trop, certainement. Autant dire que Kathleen avait poussé un cri horrifié quand elle avait débarqué dans la salle de bain et qu’elle avait vu les longues mèches de cheveux gisant dans le lavabo et la boîte de coloration pour cheveux. C’était simple, elle n’avait jamais voulu qu’elle se coupe trop court sa tignasse, considérant qu’une fille devait avoir les cheveux longs. Règle numéro trois bis, ou quelque chose comme cela. Heaven ne s’en souvenait plus. Une gifle, même plusieurs. Mais cela n’avait rien changé. Sa fille allait demeurer avec les cheveux courts un temps. Sa fille n’avait pas respecté le deuil de sa tante avec un geste pareil. Bien entendu, qu’elle avait pris cela comme une attaque personnelle, qu’elle avait fusillé du regard sa fille aussi longtemps qu’elle avait pu. Mais elle avait vu, dans les yeux d’Heaven, que c’était fini. Qu’elle n’avait plus peur. « T’aimes pas ? » Ton innocent, voix douce, alors qu’Heaven entreprenait de prendre ses affaire dans son casier. Elle, personnellement, trouvait que cela ne lui allait pas, mais par esprit de contradiction, elle préférait penser que sa nouvelle coupe était une pure merveille plutôt qu’accepter que sa mère eut raison. Elle posa sa main sur son livre d’allemand, puis se tourna vers Heather, le visage perplexe. « Et puis, explique-moi en quoi je n’aurais pas le droit de me couper les cheveux ? – Bah, je sais pas moi, ça te donne un côté… – Garçon ? Et pourquoi pas, hein ? – Bah…, fût le seul mot que sa meilleure amie trouva à dire. – Bon, dégage Heather. T’es comme eux de toute manière. » Elle claqua la porte de son casier puis tourna les talons sans un seul regard pour sa meilleure amie. De toute manière, dans cette école, ils étaient tous ainsi. Tous pareils, autant qu’ils étaient. Trop bourgeois, trop à cheval sur les règles. C’était quoi au juste leurs problèmes, hein ? Ils ne pouvaient pas laisser les gens qui ne se plaisaient pas dans ce monde tranquillement ? Tout cela la rendait malade. Elle se mit à courir, ses affaires sous le bras, bien trop vite pour que sa jupe reste en place, et poussa violemment la porte des toilettes. Elle lâcha son sac de cours, laissa tomber ses livres de ses mains, et entra dans la première cabine qu’elle trouva. Sans plus attendre, elle pencha la tête au-dessus des toilettes, s’enfonçant ses doigts dans la gorge. Son petit déjeuner y passa. Mais c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour dénouer le nœud qui s’était formé dans son ventre. Elle se sentait de plus en plus enfermée, de plus en plus oppressée. Se couper les cheveux n’était que la première chose d’une longue série de bêtises, donc. C’est ce qu’elle conclut quand elle appuya avec énervement sur le bouton d’actionnement de la chasse d’eau. Elle se regarda dans le miroir, se rinça plusieurs fois la bouche. Elle comprenait Zach mieux que n’importe qui. Elle comprenait pourquoi il s’était tué à vouloir aller en internat, pourquoi il n’avait pas pleuré quand il avait quitté l’école pour garçons dans laquelle il avait été scolarisé avec Andrew pour se rendre dans cet internat où il avait pu étudier la musique avec des passionnés comme lui. Maintenant, il était loin de tout ça. Mais il y avait été par la manière douce. Et Heaven n’était pas résolue à être gentille à ce point-là avec leurs parents. Certainement pas. Elle allait les envoyer en enfer, eux et leurs foutues règles.
