→ Le soleil déclinant et disparaissant derrière l’horizon sortit enfin Daedra de sa torpeur. Elle avait passé sa journée assise au bord du lac, à contempler l’eau d’un air absent, déconnectée de la réalité. Elle s’était posée derrière un arbre de manière à ce qu’on ne la voit pas en arrivant du château. Mais les quelques élèves revenant de Pré-au-Lard avaient aperçu la ‘fausse’ Mills qui observait l’eau avec l’air d’avoir profondément envie d’aller se noyer au fond du lac. Elle avait retiré ses chaussures pour tremper ses pieds dans l’eau glacée, repoussant les strangulots qui s’approchaient trop près de sa peau grâce à un sortilège de répulsion. Elle n’avait pas nécessairement envie de finir sans pied mais d’un autre côté, cela lui était égal. Tout ce qui avait tourné dans sa tête, toute la journée, c’était la conversation qu’elle avait eu avec Angelo le matin même. Et la conclusion qu’elle en avait tiré. Elle n’était pas assez bien, pas suffisante pour qu’il fasse le moindre effort pour elle. Ses sentiments à elle étaient plus puissants que les siens et ils ne seraient jamais ensemble. Serrant Ghost contre elle, qui devait en avoir marre d’être étouffé de la sorte mais qui ne bronchait pas, elle se redressa, oubliant ses chaussures au bord de l’eau avant de se diriger vers le château. La nuit tomba rapidement. Ou peut-être était-ce elle qui marchait lentement. Toujours était-il qu’en arrivant à l’énorme double porte, il faisait déjà nuit noire. La jeune femme ne s’arrêta pas devant la grande salle, le ventre trop noué pour avaler quoique ce soit et pris les escaliers, l’esprit distrait. Ses yeux étaient rouges et ses joues recouvertes de ses larmes séchées, laissant des traces peu ragoûtantes. Elle avait était trop flemmarde pour les essuyer, sachant que cela ne servirait à rien puisqu’elle recommencerait à pleurer tôt ou tard, comme c’était le cas depuis trop longtemps maintenant. Elle s’arrêta au troisième étage pour aller aux toilettes et se rincer le visage, avant de reprendre la direction des escaliers. Elle ne stoppa pas au septième étage, sachant que trop bien qu’il risquait de s’y trouver, avec ses bouteilles et une salope dans ses bras. Elle n’avait pas spécialement envie d’assister à cela et c’est pourquoi elle se dirigeait vers l’une des tours. Son premier instinct avait été d’aller vers celle d’astronomie mais de plus en plus d’élèves se retrouvaient là. La volière lui sembla donc être un choix plus judicieux. Elle poussa la porte de la salle, froide comme à son habitude et la trouva vide à son plus grand désespoir, si l’on exceptait les centaines d’hiboux qui se réveillaient. Hermès, hibou strié que ses parents lui avaient offert avant son entrée à Poudlard et donc avant qu’elle ne soit considérer comme la deuxième erreur de la famille après Rick, vint virevolter autour d’elle et elle tendit la main pour qu’il se pose dessus. Elle n’avait aucune lettre à lui donner, personne à qui écrire. Elle le laissa s’envoler à nouveau et se dirigea vers l’une de ces fenêtres sans vitre caractéristiques à la pièce. Au-delà, il y avait un simple rebord bordant la tour, assez étroit et ne protégeant pas vraiment du vide qui s’étendait en-dessous. Se penchant, Daedra se glissa par l’une des ouvertures et posa un pied puis l’autre sur le rebord, avant de se redresser, le dos plaqué à la tour. Ghost était resté à l’intérieur et saisit le tissu de son pantalon, comme pour l’empêcher de tomber.  Des rochers s’étendaient en contrebas, à des centaines de mètres et le vent soufflait fort, manquant de lui faire perdre son équilibre. Elle tint bon, s’agrippant aux rebords de la fenêtre et ferma les paupières. Les larmes si familières ne tardèrent pas à déferler sur son visage rendu glacial par l’air frais de la nuit et elle ne les retint pas, laissant son visage se déformer sous le trop plein d’émotions. Elle rouvrit les yeux, sanglotant faiblement et les fixa sur le sol plus bas. Elle pouvait faire un pas en avant, relâcher ses mains. Elle pouvait mettre un terme à cette impression distincte que sa vie n’aurait pas pu être pire. Elle pouvait jouer à Dieu et décider de sa propre mort. Elle pouvait faire un saut dans l’inconnu, rien qu’en lâchant prise. Mais elle n’était qu’une adolescente jouant à l’adulte, essayant de se convaincre que sa vie ne valait pas la peine d’être vécu alors que ce n’était que des caprices de gamine, que des soucis imaginaires et insignifiants. Elle était insignifiante aux yeux du reste du monde, qu’une fourmi parmi tant d’autres. Sa bouche s’entrouvrit, lui permettant de goûter à ses larmes salées et elle eut envie de hurler sa haine, de déverser sa colère contre le monde et contre elle-même, d’hurler jusqu’à que cela cesse de faire mal. Mais les hiboux s’agitèrent de nouveau dans la volière et elle sut que quelqu’un était arrivé. Qu’il était arrivé. Doucement, déplaçant lentement son pied, elle se retourna pour faire face à l’intérieur de la pièce, coinçant ses mains sur le rebord de pierre. Si elle l’avait lâché, elle aurait chuté en arrière. Il lui fallut un moment pour enfin apercevoir Lys dans la pénombre et elle sourit à travers ses larmes.

« Je t’attendais, beau gosse. »