Londres, Octobre 2005 « Bon, Heaven, ce n’est plus possible ! » La voix d’Aaron Tennessee s’éleva dans la salle à manger, et la brune se concentra sur le contenu de son assiette. 2005. Cela faisait maintenant deux ans qu’elle garda les cheveux courts, certes un peu plus long que la fois où elle se les était coupés toute seule, mais ses boucles n’étaient pas réapparues. Elle finit par poser son assiette, relever la tête pour observer Andrew qui était assis en face d’elle et qui semblait être absorbé par le liquide contenu dans son verre. Mauviette. C’était la première fois qu’il ne faisait rien, qu’il laissait les parents la disputer. Et Zacharie qui n’était même pas là… Elle soupira d’un air indigné, et tourna la tête vers son père avec un air provocateur. « Et tu vas me faire quoi au juste ? Lire ton journal comme à chaque fois que mère levait la main sur nous tout simplement parce qu’on avait la mauvaise idée de faire un pas de travers, en étant gosses ? – Heaven, je ne te permets pas ! – Vous ne me permettez jamais rien, » répliqua-t-elle en levant les yeux. Elle se leva de table, dans de grands gestes dramatiques, et lança sa serviette à terre avant de marcher dessus pour s’en aller. Elle monta les escaliers aussi vite qu’elle put, prit le sac qu’elle avait fait quelques heures plus tôt en prévision de ce moment fatal. Bien sûr qu’elle avait su que cela se passerait mal. Cela se passait toujours mal, avec eux, de toute manière. Quand elle était rentrée, ce soir-là, ils l’avaient vu débarqué avec une mèche blonde parmi ses cheveux. Ils n’avaient pas apprécié, évidement. Ils avaient trouvé cela vulgaire, l’avait engueulé comme une chienne, en avait profité pour la priver de tout ce qu’ils pouvaient bien trouver, en oubliant qu’elle avait déjà été privée de toutes ces choses-là quelques jours plus tôt, à peine. Elle était restée devant eux, ce regard arrogant qu’elle s’était forgée, guère démontée par leurs menaces, faisant taire la petite fille qu’elle avait été qui lui murmurait d’arrêter son cinéma. Mais le pire avait été après, quand ils avaient aperçu le tout nouveau piercing qu’elle s’était fait, en compagnie de Riley, fraudant un peu pour pouvoir l’obtenir, au septum. Explosion à table. Scandale, bien entendu. Après tout, cela faisait très mauvais genre d’avoir une fille qui fait sa crise d’adolescence d’une telle manière. Elle redescendit, sweat-shirt sur le dos, sac aux épaules, et mit ses chaussures aussi vite qu’elle le put. Bien entendu, ses parents étaient debout, la regardaient avec de grands yeux, trop choqués pour faire quoi que ce soit. Les gifles ne faisaient plus rien. Que pouvaient-ils donc faire ? La menacer avec un couteau sous la gorge ? Ils risqueraient de se salir les mains. « Vous n'êtes que des cons. » Elle ouvrit la porte et la referma en la claquant, puis elle se mit à courir dans sa rue pleine de maisons grandissimes et de pauvres riches sans cœur. Si les larmes montaient à ses yeux, elles coulaient sans qu’elle ne sanglote comme une petite fille. Elle était, en soi, trop sensible pour que ce geste ne lui fasse rien, mais elle n’avait pas de peine pour eux. Non. Ce qu’elle pleurait, c’était son enfance gâchée. Elle avait peut-être eu tout ce qu’elle désirait, mais elle n’avait jamais eu d’amour. A vrai dire, elle ne savait même pas ce que cela pouvait bien dire. Elle descendit dans la première station de métro qu’elle trouva sur son chemin, s’orienta sans regarder un quelconque plan comme seuls les Anglais pouvaient le faire. Debout dans les longs serpents mécaniques, elle observa son reflet dans les vitres, détaillant chaque larme qui avait bien pu couler le long de sa joue. Ses cheveux étaient ébouriffés, ses yeux fatigués. Elle ne se reconnaissait plus dans cette adolescente à la fois mal dans sa peau, blessée, peu sûre de son lendemain. Doucement, elle descendit à un arrêt de la Picadilly Line, puis d’un pas mal assuré, s’avança dans la foule. Des gens normaux. Cela lui faisait bizarre. Pour une fois qu’elle côtoyait des gens qui étaient comme elle aurait voulu être. Elle monta les marches pour se retrouver dehors, la pluie s'abattant sur ses cheveux courts. Elle mit sa capuche sur sa tête, regarda autour d’elle avant de se mêler à la masse. Elle connaissait le chemin par cœur. Tellement que les minutes semblaient se transformer en secondes. Porte bleue. Sonnette presque accueillante. Tête blonde reconnaissable. « Ça te dérange si je couche là pendant quelques jours ? » Riley lui ouvrit les bras pour qu’elle puisse se réfugier contre lui. Elle se mit à pleurer, la tête nichée dans son cou, la tête nichée contre ce meilleur ami qu’elle avait rencontré neuf ans auparavant. Amitié de gamin ? Plus réellement. Ils avaient vécu trop de choses ensemble pour qu’elle puisse s’effriter aussi facilement. Il la fit rentrer. La fit dormir sur le canapé sans poser de questions, se contentant juste de la consoler du mieux qu’il pouvait. Après tout, ils étaient des meilleurs amis pour la vie.
Quatrième chapitre;
I’m not done living in a world of experimenting, Wanna make friends with the self destructing.
Londres, Juin 2006 « Central High School. Tiens, ça ne me dit rien. Ce n’est pas une école pour riches ça, je me trompe ? Oh, mais Monsieur et Madame Tennessee finissent par se rendre compte qu’il n’y a pas que des lycées qui coutent la peau du cul ? – Tu iras en internat là-bas, et tu passeras tes vacances avec un éducateur. – C’est la meilleure façon pour se débarrasser de moi, hum ? Fille indigne. Oh, la, la. Quelle honte. » Kathleen leva la main vers sa fille, puis finit par la baisser, le regard plus noir que jamais. C’était réellement fini entre Heaven et sa famille. Il n’y avait plus rien, tout du moins, entre ses parents et elle. Si, du vide, de l’incompréhension. Une barrière d’honte s’était forgée entre ces deux mondes si différents. Heaven n’aimait pas être méchante. Elle détestait son ton sarcastique, ses remarques aussi assassines que rancunières. L’enfant douce et joyeuse dormait encore en elle, l’enfant riante et sensible vivait encore quelque part sous cette carapace qu’elle s’était forgée. Seulement, l’oublier avait été le seul moyen qu’elle avait trouvé pour se défendre. Elle s’était forgée une nouvelle image avec eux ; l’adolescente rebelle et chieuse à temps plein. Avec ses amis, c’était autre chose. Elle pouvait être la fille la plus adorable de la terre, en dessous de ses cheveux teints de toutes parts, sa coupe de garçon et son maquillage pot de peinture. Mais peu de personnes, dans son ancien collège, se donnait la peine de l’écouter, de la regarder, de lui donner du temps pour faire ses preuves. Coincée dans un endroit bourgeois qui la rendait presque allergique. Voilà ce qu’elle était. Voilà ce qu’elle avait toujours été. Ils étaient assis à trois sur la table du salon. Elle d’un côté, eux deux de l’autre. Elle était revenue de chez Riley, l’été commençait tout juste. Bien entendu, elle avait fini ses années de collège, et la replacer était une obligation. Pendant longtemps, Heaven avait pensé que ses parents la destinaient à un lycée dans la même lignée que son ancienne école : exclusivement féminin, avec un encadrement spécialisée, beaucoup d’argent à investir, des locaux fabuleux, des filles étant à la fois de sombres idiotes, des garces de première et sans scrupule. Heaven finit par hocher la tête et monter à l’étage sans un seul regard pour eux. Après tout, la discussion était close. Elle se dirigea vers la chambre de Zacharie, où celui-ci était installé à jouer de la guitare, et il leva la tête dans sa direction quand elle s’affala sur son lit encore défait. Un silence s’installa, alors qu’il ne jouait plus et que leurs parents avaient cessé de marmonner en bas, et la demoiselle posa son regard sur la fenêtre pour observer les rayons du soleil. Pas un seul bruit, pas un seul souffle. Elle soupira, se releva lentement, et regarda son frère blond. « A l’internat, je vais me faire pousser les cheveux. Ils me manquent. – Pourquoi tu fais ça, Heavy ? demanda-t-il, réellement soucieux. – Il fallait bien que quelqu’un le fasse. – Et tu n’as pas peur de tout perdre ? – Et perdre quoi ? répliqua-t-elle en fronçant les sourcils. – Eux. » Comment pouvaient-ils perdre une chose qu’ils n’avaient jamais eue ? Zacharie le savait. Heaven ne répondit pas à sa question, tant la réponse était évidente. Il lui fit un petit sourire avant de se reconcentrer sur sa guitare. Elle se leva, ébouriffa les cheveux de son grand frère avant de sortir de sa chambre. Il l’avait vanné pendant des années. Il l’avait critiqué, rabaissé, lancé des paris stupides pour qu’elle se fasse gronder, et maintenant qu’ils étaient là, nus face à la vérité de leurs actes, ils avaient fait une sorte de paix. C’était peut-être la perspective de ne plus se revoir avant les grandes vacances prochaines qui les rendaient aussi calme et pacifiques, mais Heaven s’avoua qu’elle aimait cela. Il partait à Paris faire ses études de musique. Elle, allait dans un lycée de Londres, en internat, les vacances avec un éducateur, elle ne savait pas où. Elle avança vers la sortie, et dans l’embrasure de la porte, se retourna pour poser ses yeux sur son instrument. « Tu vas me manquer, Zach Tennessee. N’oublie pas de m’envoyer par la poste les partitions que tu composes, lança-t-elle. Et des cartes postales. » Zacharie se mit à rire, se souvenant de son ancienne promesse. Ils n’avaient été que des gamins, à ce moment-là. Des gamins insouciants. « Cela risque pas. Comment oublier son hérisson préféré ? » Elle rit. Cela faisait des mois qu’elle ne l’avait pas fait dans cette maison.
Londres, Octobre 2006 « Eh, la nouvelle ! » lança une voix féminine. Heaven ouvrit les paupières, avant de voir une tête se pencher du lit situé au-dessus du sien. C’était sa colocataire. Elle n’était pas sûre de se souvenir de son prénom ; à vrai dire, depuis qu’elle était là, elle ne l’avait que très rarement croisé. Heaven avait entendu dire qu’elle avait été mise à pied durant deux semaines. Mais après tout, cela ne pouvait également n’être que des rumeurs. Elle avait appris à ne pas se fier aux on-dit-que, mais dans le cas d’Andrea, les ragots qui se propageaient semblaient être fondés, pour une fois. « Humm ? répondit-elle simplement, persuadée que cela suffirait comme réponse. – T’as du feu ? » Durant une demi-seconde, elle fronça les sourcils, la voix de la petite fille qu’elle avait été lui criant que cela était une mauvaise idée. Que cela tramait quelque chose. Qu’elle ferait mieux de lui répondre non, de refermer les yeux et s’endormir comme s’il ne s’était rien passé. Elle secoua imperceptiblement la tête. Qu’elle se taise. Elle n’avait pas besoin d’elle pour vivre ; elle ne voulait tout simplement plus l’entendre. Cette voix lui rappelait trop son enfance, cette voix lui rappelait trop ce qu’elle avait été, un jour, dans sa vie. Alors, Heaven hocha la tête pour répondre que oui, bien entendu qu’elle avait du feu, et elle se releva de son lit pour aller chercher dans son sac de cours son briquet. Docilement, elle le lança à sa colocataire, et avant qu’elle ne se réinstalle sur son lit, celle-ci lui lança : « Monte, j’en ai assez pour deux, et on peut tenir ensemble sur le lit. » Fumer ici ? C’était interdit. Cependant, Heaven était également persuadée qu’il ne s’agissait pas d’une cigarette normale. Non. Elle avait entendu le bruit reconnaissable du papier qu’on roule ; elle savait qu’Andrea était connue pour la fumette et ses tendances à consommer les produits illicites. Si elle écoutait sa voix intérieure, elle n’aurait tout simplement pas accepté. Mais qui était-elle, dorénavant ? Que pourrait-il lui arriver si ses parents venaient à l’apprendre ? Elle se fichait bien de ce qu’ils pourraient penser, bien au contraire. Elle voulait vivre. Andrea lui proposait d’essayer une drogue douce pour la première fois de sa vie. Elle ne risquait rien. Absolument rien. Elle risquait simplement de vivre. Où était le mal à cela ? Sans attendre, Heaven grimpa sur le lit de sa colocataire, puis s’assit à ses côtés, le dos contre le mur, le haut de son crâne frôlant doucement le plafond de la chambre. Andrea alluma le joint, puis expira doucement, avant de le tendre à Heaven. Une demi-seconde d’hésitation. Voilà ce qu’elle connut avant de le porter à son tour à ses lèvres ; voilà ce qui lui couta toute l’éducation de ses parents. Elle était décidée à sortir des sentiers battus. Elle était décidée à s’enfoncer dans ses bêtises, persuadée que rien ne pouvait lui arriver, persuadée que tout irait bien. Elle avait l’impression de contrôler ce qu’elle était devenue, mais elle n’en avait strictement aucune idée. Elle avait l’impression de contrôler sa vie, mais elle perdait tout simplement le fil à vouloir trop de libertés. Cependant, Heaven ne s’en rendait pas compte. En expirant la fumée apaisante de marijuana, elle ne s’était pas rendue compte que cela ne puisse être que le commencement d’une longue série de joints. Que c’était le commencement de l’addiction, de la prise de drogues plus dures, plus violentes, plus dangeureuses. Cela avait été comme la première fois où elle s’était enfoncé un doigt dans la gorge : elle n’avait pas compris qu’elle ne contrôlait rien, qu’elle s’enfonçait peu à peu dans la maladie. Dans cette liberté qu’elle s’était offerte, elle était seule. Il n’y avait personne pour s’inquiéter de son état. Personne pour prendre soin d’elle. Personne pour se dire que son comportement n’était pas forcément normal. Ses parents n’étaient plus là, ses amis étaient inconscients. Aussi inconscients qu’elle, se lançant dans des plans de plus en plus à risque, dans des plans de plus en plus fous d’adrénaline. Elle était seule. Seule. Seule. Perdue dans ses bêtises. Perdue dans ce qu’elle devenait. Perdue dans cette liberté qu’elle avait toujours souhaitée mais qu’elle ne réussissait pas à contrôler.
Londres, Mai 2007 « Mademoiselle Tennessee, rappelez-moi de quoi est composé l’uniforme féminin s’il vous plait. » 2007. La demoiselle assise en face du proviseur leva les yeux au plafond, faisant mine de réfléchir, et laissa quelques secondes s’écouler le temps qu’elle réponde. Elle se redressa, joua lentement avec ses cheveux lui arrivant aux épaules, et regarda l’homme avec ses grands yeux bleus. « Chemise blanche avec l’insigne de CHS, cravate bleue nouée autour du cou, veste bleu avec l’insigne de l’école, toujours. Jupe plissée arrivant aux genoux bleue, également, collant blanc ou chair, chaussures immondes bleue et blanche de l’école… Ruban dans les cheveux peut être ? Serre-tête. Je crois même qu’il y a un parapluie quand il pleut ! » Fière, elle lui adressa un immense sourire, comme si elle sortait victorieuse de l’interrogatoire. Elle croisa les jambes, joignit ses mains sur ses genoux et continua à observer le proviseur avec ses grands yeux. Quatrième fois, ce mois-ci, qu’elle finissait par passer la porte de son bureau. Première, pour avoir fumé dans sa chambre d’internat. Deuxième, pour avoir fugué un soir pour aller dans un bar avec d’autres internes. Troisième, pour avoir eu les pupilles dilatées durant les cours de sport. Si elle n’avait pas été encore expulsée depuis son arrivée, c’était tout simplement parce que ses parents graissaient la patte du lycée. La rénovation de la cafétéria n’avait pas été faite avec des fonds propres. En cet instant, Heaven savait pourquoi elle était là. Simple. La veille, elle s’était amusée à prendre sa paire de ciseaux avec Andrea Williamson, sa colocataire et meilleure amie. Bien sûr, les profs l’avaient remarqué dès qu’elles avaient mis les pieds en classe. Ils n’étaient pas aveugles, non plus. Bien que parfois, Heaven se posait sincèrement la question. « Justement, mademoiselle Tennessee. Jupe arrivant aux genoux. Or, il me semble, la mi-cuisse n’est pas exactement située au même endroit que le genou. Je me trompe ? – Monsieur le proviseur, si vous me le permettez, c’est mieux que rien du tout. » Heaven tourna la tête vers le brun qui était installé dans un fauteuil, au fond de la pièce. Elle sourit, puis se retourna vers le proviseur en souriant de plus belle. Ironie à en vomir. Le proviseur fusilla du regard le garçon, puis la Tennessee, et se leva pour prendre dans un de ses tiroirs une chemise de chimie extrêmement longue. Il la mit dans les mains de la demoiselle, et soupira d’un air indigné. « Vous deux, dehors. Steevens, je vous communiquerais les renseignements que vous souhaitez plus tard. Tennessee, je vous retiens. – Au plaisir ! » lança-t-elle d’une voix joyeuse. Elle se leva, se dirigea vers la porte. Le gars qui l’avait à moitié défendu lui tint la porte pour sortir, et une fois dans les couloirs, elle se tourna vers lui en enfilant la blouse de chimiste prévue pour cacher ses jambes un peu trop dévoilées. Elle ne l’avait encore jamais vu auparavant. Enfin, elle avait dû le croiser à plusieurs reprises, mais n’avait pas retenu son visage. Après tout, il y avait tellement d’élève dans ce lycée, et elle n’était pas sur le même niveau que lui… Elle lui adressa un sourire. « Merci. – Ya pas de quoi, répondit-il en haussant les épaules, un sourire en coin installé sur ses lèvres. – C’est quoi ton prénom ? – Jeff. Heaven, c’est ça ? » Elle hocha la tête, sans vraiment savoir comment il avait fait pour connaître son prénom. Après tout, tout le monde dans le lycée avait dû finir par la connaitre. Heaven, la rebelle aux cheveux noirs de jais qui viraient roses sur les pointes. Image complètement fausse, d’ailleurs, puisqu’elle était la première à pleurer dans son coin, la première à s’en vouloir dès qu’elle blessait quelqu’un avec ses paroles. Mais les élèves semblaient être beaucoup plus inspirés à colporter sa réputation de mauvaise fille. Au final, ça ne la dérangeait pas. Elle savait ce qu’elle valait. Elle pensait le savoir, tout du moins.
Londres, Avril 2009 Heaven poussa un gémissement plaintif en portant sa main à son crâne. Dieu, qu’elle avait mal à la tête. Elle ouvrit doucement un œil pour aussitôt le refermer ; un léger rayon de soleil filtrait par la fenêtre, et celui-ci lui avait presque brûlé la rétine. Elle ne savait pas où elle était. Elle ne savait pas avec qui elle était. Elle patienta quelques minutes le temps de reprendre ses esprits, puis finit par se tirer du lit avec difficulté. Son regard se posa sur la personne avec qui elle avait passé la nuit ; incapable de se souvenir de lui, elle haussa tout simplement les épaules en se rhabillant. Son mal de tête lui lancinait le crâne. Son mal de tête faisait tourner le sol sous ses pieds, et elle peinait à mettre un pied devant l’autre. Elle finit par atteindre le salon de l’appartement où elle se trouvait ; elle remarqua des bouteilles à moitié vide sur la table basse, accompagnées de rails de coke encore non entamés, laissant clairement supposé la consommation qu’elle avait pu avoir la veille. Sans se poser véritablement de question, elle sortit, dévala avec grandes peines les escaliers et se retrouva dans la rue. Sans attendre, elle atteignit la bouche de métro la plus proche, et s’enfonça dans la circulation publique pour retourner à l’internat. Elle était pratiquement sûre qu’elle avait cours, aujourd’hui. Quelle heure était-il ? Elle n’en savait rien. Qu’avait-elle fait la veille ? Heaven était persuadée qu’elle était sortie en ville avec Andrea et Riley, mais le reste était encore trop flou pour qu’elle puisse réellement avancée une hypothèse plausible. Elle poussa un soupir. C’était la deuxième fois, ce mois-ci. La deuxième fois qu’elle avait un blackout ; la deuxième fois qu’elle se réveillait avec un inconnu. Elle pensait contrôler. Mais en réalité, elle ne contrôlait rien. Rien du tout. Elle finit par attendre son lycée, et elle passa par-dessus les barrières au fond de la cour, comme elle avait l’habitude de le faire à chaque fois qu’elle fuguait de l’établissement. Le pas trainant, elle se hâta de se rendre tout en haut du bâtiment, sous les combles, où se trouvaient les chambres des internes. Elle ne croisa personne sur la route, ce qui la laissa supposer qu’elle aurait bel et bien dû avoir cours en temps normal. « Damn, Heavy, t’es enfin rentrée ! s’exclama Andrea dès qu’Heaven passa la porte. Alors, comment il était au pieu monsieur-je-suis-un-beau-gosse-tatoué-sur-les-omoplates ? » Heaven poussa un gémissement en se laissant tomber sur son lit, la tête enfouie dans son oreille. Andrea se jeta littéralement sur elle, écrasant sa poitrine sur le dos de la jeune anglaise en ébouriffant ses cheveux avec entrain. « Il t’a autant épuisé que ça ? Dis, ça te dérange si je passe après toi ce soir ? » renchérit-elle en se mettant à rire. Heaven ne savait pas, Heaven ne savait plus. Au stade où elle en était, elle n’était même plus sûre de pouvoir réfléchir correctement. Cela résumait sa vie à l’internat : boire, fumer, rails de coke, marijuana, histoire de coucheries, premiers tatouages, Andrea, Riley, Jeff de temps à autre quand les choses étaient un peu plus calmes. Elle ne se rendait pas compte qu’elle était accro. Elle ne se rendait pas compte qu’elle était atteinte d’anorexie vomitive. Elle ne se rendait pas compte qu’elle foutait littéralement son lycée en l’air, qu’en temps normal ses résultats auraient dû être bien meilleurs. Heaven se perdait dans cette fausse idée qu’elle s’était faite de la liberté : mais, au moins, elle avait l’impression de vivre. Au moins, elle était heureuse dans le bordel monstre qu’était devenue sa vie. Ses parents étaient incapables de la regarder en face, de la regarder dans les yeux. Là-dedans, Heaven y trouvait une certaine satisfaction. Elle avait l’impression d’avoir réussi à avoir accompli quelque chose dans sa vie. « Il reste de l’herbe dans ce qu’on a acheté mercredi ? réussit-elle à marmonner dans son oreiller. – Faut que je vérifie, » répondit aussitôt Andrea en se dégageant d’elle pour fouiller dans la chambre. Quotidien. Liberté. Fumer. Tout se mélangeait dans son esprit. Elle perdait le fil. Elle perdait pied. Elle était malade ; malade d’avoir été si limitée étant gamine. Ses parents n’obtenaient que ce qu’ils avaient toujours cherché : à mettre trop de barrière autour d’elle, à être si durs avec elle, ils avaient fait d’Heaven un monstre. Un monstre perdu dans son monde. Hors de contrôle.
Dernière édition par Heaven L. Tennessee le Mer 14 Aoû - 22:40, édité 3 fois
Moi aussi j'ai eu peur en voyant le Leven Rambin en sous-titre Punaise...Tu penses avoir réservé avoir de posts là ?
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mar 13 Aoû - 0:37
C'est pas le moment où je m'étouffe de rire vu la longueur que tu t'imposes ? Non mais je te jure, dans six mois, tu n'en auras même pas fait la moitié.
Bref, re-bienvenue avec cette nouvelle fiche et surtout, BON COURAGE. Tu restes toute bonne mon amour.
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Empire State of Mind
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mar 13 Aoû - 0:53
Dylan L. James-Cooper a écrit:
Ca va t'as assez de place ? J'me suis tapée un flippe en voyant le "Leven Rambin" en bas, avant de voir que c'était toi
Bref, MA HEAVEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEN CHÉRIE D'AMOUR Re-re-re-re[...]re-re-re-bienvenue Un gros paragraphe sur Dylan hein
Spoiler:
Non mais le pire c'est que je crois que je ne vais pas avoir assez de place. Bah, faut bien que je respecte les règles. MA DYLAAAAAAAAAAAAAAAN. :laura: T'inquiète, Dylan a sa place dans la fiche. Merciiiii
Spoiler:
Samira K. Gonzalez a écrit:
Bon, tu comptes nous faire un roman complet ?
Re(...)re-bienvenue
Au moins, oui. Vu comment je suis partie... Merci beaucoup.
Camelia A. Lombardi a écrit:
Ma future patronne
Ma future employée.
Aaron Dickens a écrit:
Rererererebienvenue
Mercimercimercimerciiii.
Paige E. Wingston-Meyer a écrit:
Moi aussi j'ai eu peur en voyant le Leven Rambin en sous-titre Punaise...Tu penses avoir réservé avoir de posts là ?
Mais vous êtes pas douées. Nan j'en ai pas assez. Vdm. Bonne lecture.
Hope A. Roseberry a écrit:
C'est pas le moment où je m'étouffe de rire vu la longueur que tu t'imposes ? Non mais je te jure, dans six mois, tu n'en auras même pas fait la moitié.
Bref, re-bienvenue avec cette nouvelle fiche et surtout, BON COURAGE. Tu restes toute bonne mon amour.
... Tu t'étouffes de rire, j'te boude, eukay? Mauvase langue, j'ai déjà fait la moitié. Et j'me suis fixée le délai normal pour finir ma fiche. MERCI BEAUCOUUUUP. J'espère bien.
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mar 13 Aoû - 6:08
Re-bienvenue Leven m'a fait rire aux TCA " One direction laaaa raaaaaa etc " Elle était belle Bref. Courage pour cette nouvelle fiche
Elsa J. Shadow
Empire State of Mind
◊ It's a new dawn, it's a new day, it's a new life
Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mar 13 Aoû - 19:18
Omg en voyant la fiche j'ai cru que t'allais changer d'avatar, genre revenir aux sources brookelle! brookelle! rebienvenue tout ça, et surtout bon courage pour écrire ton petit roman
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mar 13 Aoû - 19:27
Je me disais bien que Leven avait déjà été prise u_u J'ai eu peur pour mon mental là x)
Brefouille. Bon courage pour cette nouvelle fiche
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Jeu 15 Aoû - 15:35
Bienvenue parmi nous
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Jeu 15 Aoû - 23:04
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Sujet: Re: empty churches with soulless curses (heaven). Mer 28 Aoû - 19:07
c'est la version combien de heaven la ? re-re-[...]re-bienvenue papuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuche